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foleil, la lune, & jusqu'au ciel même. On grave ou l'on peint ces divers objets à part, on met au deffous le nom de la chose représentée; elle fert à donner aux enfans l'explication du mot. Ceci reffemble beaucoup au jeu nouvellement inventé pour eux en France; & ce n'est pas la feule chofe que nous ayons prife aux Chinois fans le dire.

Plaignons-les de n'avoir point d'alphabet; plaignons fur-tout leurs enfans d'être obligés d'étudier tant de milliers de caracteres qui tous ont une fignification isolée. Le Livre qu'on leur met d'abord entre les mains est un abrégé qui indique ce qu'un enfant doit apprendre, & la maniere de l'enseigner. C'est un affemblage de petites sentences compofées les unes de trois vers, les autres de quatre, & toujours rimés. Ils font obligés de rendre compte le foir de ce qu'ils ont appris dans la journée. Les châtimens manuels font en ufage à la Chine comme parmi nous. Qu'un écolier néglige l'étude, ou manque différentes fois à fes autres devoirs, on le fait monter fur un petit banc fort étroit, on l'oblige à fe coucher tout de fon long fur le ventre, & on lui applique, fur fon caleçon, huit ou dix coups d'un bâton plat comme nos lattes. Le fouet chez nous, les coups de latte chez les Chinois font peut-être de trop; mais au moins les Chinois admettent le caleçon.

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Leurs écoliers ont, pour toute relâche, dans leur dure carriere, un mois de vacances au nouvel an, & cinq à fix jours vers le milieu de l'année.

Du Livre des premiers élémens, on les fait paffer aux quatre Livres qui renferment la doctrine de Confucius & de Mencius. On ne leur explique le fens de l'ouvrage que K kkk ij

Education des

enfans.

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lorfqu'ils en favent par cœur tous les caracteres, c'està-dire phyfiquement tous les mots; méthode bien rebutante pour eux, & fans doute inconcevable pour nous, Il est vrai qu'en même temps qu'ils apprennent ces lettres, on leur enfeigne à les former avec le pinceau. Voici le double expédient qu'on emploie à ce fujet : on leur met d'abord entre les mains de grandes feuilles écrites ou imprimées en affez gros caracteres rouges. Ce qu'on exige d'eux eft feulement de couvrir avec le pinceau ces caracteres rouges d'une couleur noire, d'en fuivre exactement le deffin & les contours; ce qui les accoutume insenfiblement à former les traits. De là, on leur fait calquer d'autres caracteres placés fous la feuille fur laquelle ils écrivent ceux-ci font noirs, & plus petits que les premiers. Ce dernier moyen n'eft pas inconnu en France; mais pourquoi ne pas emprunter également l'autre ?

C'est un grand avantage pour les Lettrés Chinois de bien peindre leurs caracteres : voilà pourquoi on s'attache effentiellement à former la main aux jeunes gens. La netteté des caracteres eft comptée pour quelque chofe dans l'examen qu'on fait fubir aux éleves pour les admettre. au premier degré. Le défaut contraire leur fait fouvent: donner l'exclufion. Le P. du Halde en rapporte un exemple affez piquant. Un aspirant aux degrés, dit-il, s'étant fervi, contre l'ordre, d'une abréviation en écrivant le » caractere Ma, qui fignifie cheval, eut le chagrin de » voir fa compofition, quoiqu'excellente, mife, pour » cela feul, au rebut, & effuya de la part du Manda»rin ce trait de raillerie; qu'un cheval ne » marcher, s'il n'avoit fes quatre pieds «..

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pouvoit:

Lorsqu'un éleve s'est mis dans la tête un affez grand nombre de caracteres, la compofition lui eft permise. Celle dont on leur enfeigne les regles tient beaucoup des amplifications qu'on fait faire à nos écoliers, prêts à entrer en Rhétorique; mais nos Profeffeurs donnent, pour l'ordinaire, l'argument du fujet; les Profeffeurs Chinois indiquent le sujet par un feul mot.

