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mes des deux fexes.

CHAPITRE III

Vétemens, coftumes des deux fexes.

LA forme des habits est à peu près la même parmi les Vêtemens, cofu- citoyens tant des deux claffes que des deux sexes dans les villes; mais certains ornemens accessoires diftinguent le grade, la dignité de ceux qui les portent. Ce feroit s'exposer à de rudes châtimens que de s'en décorer sans en avoir le droit.

L'habit Chinois en général est compofé d'une longue vefte qui defcend jufqu'à terre. Un pan de cette veste, celui du côté gauche, se replie sur l'autre, & est attaché fur le côté droit par quatre à cinq boutons d'or ou d'argent, un peu éloignés les uns des autres. Les manches de cet habillement font larges près de l'épaule, & fe retréciffent à mesure qu'elles defcendent vers le poignet; elles se terminent en forme de fer à cheval qui couvre les mains, & ne laissent paroître tout au plus que le bout des doigts. Les Chinois fe ceignent d'une large ceinture de foie, dont les bouts pendent jufque fur leurs noux. Un étui, qui contient un couteau, eft attaché à cette ceinture; elle renferme auffi les deux bâtonnets qui leur fervent de fourchettes.

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Ils portent, fous fous cerre veste, un caleçon plus ou moins chaud; c'est la saison qui en détermine la matiere : il est de lin pour l'été, & quelquefois ils le couvrent d'un autre ca

leçon

mes des deux fexes.

leçon de taffetas blanc. Il eft, pour l'hiver, de fatin fourré, ou de coton, ou de foie crue, ou enfin de pel- Vêtemens, coftuleteries, fi c'est dans les Provinces feptentrionales. Leur chemise, toujours très-ample, eft fort courte, & de toile différente, selon les faifons. Ils portent communément sous cette chemise une espece de filet de foie, qui l'empêche de s'attacher à la peau.

Les Chinois ont le cou abfolument nu lorsqu'il fait chaud; ils le couvrent d'un collier de fatin, de zibeline, ou de peau de renard, quand il fait froid : il tient à leur veste qui, en hiver, est fourrée de peau de mouton ou piquée de coton & de foie. Celle des gens de qualité est entiérement doublée de belles peaux de zibeline, qui leur viennent de Tartarie, ou de belles peaux de renard avec un bord de zibeline. Ils la portent doublée d'hermine au printemps. Ils endoffent auffi, par-dessus la veste, un furtout à manches larges & courtes, qui eft doublé, ou bordé de la même maniere.

On a réglé jusqu'aux couleurs qui doivent distinguer chaque condition. L'Empereur & les Princes du Sang ont feuls le droit de porter la couleur jaune; certains Mandarins portent le fatin à fond rouge, mais feulement dans les jours de cérémonie; ils font, pour l'ordinaire, vêtus en noir, en bleu, ou en violet. La couleur affectée au Peuple eft ou la noire ou la bleue; l'étoffe qui le couvre n'est jamais qu'une fimple toile de coton.

Les Chinois n'ont pas toujours eu la tête rasée; ils avoient même le plus grand foin de leur chevelure. Les Tartares, leurs conquérans, les obligerent d'en tondre la plus grande partie, comme eux-mêmes le faifoient. Les

Chinois tenoient à leurs cheveux, comme les anciens Vêtemens, coftu- Ruffes tenoient à leur barbe. Il y eut du fang verfé pour mes des deux fexes. opérer cette révolution; il y en eut également pour les réduire à changer la forme de leurs habits, & leur faire adopter le costume Tartare. Ce qui paroîtra fingulier, c'est que le conquérant qui exigeoit d'eux cette menue complaifance, adoptoit, dans ce même instant, leurs loix, leurs mœurs & leur conftitution. Il vouloit parlà faire oublier aux Chinois qu'ils avoient changé de Maîtres; mais il fentoit que la différence des habits pourroit les faire fouvenir de ce qu'il vouloit leur faire oublier. Alexandre, qui tranchoit fi volontiers fur tout, fit mieux encore; il adopta les usages des Perfans, & leur laiffa leurs habits. Sans doute que le conquérant Tartare croyoit fes Tailleurs plus habiles que ceux de la Chine.

