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rope il s'en fait même de plus forte, & de plus inflamRepas des Chinois. mable.

Le vin qui fe fabrique à Vou-fie, ville du troifieme ordre, eft fort estimé; & c'est à la bonté de ses eaux qu'on attribue la fupériorité de fon vin. On fait toutefois encore plus de cas de celui de Chao-hing, parce qu'on le regarde comme plus falubre. Ces vins circulent dans toute la Chine; on les accueille dans la capitale, & om n'en fert guere d'autres fur la table des Mandarins.

Les Chinois, ou plutôt les Tartares, font ufage d'un autre vin dont on ne peut avoir nulle idée en Europe;, c'est le vin d'agneau. Il a beaucoup de force; mais l'odeur en eft défagréable. On en peut dire autant d'une espece: d'eau-de-vie qu'on tire de la chair de mouton. L'Empereur Kang-hi en ufoit quelquefois. Il eft à croire qu'il eût donné la préférence à notre eau-de-vie de Cognac.

Tels font les mets telles font les liqueurs dont les Chinois font ufage dans leurs festins. Il est inutile d'avertir qu'un feftin fort des limites d'un repas ordinaire. Le Chinois eft né fobre. La chair de cochon fait la bafe des repas du citoyen le plus aisé; il en mange tous les jours,, & nourrit, par cette raifon, un grand nombre de ces animaux. Leur chair eft moins indigefte, plus agréable au goût que celle des porcs de l'Europe, & ne menace d'aucun des inconvéniens qu'elle fait craindre au reste de l'Asie. On fait quelle eft la réputation des jambons de la Chine.

les

Le menu peuple, qui eft la partie fouffrante de tous pays, vit pauvrement à la Chine, comme ailleurs. Hfe contente, au befoin, de la chair des chevaux & des

chiens. On vend auffi dans les rues celle des chats, des

rats, &c. L'extrême population nuit à l'aifance du plus Repas des Chinois. grand nombre: il faudroit, dans un tel pays, joindre un

grand commerce à une bonne agriculture. Les Chinois
n'ont point négligé l'une; mais ils ne fentent
toute l'importance de l'autre.

pas encore

CHAPITRE V I.

Réjouiffances publiques & particulieres.

Réjouiffances publiques & parti

ON
a vu de quelle maniere l'Empereur de la Chine
célebre la fête du printemps; elle est célébrée le même
jour dans tout le refte de l'Empire. Le Gouverneur de culieres
chaque ville fort le matin de fon palais; il est couronné
de fleurs, & porté dans fa chaife au bruit de divers inf-
trumens qui le précedent: nombre de gens, qui portent
des étendards, des flambeaux allumés, &c. précedent
les Muficiens; & la chaife eft entourée ou fuivie de plu-
fieurs brancards couverts de tapis de foie, fur lefquels on
a représenté ou quelques perfonnes illuftres qui ont exercé
l'agriculture, ou quelques hiftoires fur le même fujet. Les
rues font tapiffées; on éleve d'efpace en espace des arcs
de triomphe; chaque rue eft garnie de lanternes, chaque
maifon eft illuminée..

On promene, dans cette cérémonie, une grande vache de terre cuite, & dont les cornes font dorées. Quarante hommes ont quelquefois beaucoup de peine à la porter. Un enfant la fuit, ayant un pied chauffé & l'autre nu::

on le nomme l'Esprit du travail & de la diligence. Il frappe Réjouissances fans ceffe avec une verge ce fimulacre, comme pour le publiques & parti- faire avancer. Il eft fuivi de tous les Laboureurs armés

culieres.

,

de leurs inftrumens aratoires. Des Mafques, des Comédiens ferment la marche, & donnent au peuple des spectacles plus ou moins grotefques.

Le Gouverneur s'avance vers la porte d'Orient, comme s'il vouloit aller à la rencontre du printemps: de là il retourne à fon palais dans le même ordre. Alors on dépouille la vache de tous fes ornemens; on tire de son ventre un nombre prodigieux de petites vaches d'argile, & on les diftribue à toute la troupe. On met en pieces la grande vache, & les morceaux en font également distribués. Le Gouverneur termine la cérémonie par un petit difcours à la louange de l'agriculture, & pour exciter fes auditeurs à ne point négliger un art si utile.