Le concours eft auffi établi à la Chine pour les écoliers. Vingt ou trente familles qui portent toutes le même nom, & qui en conféquence n'ont qu'une feule falle pour tous les manes de leurs ancêtres, conviennent entre elles d'envoyer deux fois chaque mois leurs enfans dans cette falle pour y compofer. Chaque Chef de famille donne tour à tour le fujet de cette joûte littéraire, & en adjuge le prix; mais ce privilége l'oblige à faire les frais du dîner, qui eft porté, par son ordre, dans la falle du concours. On fait payer une amende de vingt fous au parent de tout écolier qui s'abfente de cet exercice; & vingt fous font comptés pour quelque chofe à la Chine. Rarement auffi a-t-on lieu d'infliger l'amende.

Cependant les concours de cette nature font particuliers, & n'intéreffent point les regles de l'éducation générale; mais tous les éleves font forcés de concourir, au

moins deux fois par an, fous les yeux du petit Mandasin des Lettrés, qu'on nomme Hio-koüan; & ce concours est général dans toutes les Provinces de l'Empire; une fois au printemps, une fois en hiver. Il arrive auffi, de temps à autre, que les Mandarins des Lettrés font venir ces éleves pour examiner leurs progrès & maintenir entre eux l'émulation, fans laquelle tout refte inférieur à ce

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qu'il doit être. Enfin, les Gouverneurs des villes ne dédaignent pas de prendre eux-mêmes ce foin; ils font venir chaque mois à leur Tribunal les élèves qui ne font pas éloignés de leur réfidence. Un prix quelconque est celui de la meilleure compofition; le Gouverneur traite à fes frais, le jour du concours, tous les Candidats.

L'Europe aura peine à concevoir jufqu'à quel point les Souverains de la Chine ont porté leur attention à favorifer les Lettres. Louis XIV, qui leur fut fi utile parmi nous, se trouveroit, fur ce point, très-inférieur à ces Monarques, même à ceux qui habitoient auparavant les déferts de la Tartarie. On trouve dans chaque ville, dans chaque bourg, & prefque dans chaque village, des Maîtres qui tiennent école pour y instruire la jeunesse dans les Sciences, c'est-à-dire, dans celles que les Chinois peuvent enseigner. Les parens qui jouiffent d'une certaine fortune donnent à leurs enfans des Précepteurs pour les inftruire, les accompagner, former leur cœur à la vertu, leur conduite aux civilités, aux cérémonies d'usage, &, fi leur âge le comporte, leur apprendre l'Histoire & les Loix. Quelques Précepteurs en France pourroient se soumettre à toutes ces conditions, & les remplir; mais ils n'y jouiroient pas des mêmes avantages dont leurs foibles émules jouiffent à la Chine.

Ceux-ci, pour la plupart, ont déjà un ou deux grades parmi les lettrés. Ils continuent de fuivre les examens; & l'éleve n'eft jamais étonné de voir fon Précepteur devenir fon Vice-Roi.

Le lieu où fe font les examens eft toujours confidétable, même dans les moindres villes; mais, dans les

villes capitales, c'est un palais. Les écoliers, à l'instant du concours, font enfermés chacun dans une chambre, longue de quatre pieds & demi, fur trois pieds & demi de large. Le nombre de ces chambres monte quelquefois à fix mille. On examine avec foin, lorsque les Candidats arrivent, s'ils ne portent point fur eux quelque livre ou quelque écrit. Il leur eft défendu, fous peine d'être chaffés, punis très-févérement, & exclus de toute prétention aux degrés littéraires, de porter avec eux autre chofe que des pinceaux & de l'encre. Ils ne peuvent plus, dès ce moment, communiquer avec perfonne. Le fceau est appofé fur leur cellule, & des Officiers du Tribunal furveillent à ce qu'on ne puiffe pas même leur parler à travers la porte. On ne pouffe pas les précautions auffi loin dans les concours de nos Univerfités à cela près, on peut y remarquer bien des rapports. Les Colléges de la Chine n'ont pu rien emprunter de nos Universités : celles-ci n'ont-elles rien emprunté d'eux ?

- Les éleves qui, dans ces examens, ont été jugés capables de fubir celui des Mandarins, font arrivés au point qui termine l'éducation de l'enfance; mais s'ils parviennent aux différens degrés fans arriver aux premieres charges, leur éducation dure à peu près autant que leur vie.

Nous dirons peu de chofe fur l'éducation des jeunes Chinoises: elle fe réduit à leur faire aimer la retraite, la modeftie, & jufqu'au filence. On leur procure auffi quelques talens agréables, fi elles font nées riches. Quoi qu'il en foit, leurs devoirs font purement paflifs à la Chine, comme dans tout le reste de l'Afie.

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