Ainfi les Chinois qui, dans les tableaux qu'on en trace, nous paroiffent chauves, ne le font point naturellement. La portion de cheveux qu'ils confervent fur le fommet de la tête ou par-derriere, eft ce qu'on pourroit appeler leur chevelure d'ordonnance. Ils en forment une treffe qui généralement eft fort longue. Leur coiffure d'été est une espece de petit chapeau fait en forme d'entonnoir renverfé; il est doublé de fatin, & couvert d'un rotin finement travaillé. On attache au fommet, qui forme une pointe, un gros flocon de crin rouge qui le couvre, & qui fe répand jufque fur fes bords. Ce font les jambes de certaines vaches qui fourniffent ce crin aux Chinois : il est très-fin, & fe teint facilement, fur-tout en rouge très-vif. Cet ornement eft permis à tous ceux qui veulent en faire ufage.

Voici un autre genre de coiffure qui n'eft permise qu'aux Mandarins & aux Gens de Lettres. Ce chapeau eft de la même forme que le précédent, mais doublé & recouvert de fatin : celui de deffous eft rouge, celui de deffus eft blanc, & furmonté d'un gros flocon de la plus belle foie rouge, qu'on laisse flotter au gré du vent. Les gens de diftinction fe fervent du chapeau commun, lorfqu'ils vont à cheval ou que le temps eft mauvais : il résiste mieux que l'autre à la pluie, & garantit très-bien des rayons du soleil. Ils ont pour l'hiver encore une autre coiffure; c'est un bonnet fort chaud, bordé de zibeline, d'hermine, ou de peau de renard, & furmonté d'un flocon de foie rouge. Ces bordures coutent quelquefois jufqu'à cinquante taëls.

Les gens qualifiés ne fortent jamais qu'en bottes, qui font pour l'ordinaire de fatin, ou d'autre étoffe de foie, ou même de coton, mais toujours teinte. Ces bottes n'ont ni talon ni genouillere, & s'ajuftent fort bien au pied. Ils en ont d'autres pour voyager à cheval: cellesci font faites de cuir de vache ou de cheval, apprêté de maniere qu'elles font très-fouples. Leurs bas à bottes font d'une étoffe piquée & doublée de coton; ils montent plus haut que la botte, & font bordés de velours ou de panne. Cette chauffure n'est guere convenable qu'en hiver; ils en ont de plus fraîches pour l'été, & ils portent dans leurs maisons des patins faits d'étoffe de foie. Pour le Peuple, on fait qu'il fe chauffe par-tout comme il peut. Celui de la Chine fe contente fouvent d'une efpece de patin fait avec de la toile noire. Mais ajoutons L III ij

Vêtemens, coftu

mes des deux fexes.

Vétemens, columes des deux fexes.

qu'il n'est pas plus permis à un Chinois, vêtu en regle, d'oublier fon éventail que fes bottes.

Nous aurons moins à dire fur l'habillement des femmes. La modestie femble avoir préfidé à fa forme: peut-être auffi fut elle secondée par la jaloufie. Leurs robes font abfolument fermées par le haut, & fi longues qu'elles leur couvrent même le bout des pieds. Leurs manches pendroient jufqu'à terre, fi elles n'avoient pas le foin de les relever; mais rarement peut-on appercevoir leurs mains. Une Chinoife cache tout, excepté fon visage. Quant à la couleur de fes vêtemens, elle est arbitraire, elle dépend de fon choix. La couleur noire ou violette est communément celle qu'adoptent les Chinoises d'un âge déjà avancé.

Les jeunes connoiffent l'ufage du fard, c'est-à-dire, d'une compofition qui colore leurs joues, & qui releve la blancheur de leur teint. Ce n'eft pas le même fard dont nos Dames Françoifes fe fervent dans la même vûe: il a pourtant un effet tout pareil, c'eft de leur fillonner la peau de très-bonne heure.

Leur coiffure ordinaire consiste à faire arranger leurs cheveux en boucles, parfemées d'un grand nombre de fleurs d'or & d'argent. » Il y en a, dit le P. du Halde, qui ornent leur tête de la figure d'un oiseau appelé Fong-hoang, oiseau fabuleux dont l'Antiquité dit beaucoup de chofes mystérieuses. Cet oiseau eft fait de cuivre ou de vermeil doré, felon la qualité des perfonnes. Ses ailes déployées tombent doucement fur le devant de leur coiffure, & embrassent le haut des tempes; fa queue, longue &

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