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de musique. On les introduit dans la falle extérieure qui fert

de Tribunal au Mandarin. Il s'y rend bientôt lui-même Cérémonial public & particulier des fur leur invitation. C'est alors qu'ils lui préfentent ce Chinois; &c. vêtement, & qu'ils le prient de s'en couvrir. Le Mandarin en fait quelque difficulté; il déclare ne pas avoir mérité cet honneur : enfin, il se rend aux prieres des Lettrés & à celles du peuple. On lui fait endoffer l'habit chamarré, dont les diverfes couleurs font fuppofées représenter toutes les nations qui portent des habits différens, & annoncer au Mandarin qu'il eft digne de les gouverner toutes.

Il ne porte ce vêtement qu'une feule fois; mais on le conferve précieusement dans fa famille, comme un titre d'honneur & de distinction. C'en est un d'autant plus réel, qu'il femble n'avoir jamais été prostitué.

C'est toujours avant le dîner qu'il faut rendre vifite à fes fupérieurs; & il faut la leur rendre, finon à jeun, du moins fans avoir bu de vin. Un Mandarin fe tiendroit offenfé fi celui qui lui rend visite fentoit, tant foit peu, cette liqueur. Cependant, s'il s'agit d'une visite qu'on rend le même jour qu'on l'a reçue, on peut la faire l'après-dînée; c'est une marque d'empreffement qui excufe tout.

Le commencement de chaque année, certaines fêtes, le mariage d'un ami, l'instant où il lui naît un fils; quand il est élevé à quelque charge; quand quelqu'un de fa famille vient à mourir ; quand il entreprend, ou qu'on entreprend soi-même un long voyage, &c. voilà les époques, les jours qui exigent de la politeffe Chinoife qu'on fe vifite réciproquement, & qu'on porte avec foi, dans cette occafion, quelques préfens relatifs aux goûts & aux befoins de celui à qui l'on rend visite.

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On ne peut en rendre aucune fans avoir préalablement Cérémonial public fait remettre au portier un billet de visite, qui s'appelle & particulier des Chinois; &c. Tie-tfée. C'est un cahier de papier rouge, femé légérement de fleurs d'or, & plié en forme de paravent. On écrit son nom fur un des plis; & les termes du billet font plus ou moins refpectueux, en raifon du rang & des qualités de la perfonne à qui on veut rendre visite. On dira, par exemple : » L'ami tendre & fincere de votre Seigneurie, » & le difciple perpétuel de fa doctrine, fe préfente en » cette qualité, pour vous rendre fes devoirs, & vous » faire la révérence jufqu'à terre, Tun-cheou-pai «. Si c'eft un ami familier, ou une perfonne du commun qu'on vifite, le Tie-tfée n'eft, pour l'ordinaire, que d'un fimple feuillet; il eft de papier blanc, fi celui qui l'écrir ou qui doit le recevoir eft en deuil.

On peut, fi l'on veut, efquiver la visite quand on est d'un rang supérieur à celui qui fe propose de la rendre. Recevoir fon Tie-tfée, ou billet, c'est être supposé avoir reçu fa visite. On lui fait dire par le portier, que, pour lui épargner toute fatigue, on le prie de ne pas descendre de fa chaife. Après quoi, ou le jour même, ou dans les trois jours fuivans, on fait, à fon tour, préfenter un Tie-tfée qui eft ou fimplement reçu, ou fuivi d'une visite: réelle.

Voici le cérémonial ufité chez les Grands, lorfqu'ils acceptent la vifite qu'on veut leur rendre. On fuppofe ici que la perfonne qui la rend eft elle-même d'un état distingué. On lui fait traverser, fans quitter la chaise, les deux premieres cours du Tribunal, qui fnot fort vaftes. Il arrive à l'entrée d'une falle où le Maître de la maison: vient le recevoir.

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Il a trouvé, en arrivant à cette feconde falle, deux domeftiques qui tenoient le parafol & le grand éventail Cérémonial public & particulier des de leur Maître inclinés l'un vers l'autre, & qui jufque-là Chinois; &c. empêchent celui-ci d'être apperçu. L'étranger eft masqué lui-même par un grand éventail que tient un de fes gens, & qui ne s'écarte que lorfqu'il eft à une jufte portée de faluer celui à qui il vient faire visite.

