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» d'un grand caiffon d'artifice, guindé à deux grands
pieux ou colonnes, d'où il fortit une pluie de feu,
» avec plufieurs lanternes, des écriteaux en gros caracteres
» de couleur de flamme de foufre, & enfin une demi-
» douzaine de luftres en forme de colonnes, à divers
étages de lumieres, rangées en cercles, blanches &
argentines, qui étoient très-agréables à la vue, & qui,
» tout à coup, firent de la nuit un jour très-clair ».

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» Enfin l'Empereur mit de fa propre main le feu au » corps de l'artifice; &, en peu de temps, le feu passa » dans tous les quartiers de la place, qui avoit quatre

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vingts pieds de long, fur quarante ou cinquante de large. Le feu s'étant attaché à diverses perches & à des figures de papier plantées de tous côtés, on vit une » multitude prodigieufe de fusées faire un jeu en l'air, » & en même temps un grand nombre de lanternes & » de luftres s'allumer dans toute la place.

Ce jeu dura plus d'une demi-heure, &, de temps » en temps, il paroiffoit en quelques endroits des flam» mes violettes & bleuâtres, en forme de grappes de » raifins attachées à une treille, &c. «. On a peut-être, de nos jours, porté encore plus loin la Pyrotechnie en France; mais, sous le regne de Kang-hi, c'étoit à la Chine qu'il falloit en chercher des modeles.

Les Chinois donnent de l'éclat à toute efpece de céré monie publique. Un Vice-Roi ne fort de fon palais qu'avec une pompe vraiment impériale: fa fuite ordinaire eft pour le moins de cent hommes. Huit le portent fur leurs épaules, revêtu de fes habits de cérémonie, & affis dans une chaise bien dorée. Deux Timbaliers

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Réjouiffances publiques & particulieres.

Réjouiffances publiques & parti

culieres.

précedent l'escorte, & frappent fur des baffins de cuivre pour avertir de fa marche : huit autres fuivans portent des enseignes de bois verniffé, où font écrits en gros caracteres les titres d'honneur du Vice - Roi: viennent enfuite quatorze drapeaux, où l'on voit les fymboles de fa charge, tels que le dragon, le tigre, le phénix, la tortue volante, & d'autres animaux ailés; fix Officiers portant chacun une planche faite en forme de pelle fort large, où font écrites en gros caracteres d'or les qualités particulieres de ce Mandarin. Deux autres portent, l'un un parafol de foie jaune à triple étage, & l'autre, l'étui où se conserve ce parafol. Deux Archers à cheval font à la tête des premiers Gardes: ceux-ci font fuivis d'autres Gardes armés de faux redreffées, dont l'ornement confifte en flocons de foie à quatre étages. Ils précédent deux autres files de gens armés, les uns de maffes à long manche, les autres de maffes en forme de ferpent de fer; d'autres font armés de grands marteaux, & ceux qui les fuivent, de longues haches en croiffant; & ceux qui viennent après, de haches d'armes au tranchant redreffé; & ceux qui fuivent encore, de faux droites comme les premieres. Ce n'est pas tout; des foldats, portant ou des halebardes à triple pointe, ou des fleches, ou des haches, précedent & fuivent deux hommes chargés d'une efpece de coffre qui renferme le sceau du Vice-Roi. Deux nouveaux Timbaliers avertiffent qu'il approche. Deux Officiers, couverts d'un feutre ombragé de deux plumes d'oie, & armés chacun d'une canne, recommandent à la multitude d'être paisible & circonfpecte. Deux autres portent des masses en forme de dragons bien dorés. Ils font fuivis d'un grand nombre

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d'Officiers de Justice, les uns armés de fouets, ou de
bâtons plats, les autres munis de chaînes, de fouets, de
coutelas, & d'écharpes de foie. Deux Guidons & un Ca- culieres.
pitaine commandent cette efcouade, qui précede immé-
diatement le Gouverneur. Ses Pages, fes Valets de pied
environnent fa chaife; & il a près de fa perfonne un
Officier qui porte un grand éventail en forme d'écran.
Plusieurs Gardes, différemment armés, le fuivent; quel-
ques Enfeignes, quelques Cornettes, font eux-mêmes
fuivis d'un grand nombre de domestiques, tous à cheval,
& qui portent, par fupplémens, différens objets à l'usage
du Mandarin, tels qu'un fecond bonnet renfermé dans
fon étui, &c. &c.

