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grande partie, eft accoutumé à ne vivre que d'herbes & Partage de la Seite de riz. Au refte, cette profeffion de Jeûneur eft lucrative & charlatanisme pour le Chef; tous les difciples, lorfqu'ils s'affemblent, des Bonzes. doivent un tribut au Docteur-Pere, & toutes ces fommes

de Fo. Impoftures

réunies, lui forment, chaque année, un
chaque année, un revenu affez
confidérable.

Les pélerinages, & les lieux qui les déterminent, ne
manquent point à la Chine. Sur certaines montagnes,
dans chaque Province, s'élevent des temples plus ou moins
révérés, où la fuperstition attire une foule de dévots qui
s'y rendent de fort loin. Ce n'eft qu'en fe traînant pieu-
sement fur leurs genoux que les Pélerins graviffent sur
ces faintes montagnes. Ceux à qui l'âge, des infirmités
ou des affaires ne permettent pas de s'affocier à ces fer-
ventes caravanes, chargent au moins quelques-uns de
leurs amis de leur rapporter une grande feuille imprimée,
marquée par les Bonzes à un coin particulier. Le centre
de cette feuille eft occupé par l'image de Fo. Sur les vê-
temens du Dieu, & tout autour de fa représentation, font
tracés une multitude de petits cercles, dont voici l'usage.
Les dévots & les dévotes au Dieu Fo portent pendu au
cou ou autour du bras une espece de chapelet, compofé de
cent grains médiocres, divifés par huit plus gros; un grain
majeur, de la forme d'une petite calebasse, orne la tête
du chapelet. C'est en roulant ces grains entre leurs doigts
qu'ils prononcent les paroles mystérieufes O-mi-to Fo! &
chacune de ces invocations eft accompagnée d'une génu-
flexion. Lorsqu'ils ont complété le nombre de cent, égal
à celui des grains, ils marquent d'un trait rouge, fur la
feuille timbrée des Bonzes, un des cercles qui environ-

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nent la figure de Fo. Cette feuille devient le registre dépofitaire des prieres faites pendant la vie. Pour en conf- Partage de la Secte tater l'authenticité, les Bonzes font appelés de temps & charlatanisme de Fo. Impofures en temps dans les maifons; ils vérifient le nombre des des Bonges. cercles marqués du trait rouge, & fcellent la feuille. On porte avec pompe aux funérailles cette précieufe pancarte, déposée dans un coffret fermé d'un fceau : c'est ce qu'on appelle Lou-in, ou paffe-port pour l'autre monde. I en coute quelque argent pour obtenir que toutes ces formalités foient remplies; mais on n'est pas tenté de calculer la dépense, quand il s'agit d'affurer le fuccès de ce dangereux voyage.

D'après l'intérêt que les Bonzes ont de captiver l'esprit & la confiance des crédules Chinois, on fent combien ils doivent être oppofés aux progrès de la Religion Chrétienne, & quel efprit de perfécution doit les animer contre les Miffionnaires Européens. Pour les rendre odieux, il n'est point de calomnies, d'imputations abfurdes qu'ils ne fe permettent. Tantôt ils difent que ces étrangers ne se font introduits à la Chine que dans le deffein de l'envahir; que la doctrine nouvelle qu'ils annoncent est un moyen adroit dont ils fe fervent pour fe procurer des partisans nombreux, & affez dévoués pour feconder leurs efforts, lorfque des flottes & des troupes Européennes se présenteront pour l'invasion; tantôt, qu'ils ne perfuadent leurs dogmes qu'à l'aide du fortilège; qu'ils ne s'attachent des disciples qu'en leur prodiguant l'or & l'argent dont ils ne manquent point, parce qu'ils ont le fecret d'imiter & de contrefaire ces métaux. Ils assurent aux uns que ces Miffionnaires arrachent les yeux

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de Fo. Impoftures & charlatanifme des Bonzes.

leurs profélytes, pour en faire les lunettes dont ils fe Partage de la Seite fervent pour obferver les aftres; aux autres, qu'ils ne font venus à la Chine que pour faire des recrues d'ames, dont il y a a difette en Europe; qu'on ne peut plus leur échapper dès qu'on a embraffé leur doctrine, & que par la force de certains enchantemens, ils contraignent toutes ces pauvres ames à passer en Europe. Voyez, leur disentils, les étranges malheurs auxquels l'imprudence vous expofe ! Si ces imputations extravagantes font quelque impreffion fur la populace, elles n'en impofent point aux Lettrés & aux honnêtes gens: elles ne font qu'ajouter au mépris qu'ils avoient déjà pour les Bonzes.

