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Bâtimens & ameu

blemens des Chinois.

lanternes de foie peintes, & fufpendues au plancher; on y trouve des tables, des cabinets, des paravents, des chaises, beaucoup de vases de cette porcelaine qu'on a furpaffée en Europe pour le goût, fans pouvoir l'égaler à d'autres égards. Les meubles, en général, font couverts de ce beau vernis que nous ne tentons pas même d'imiter. Il eft fi tranfparent, qu'il laiffe appercevoir les veines du bois, & d'un fi beau luifant, qu'il réfléchit les objets comme une glace. Il reçoit encore un nouvel éclat des figures d'or, d'argent, ou d'autres couleurs dont il est couvert.

Les Chinois ne connoiffent ni l'usage ni la fabrique de nos fuperbes tapifferies. Celles dont fe fervent les plus riches, font de satin blanc, fur lequel on a peint des oiseaux, des fleurs, des paysages, des montagnes, &c. Quelquefois auffi ils y font écrire en gros caracteres, quelques fentences morales, qui, pour l'ordinaire, tiennent un peu de l'énigme. Les plus pauvres fe contentent de faire blanchir leurs chambres; d'autres tapiffent les leurs avec ce papier qui nous vient de la Chine, & dont nos riches de l'Europe ne dédaignent pas d'orner quelques pieces de leurs appartemens.

Leurs lits (il s'agit toujours ici des perfonnes opulentes) font en hiver garnis de rideaux d'un double fatin, & l'été, d'un fimple taffetas blanc, femé de fleurs, d'oifeaux & d'arbres; quelquefois ils ne consistent que dans une gaze trèsfine, qui fuffit pour les garantir des moucherons, & qui laisse un certain paffage à l'air. Le bois de ces lits eft peint, doré, & orné de fculpture : ils different peu des nôtres quant à la forme.

Les

gens

du commun n'ont que des rideaux de toile,

& leurs matelas font fimplement bourrés de coton. Ils couchent fur un lit de briques dans les Provinces feptentrionales. Ce lit fingulier eft plus ou moins large, felon que la famille eft plus ou moins nombreuse. Il s'échauffe, au moyen d'un petit fourneau placé tout à côté, & ce fourneau eft lui-même échauffé, non avec du bois, mais avec du charbon, dont la vapeur s'exhale par un tuyau qui s'éleve au deffus du toit. Ceux qui ne veulent pas coucher immédiatement fur la brique chaude, y placent une espece d'eftrapontin qui a du rapport avec nos lits de fangles. Le jour venu, l'eftrapontin s'enleve, & eft remplacé par des tapis ou des nattes : le lit devient alors une espece de canapé fur lequel toute la famille s'affied & travaille. C'eft auffi à ce fourneau que le menu peuple fait cuire fa viande, chauffer fon thé, & même fon vin; car les Chinois ne boivent jamais que chaud, malgré la chaleur naturelle de leur climat.

On préfume bien que dans ces mêmes Provinces le lit des personnes de distinction differe de ceux du peuple; mais elles n'ont, comme lui, que des fourneaux pour fe chauffer. On les enclave dans le mur, & ils s'allument pardehors. Nos poêles d'Europe font fouvent placés de la même maniere; mais ce n'est pas de nous que les Chinois ont emprunté cet usage.

Bâtimens & ameublemens des Chi

nois.

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Repas des Chinois.

CHAPITRE V.

Repas des Chinois.

ES anciens Peuples mettoient, comme on le fait, beaucoup d'appareil dans leurs repas. Les Souverains dînoient ordinairement fous le portique de leur palais. De là peut-être l'usage du grand couvert en France & ailleurs; mais il ne peut exister de cette maniere en Asie, la jalousie orientale s'y oppofe. Le Peuple Chinois ne voit point manger fon Empereur, & nul Courtifan n'eft admis aux repas de l'Impératrice.