Les Chinois ont encore deux autres fêtes célébrées avec plus d'éclat que celle qu'on vient de décrire. L'une est celle du commencement de leur année; l'autre eft celle des lanternes. La premiere fufpend toutes les affaires tant du Gouvernement que de la Nation. Les Tribunaux font fermés, les poftes font arrêtées; on se fait des préfens; les Mandarins inférieurs vont faluer leurs fupérieurs, les enfans leurs peres, les domeftiques leurs maîtres, &c, C'est, dit le P. du Halde, ce qu'ils appellent congédier l'année. Toute la famille s'affemble le foir, & fait un grand repas. Nul étranger n'y est admis; mais on devient plus communicatif les jours fuivans. On n'est par-tout occupé que de jeux, de festins, de spectacles. Toutes les boutiques font fermées; chacun porte fon plus

riche habit. On va visiter ses parens, ses amis, fes

protec

teurs. Rien, à cet égard, ne ressemble mieux à nos visites du Réjouiffances publiques & partijour de l'an; mais les Chinois ont érigé en fête ce qui culieres. n'eft souvent pour nous qu'une regle d'étiquette gênante. La fête des lanternes eft fixée au quinzieme jour du premier mois; mais elle commence dès le treize au foir, & ne finit que dans la foirée du feizieme. Il eft plus facile de décrire cette fête, que d'en indiquer la date & l'origine. Cette cérémonie est universelle dans l'Empire; & le même jour, à la même heure, on peut dire que toute la Chine eft illuminée. Les villes, les villages, les rivages de la mer, le bord des rivieres, font garnis de lanternes peintes, & d'une forme variée. On en voit dans les cours & aux fenêtres des maifons les plus pauvres. Les citoyens riches dépensent jusqu'à deux cents francs par lanterne. Celles que font faire les Grands Mandarins, les Vice-Rois, & l'Empereur, coutent quelquefois jusqu'à trois & quatre mille livres chacune. L'Opéra de Panurge, qui vient de nous donner une légere efquisse de cette cérémonie, n'a point porté la magnificence jusque là.

Ces lanternes font très-grandes; quelques-unes font compofées de fix paneaux, encadrés dans des bois peints ou dorés. Le paneau eft compofé d'une toile de foie fine & transparente, fur laquelle on a eu foin de peindre des fleurs, des animaux, & des figures humaines ; d'autres font rondes, faites d'une corne bleue & tranfparente. On met dans ces lanternes beaucoup de lampes, & un grand nombre de bougies. On attache à chaque angle des banderoles de fatin & de foie, qui different de couleur; & la lanterne eft couronnée par un morceau de fculpture,

Notre lanterne, dite magique, eft connue des Chinois, Réjouiffances ou peut-être la tenons-nous d'eux. Ils en font ufage dans publiques & particette fête. Gulieres.

» D'autres fois, dit le P. du Halde, ils font paroître » des ombres qui repréfentent des Princes & des Princesses, » des foldats, des bouffons, & d'autres personnages dont les gestes sont si conformes aux paroles de ceux qui les » remuent, qu'on croiroit les entendre parler véritable"ment". Voilà bien les ombres Chinoifes du Palais Royal.

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Ils ont de plus l'art de former un ferpent garni intérieurement de lumieres depuis la tête jufqu'à la queue, long de foixante à quatre-vingts pieds, & de lui faire faire toutes les évolutions que feroit un serpent réel.

Les feux d'artifice des Chinois font renommés, & méritent de l'être. On les multiplie fur-tout durant la fête dont nous parlons. On en tire un dans chaque quartier de la ville. Un Missionnaire en a décrit deux que nous allons rappeler. Le corps de l'artifice représentoit une treille de raisin rouge; la treille brûloit fans fe consumer, & les parties qui compofoient l'artifice ne se consumoient que très-lentement. Elles repréfentoient des grappes rouges, des feuilles vertes, &c.

L'autre feu d'artifice fut tiré en présence & aux frais de l'Empereur Kang-hi. Il commença par une demi-douzaine de gros cylindres, fufpendus par de longs pieux fichés en terre. Ces cylindres formoient en l'air des jets de flamme qui s'élevoient à la hauteur de douze pieds, & retomboient enfuite en forme de pluie d'or.

» Ce spectacle, dit le premier Narrateur, fut suivi

» d'un

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