Alors commencent les cérémonies, indiquées toutes en détail dans le Protocole Chinois. Il prefcrit le nombre de faluts qu'il faut faire, en courbant la tête fur la poitrine, les termes dont il faut fe fervir, les titres honorables qu'on doit fe donner, les génuflexions réciproques, les détours qu'on doit prendre pour être tantôt à droite, tantôt à gauche. Le Maître de la maison invite, par un geste de la main, l'étranger à entrer, & prononce ce feul mot, Thin-tfin on répond Pou-can, c'est-à-dire, je n'ose, & on entre. Le Maître du logis falue avec respect la chaife qu'il vous destine; il l'effuie même avec le pan de sa veste pour en écarter la pouffiere, ou plutôt pour faire observer que la chaise est propre.

On s'affied, & l'on expofe d'un air grave & férieux le motif de sa visite. On y répond avec la même gravité & en s'inclinant fouvent. Chacun, au furplus, doit fe tenir droit fur fa chaife, ne point s'appuyer contre le doffier, & avoir les yeux un peu baiffés, les mains étendues fur les genoux, les pieds avancés, & dans la même direction. Tout air de distraction feroit réputé une infulte..

Peu de temps après, un domeftique, proprement vêtu, apporte fur un bandege autant de taffes de thé que la falle renferme de perfonnes. La maniere de prendre la taffe, de la porter à la bouche, & de la rendre au do-

mestique, forme encore autant d'articles du Protocole, Cérémonial public qu'il faut obferver au pied de la lettre.

& particulier des Chinois; &c.

On ne fe quitte qu'avec d'autres cérémonies de rigueur, quoique minutieuses. Le Maître du logis vous conduit à votre chaise, vous y voit entrer, & attend que les porteurs l'aient enlevée. Alors vous lui dites encore une fois adieu; & il y répond de nouveau.

On a déjà dit que les visites, pour la plupart, étoient accompagnées de préfens. On joint, dans ce cas, au Tie-tfée ou billet de vifite, un Ly-tan. C'est un morceau de papier rouge, fur lequel on écrit le nom de celui qui fait le cadeau, & le nombre des objets qui le composent. Si celui qui fait le présent vient en personne, il offre luimême le billet, que le Maître du logis reçoit de sa main, & qu'il remet à un de ses domestiques. Une profonde révérence est le remercîment d'usage. Ce n'est qu'après la vifite, lorsque la perfonne qui l'a rendue est retirée, qu'on lit fon billet, & qu'on admet ou qu'on rejette de fes préfens ce qu'on juge à propos. On garde le billet, fi on accepte tout ce qu'il indique, ou même une partie. Dans le premier cas, on écrit un billet de remercîment; on en écrit un de même, fi on reçoit quelques articles du préfent, & l'on cite dans le billet ceux qu'on ne garde pas. On renvoie purement & fimplement le billet, fi on ne garde rien; mais on y joint toujours un billet de remercîment, ou d'excufe. Pi-fie, écrit-on; ce font des perles, je n'ofe y toucher.

La perfonne qui fait le préfent fe contente-t-elle de l'envoyer par des valets, munis d'un Tie-tfée? il eft reçu avec les mêmes cérémonies que s'il étoit offert par le

Cérémonial public & particulier des

Maître. Quelquefois on propose par écrit tel ou tel préfent. Celui à qui on l'offre marque avec un pinceau les objets qu'il accepte : ils font achetés, & apportés fur le chinois; &. champ. Un billet de remercîment est écrit auffi-tôt; &,fi l'on renvoie quelques uns des articles, on ajoute Yu-pi; pour le refte ce font des perles précieuses. Nous avons déjà dit que l'ufage des perles étoit profcrit à la Chine.

Le commerce épistolaire, même entre fimples particuliers, a fon cérémonial prévu; il devient plus compliqué, fi l'on écrit à une personne de confidération. Il faut alors fe fervir d'un papier blanc qui ait dix à douze plis: on ne commence la lettre que fur le fecond, & on ne met fon nom que fur le dernier.

Le caractere qu'on emploie doit différer auffi felon la circonftance. Plus il eft petit, plus il eft jugé refpectueux. Les termes qu'on emploie, les diftances qu'on laiffe entre les lignes, font également indiqués par le rang de la perfonne à qui l'on écrit. Mais, dans tous les cas, le style doit différer du ton de la converfation ordinaire. Il faut appliquer un double cachet; l'un fur fon nom propre, l'autre fur les premiers caracteres de la lettre. Souvent on se contente de l'appliquer fur le fachet qui lui fert d'enveloppe. On en trouve de tout faits, & qui font agréablement bordés : nouveau larcin que nous avons fait à la Chine; mais là, il faut que le fachet foit double. On écrit fur le premier ces deux mots, Nuy-han, la lettre est dedans. On infere le paquet dans une feconde enveloppe, plus épaiffe que la premiere, & elle-même est, en partie, enveloppée par une bande de papier rouge fur laquelle on trace en gros caracteres le nom & les qualités

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