Divertiffemens particuliers des Chinois. Divertiffemens particuliers des Chinois. CE La chasse, dont la Nobleffe d'Europe eft fi exclusivement jalouse, est à peu près un plaisir banal à la Chine. Quiconque veut en jouir feul, fait enfermer beaucoup de gibier dans un parc bien clos. Il est permis à tout Laboureur de prévenir la deftruction de fes moiffons par la mort de l'animal qui vient dévaster son champ. La pêche est, pour les Chinois, un objet de commerce & d'industrie plutôt que d'amusement. Ils ont différentes manieres de pêcher; les filets leur fervent à prendre le poiffon dans les grandes pêches, & la ligne dans les pêches particulieres. On se sert auffi, dans certaines Provinces, d'un oifeau qui reffemble affez au corbeau par le plumage; mais fon col & fon bec font fort longs; celui-ci eft aigu & crochu. On dreffe cet oiseau à la pêche du poisson, à peu près comme on dresse les chiens à la chasse du gibier. Cette pêche se fait en bateau. On en voit, à cet effet, un grand nombre fur la riviere au lever du foleil. Les oiseaux pêcheurs font perchés fur la proue. Les Bateliers particuliers, des font caracoler leurs nacelles fur la riviere, & enfuite ils battent fortement l'eau avec une de leurs rames. Les Divertiffemens cormorans (car c'eft le nom qui femble leur convenir) Chinois. se jettent dans la riviere à ce signal; ils la partagent entre eux plongent, faififfent par le milieu du corps le poiffon qu'ils rencontrent, remontent fur l'eau, & portent leur capture chacun dans la barque d'où il est parti. Le Pêcheur reçoit le poiffon, faifit l'oiseau, lui renverse la tête en bas, & lui paffant la main fur le cou, lui fait rejeter les petits poiffons qu'il avoit avalés, & qui font retenus par un anneau qu'on a placé exprès pour leur ferrer le gofier. La pêche finie, on leur ôte cet an& on leur donne à manger. Une chofe remarquable, c'eft que fi le poiffon eft trop gros, ces oifeaux se prêtent mutuellement du fecours : l'un le prend par la queue, l'autre par la tête; &, de cette maniere, ils le portent directement à leur maître. neau, Autre forte de pêche, connue feulement des Chinois, quoique fort fimple. Ils clouent d'un bout à l'autre, fur les bords d'un long bateau très-étroit, une planche large de deux pieds, enduite d'un vernis blanc, & bien lustrée}: cette planche s'incline en dehors d'une maniere imperceptible, jufqu'à ce qu'elle foit prefque à fleur d'eau. On n'en fait usage que la nuit, & on la tourne du côté de la lune, afin que la réflexion de fa lumiere en augmente l'éclat. Les poiffons, au milieu de leurs jeux, confondent fouvent la couleur de la planche vernissée avec celle de l'eau. Ils s'élancent de ce côté-là, & tombent dans la nacelle. Les foldats ont auffi leur maniere de pêcher; c'est avec l'arc & la fleche. Celle-ci eft attachée à l'arc, tant pour ne pas la perdre, que pour s'en fervir à tirer le poiffon, quand la fleche l'a percé. D'autres fe fervent de tridents pour enlever Divertissemens les grands poiffons qu'on trouve souvent embourbés. particuliers des Chinois. C'est-là, à peu près, tout ce qu'on peut dire des amufemens que se permettent les Chinois. Ils ignorent les jeux de hafard & de commerce. Ils ont des Muficiens & des Chanteurs, comme nous avions autrefois des Troubadours, des Trouveres, des Méneftrels; mais ils font loin d'avoir un Opéra, ni aucun fpectacle régulier qui mérite de raffembler le Public. On ne s'amuse à la Chine qu'au gré des Rits : ce font eux qui ont réglé qu'il y auroit chaque année trois repas publics dans chaville