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Ceux des perfonnes de distinction ne manquent point de fomptuofité, & font foumis à une étiquette rigoureuse. Voici les regles que prescrit fur ce dernier point un des Livres claffiques de cette Nation. Quand vous. régalez quelqu'un ou que vous mangez à sa table, soyez attentif à toutes les bienféances; gardez-vous bien de manger avec avidité, de boire à longs traits, de faire du bruit avec la bouche ou les dents, de ronger les os, & de les jeter aux chiens; de humer le bouillon qui reste, de témoigner l'envie que vous fait tel mets ou tel . vin particulier; de nettoyer vos dents, de fouffler le vin qui eft trop chaud, de faire une nouvelle fauce aux mets qu'on vous a servis. Ne prenez que de petites bouchées, mâchez bien les viandes entre vos dents, & que votre bouche n'en foit point trop remplie......... Les anciens Empereurs ont érigé en Loi pour ceux qui fe régalent, de

faluer féparément chaque convive à chaque coup qu'ils boivent «. On croit lire notre Civilité puérile; mais nous Repas des Chinois. avons eu plus de tort de l'abandonner en total, que les Chinois de la conferver en entier.

Le cérémonial de l'invitation n'eft guere moins com

pliqué que celui du repas même. Une invitation n'est fup

pofée réelle qu'après avoir été renouvelée jufqu'à trois fois par écrit. On écrit la veille du festin, on écrit le jour, dans la matinée; on écrit encore à l'heure où tout eft prêt, & qu'il ne s'agit plus que de se mettre à table. C'est le Maître de la maison qui introduit lui-même tous fes convives dans la falle du feftin. Il les falue tous l'un après l'autre ; enfuite il se fait donner du vin dans une petite coupe d'argent, ou de bois précieux, ou de porcelaine, pofée fur une petite foucoupe de vernis. Il la tient des deux mains, fait la révérence à tous les conviés qui l'accompagnent, & s'avance fur le devant de la falle, qui donne, felon l'ufage, fur la grande cour. Là, il leve les yeux & fa coupe vers le Ciel; après quoi, il répand à terre le vin que renfermoit ce vafe. Rien ne reffemble mieux aux libations fi connues dans l'Antiquité.

Il fait enfuite verfer du vin dans une taffe de porcelaine ou d'argent, fait une révérence au plus confidérable des convives, & va pofer cette tasse sur la table qui lui est destinée. Celui-ci l'empêche communément de prendre cette peine. Il fe fait, à fon tour, apporter du vin dans une taffe, & s'avance pour la pofer fur la table du Maître du feftin; mais ce dernier s'y oppose avec les termes que prefcrit la Civilité Chinoife en pareil cas.

N'oublions point de dire que dans ces fortes de feftins, cha

Repas des Chinois. que convive a fa table particuliere, & que celle du Maître de la maison eft la derniere de toutes.

C'est le Maître-d'hôtel qui conduit le principal convive à son fauteuil, couvert d'un riche tapis de foie à fleurs. Nouvelle résistance: on s'excuse d'accepter une place fi honorable, & pourtant on s'affied. Les autres convives l'imitent, pour abréger le cérémonial; autrement il fe renouvelleroit pour chacun d'eux en particulier. Au furplus, la place d'honneur se donne à celui qui est le plus avancé en âge ou en dignité. Un étranger obtiendroit encore fur lui la préférence.

Les tables font rangées fur deux rangs, & laissent dans le milieu un large efpace. A peine a-t-on pris place, qu'on voit entrer dans la falle quatre à cinq Comédiens richement vêtus : ils s'inclinent tous ensemble, & fi profondément, que leur front touche quatre fois la terre; enfuite l'un d'eux présente au principal convive le répertoire des Pieces qu'ils font en état de représenter fur le champ. Il ne défigne celle qu'il adopte qu'après avoir fait circuler cette liste, qui lui est renvoyée en dernier reffort. La représentation commence au bruit des tambours de peau de buffle, des flûtes, des fifres, des trompettes, & de quelques autres inftrumens connus des feuls Chinois, peut-être même incapables de plaire à d'autres qu'à des Chinois.

La scene eft de plain-pied; on couvre feulement le pavé de la falle d'un tapis. Les Acteurs fortent de quelques chambres voifines pour jouer leur rôle. Ils ont plus de spectateurs qu'il n'y a de convives. L'usage est de laisser

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