Autres fuperfti tions Chinoifes.

CHAPITRE VI

Autres fuperftitions Chinoifes.

LE
peu de connoiffance de la Phyfique & des effets
que la Nature peut produire, concourt à entretenir la
crédulité fuperftitieufe des Chinois, & facilite beaucoup
l'art des impofteurs. Les demi-Savans, les femmes, &
prefque toutes les perfonnes du peuple ne font témoins
d'aucun accident imprévu ou extraordinaire, fans l'attri-
buer à l'influence cachée de quelque mauvais Génie. Ce
Génie, chacun le crée dans le délire de fon imagina-
tion; l'un le place dans telle idole, l'autre dans un vieux
chêne; celui-ci, dans quelque haute montagne; celui-là,
dans le corps d'un énorme dragon qui habite au fond des
mers: il n'est point de facrifices, de cérémonies bizarres

qu'on n'invente pour appaifer ce démon malveillant. Quelques-uns constituent cette puiffance ennemie d'une

Autres fuperfti

autre maniere : c'est, selon eux, l'ame ou plutôt la fubf- tions Chinoifes. tance épurée & en quelque forte aérienne.d'une bête; d'un renard, par exemple, d'un chat, d'un finge, d'une tortue, d'une grenouille. Ils affurent que ces animaux, après avoir vécu long-temps, ont la faculté de fe dépouiller ainfi des parties terreftres & groffieres qui les compofoient; ils deviennent effences pures, & c'est alors qu'ils fe plaifent à tourmenter les hommes & les femmes, à déconcerter leurs projets, à les gratifier de fievres, de catarres, de pleurésies, &c.; auffi, lorsqu'ils tombent malades, ne connoiffent-ils point d'autres Médecins que les Tao-ffé; eux feuls font appelés, & bientôt toute la maison retentit du tintamarre affreux que font ces Prêtres pour chaffer ces Sylphes perfécuteurs.

Trois autres pratiques fuperftitieufes égarent encore bien des têtes Chinoifes. La premiere eft ce qu'on appelle Souan-ming, fupputer fa deftinée. Toutes les villes. de la Chine font remplies de tireurs d'horofcopes : ce font ordinairement des aveugles qui jouent d'une espece de tuorbe, & qui vont de maifons en maifons s'offrir à dire la bonne aventure pour quelques légeres pieces de monnoie. Leur fcientifique jargon n'eft que trop propre à féduire les fimples; on ne peut s'empêcher d'admirer l'abondance d'inductions qu'ils tirent de l'état combiné de certains aftres, ni tout ce qu'ils débitent fur l'année, le mois, le jour, l'heure de la naissance. Ils prédifent quelquefois les malheurs généraux dont on est menacé; plus fouvent ils annoncent des honneurs, de grands profits dans

le commerce, des fuccès brillans dans la carriere des Autres fuperfti- études; ils indiquent les caufes des maladies, qu'ils at

tions Chinoifes.

tribuent prefque toujours à quelque Divinité offenfée. Les remedes qu'ils prefcrivent & dont ils garantiffent la prompte efficacité, font d'appaifer tel mauvais Génie par des facrifices, de recourir aux prieres de certain Bonze. Si, par un effet du hafard, leur prédiction se vérifie, le préjugé en leur faveur s'accrédite; fi elle est démentie par l'événement, l'art n'en fouffre pas; on fe contente de dire, cet homme ne favoit pas fon métier.

La feconde pratique fuperftitieuse eft de confulter les forts, Pa-coua ou Ta-coua. On peut le faire de plufieurs manieres. La plus commune est de se préfenter devant une idole, d'y brûler quelques parfums, & de battre plufieurs fois la terre du front. Sur l'autel qui porte l'idole se trouve toujours une efpece de cornet, tout rempli de petits bâtons plats, longs d'un demi-pied, fur lesquels font tracés différens caracteres inintelligibles. Chacune de ces fiches recele un oracle. Après les profternemens & toutes les cérémonies préliminaires, le confultant fait tomber au hasard un de ces petits bâtons, dont il se fait expliquer l'infcription par le Bonze qui l'accompagne. Au défaut de celui-ci, on a recours, pour trouver le mot de l'énigme, à une pancarte affichée au mur de l'Oratoire. Cette confultation du fort est très-fréquente à la Chine: bien des gens n'ont garde de l'omettre lorfqu'il s'agit d'entreprendre un voyage, de vendre ou d'acheter, de commencer un procès, de contracter un mariage: ils croiroient manquer de prudence en ne cherchant pas à s'éclairer fur l'avenir.

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