des trois ordres. La Loi défigne jusqu'aux conque vives qui pourront y être admis. Ils doivent être ou des Docteurs d'une réputation intacte, ou des Mandarins, foit de robe, foit d'épée, qui se sont retirés, ou d'anciens Chefs du peuple, ou des citoyens d'une probité reconnue. C'est le premier Mandarin de chaque district qui doit présider au banquet. La Loi a prévu également chaque article du cérémonial. Il a pour objet d'entretenir parmi les hommes de chaque contrée ces égards relatifs, qu'on oublie trop fouvent ailleurs; oubli qui enfante & tant d'inimitiés, & tant de rixes funeftes. Une chofe qui prouve que la gravité regne dans ces affemblées, c'est qu'au lieu d'y lire comme parmi nous, l'Epigramme ou le Madrigal du jour, on y lit quelques articles de Loix; & le Président ajoute, au nom & par ordre de l'Empereur: » Si on nous a af» femblés ici pour ce feftin folennel, ce n'est pas tant » pour que nous ayons le plaifir de boire & de manger » ensemble, que pour que nous nous animions & nous encouragions à fignaler notre fidélité envers le Prince, ›› notre » notre amour pour nos peres & nos meres, notre ten- Divertissemens particuliers des Chinois. CHAPITRE VII I. Cérémonial public & particulier des Chinois; leur maniere de fe faluer dans leurs rencontres, dans les vifites qu'ils Je rendent, &c. IL L s'agit encore moins ici d'usages que de Loix pofitives. Tout a été prévu par elles dans une matiere qui nous semble fi peu importante. Chacun, depuis les Chefs de la premiere claffe, jufqu'aux moindres Membres de la derniere, fait au jufte les titres qu'il doit donner & ceux qui lui font dus; les politeffes qu'il doit attendre, & celles qu'il doit faire; les honneurs qu'il peut accepter, & ceux qu'il doit rendre. Nul conflit relativement aux droits & aux préféances; deux points qui ailleurs ont engendré tant de querelles, fait couler tant de fang, & propagé des haines qui fe transmettent. Une visite à rendre eft, à la Chine, une affaire grave. Elle exige des préliminaires que l'Europe ne connoît PPPP Cérémonial public & particulier des Chinois; &c. Cérémonial public des vifites & particulier des Chinois ; &c. point, ou qu'elle a fu mettre à l'écart. Parlons d'abord » Dès qu'ils font arrivés dans la falle où doit fe faire la cérémonie, ils fe rangent tous fur une même ligne, ils s'inclinent profondément, ils se mettent à genoux, & courbent la tête jufqu'à terre, à moins que le Gouver neur ne les releve; ce qu'il fait communément. Souvent le plus confidérable d'entre eux prend du vin dans une coupe, l'éleve en l'air avec les deux mains, l'offre au Gouverneur, & dit tout haut, par forme de fouhait : Fo-tsiou, voilà le vin qui porte bonheur: Cheou-tfiou, voilà le vin qui donne une longue vie. L'instant d'après, un autre s'avance, & éleve en l'air des confitures qu'il présente avec respect au Mandarin. Voilà, lui dit-il, du fucre de longue vie. D'autres répetent jusqu'à trois fois ces mêmes cérémonies, & font toujours les mêmes fouhaits «. (Du Halde, tom. 2. p. 104.) Un Gouverneur s'eft-il diftingué par fa juftice, son zele, fa bonté pour le peuple, chofe qui heureusement arrive quelquefois? les Lettrés de fon district ont recours à un moyen particulier pour lui apprendre qu'il jouit de l'eftime générale. Ils font faire pour lui un habit compofé de petits carreaux de fatin, les uns rouges, les autres bleus, noirs, jaunes, &c. Ils choififfent le jour de fa naiffance pour lui faire préfent de cet habit, qu'ils lui por tent en grande cérémonie, & au fon de divers instrumens verts |