S'il marche pendant la nuit, on porte devant lui, non pas des flambeaux comme ce feroit l'ufage en Europe, mais de groffes lanternes très-propres; le tranfparent eft couvert de lettres cubitales qui annoncent les titres, les qualités du Mandarin, & la claffe de fon Mandarinat. C'est avertir en même temps les paffans de s'arrêter, & ceux qui font affis de fe lever refpectueusement. Une prompte baftonnade feroit décernée à quiconque négligeroit l'un ou l'autre devoir.

Ce faste, qui accompagne la marche d'un fimple ViceRoi, eft encore bien inférieur à celui que déploie le Souverain dans certaines circonftances; foit lorsqu'il fort de fon palais, foit lorfqu'il va facrifier dans le temple du Tien. La marche eft ouverte par vingt-quatre Tambours rangés fur deux files, & vingt-quatre Trompettes rangées de même. Ces trompettes ont plus de trois pieds en longueur, & environ huit pouces de diametre à leur embouOooo ij

Réjouifances publiques & particulieres.

chure. Elles font faites d'un bois que les Chinois nomment Ou-tong-chu, & ornées de cercles d'or. Leur forme reffemble beaucoup à celle d'une cloche; leur fon s'accorde parfaitement avec les tambours. Vingt-quatre hommes, armés de bâtons, longs de sept à huit pieds, verniffés de rouge, & ornés de feuillages dorés, fuivent cette premiere troupe, fuivis eux-mêmes de cent foldats qui portent des halebardes, dont le fer fe termine en croiffant, & de cent Maffiers, dont les lances font peintes d'un vernis rouge mêlé de fleurs, & dorées à l'extrémité. On voit paroître enfuite quatre cents grandes lanternes fort ornées, travaillées avec beaucoup d'art, & portées par autant d'hommes, de même que quatre cents flambeaux, faits d'un bois qui brûle long-temps, & qui répand une grande lumiere. Deux cents hommes qui portent des lances enrichies les unes de flocons de foie de diverfes couleurs, les autres de queues de renards, de pantheres, & d'autres animaux; vingt-quatre bannieres fur lesquelles on a peint les fignes du Zodiaque, que les Chinois divisent en vingt-quatre parties; cinquante-fix autres bannieres où font représentés différens grouppes d'étoiles, felon l'arrangement qu'elles ont dans le ciel : deux cents éventails foutenus par de longs bâtons dorés, & qui offrent les figures de divers animaux. Ils font fuivis de vingt-quatre parasols, élégamment ornés, & d'un riche buffet, garni de tout ce qu'il doit contenir.

C'est alors que paroît l'Empereur. Il eft fuperbement vêtu, & monté fur un cheval richement caparaçonné. On éleve & on porte à fes côtés un fuperbe parafol, dont l'ampleur fuffit pour donner de l'ombre à lui & à fon cheval.

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Cent Lanciers, les Pages de la chambre, & dix Valets
qui conduifent chacun un cheval de main, environnent
le Monarque : les brides, les felles de ces chevaux font culieres.
enrichies d'or & de pierres précieuses.

Viennent enfuite fur deux rangs, & dans le plus grand ordre, tous les Princes du Sang, les Regulos, les premiers Mandarins, & les Grands de la Cour, tous en habits de cérémonie : cinq cents jeunes Gentilshommes du palais richement vêtus; mille Valets de pied en robes rouges, parfemées de fleurs & d'étoiles brodées en or & en argent. A leur fuite, trente-fix hommes portent une chaife découverte, fuivie elle - même d'une autre trèsgrande & qui eft fermée. Celle-ci occupe cent vingt porteurs. Chacune de ces chaifes eft gardée par cinquante hommes, de même que chacun des quatre grands chariots qui viennent après. Deux de ces chariots font traînés par des éléphans; les deux autres le font par des chevaux couverts de houffes en broderie. Voici quelque chofe de plus étonnant : cette marche est fermée par deux mille Mandarins lettres, & par deux mille Mandarins d'armes. Nos Rois ont fouvent traîné à leur fuite plufieurs milliers d'hommes; mais on n'y trouvoit pas deux mille Mandarins lettrés.

Quelquefois les Grands Mandarins, & l'Empereur luimême, voyagent dans des barques : la marche de leur cortége est alors différente; mais la magnificence est à peu près la même.

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