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bonnets relatifs à la faifon; ils feront vendus, jufqu'au

dernier, en trois ou quatre jours. Au furplus, on leve Mercantillage des boutique à peu de frais à la Chine. Une famille ne pof- Chinois, &c. fede qu'un écu, quelquefois moins; elle s'érige, avec ce peu de fonds, en famille marchande : elle achete de menues denrées dont le débit est sûr & prompt; elle gagne, vit fobrement, accroît par-là sa mise; & au bout de quelques années, il n'est point rare de voir l'échoppe se changer en magasin.

Les foires de l'Europe les plus fréquentées ne font qu'une foible image de cette foule incroyable de vendeurs & d'acheteurs qui s'agitent fans ceffe dans les grandes villes de la Chine. On peut prefque dire que la moitié eft occupée à tromper l'autre. C'eft fur-tout contre les étrangers que les Marchands Chinois exercent fans ménagement leur infatiable rapacité. Le P. du Halde en cite cet exemple, qu'il pouvoit appuyer de bien d'autres. » Le Capitaine » d'un vaisseau Anglois avoit fait marché avec un Né

"le

gociant Chinois de Canton, d'un grand nombre de balles "de foie, que ce dernier devoit lui fournir. Quand elles » furent prêtes, le Capitaine va, avec fon Interprete', chez » le Chinois, pour examiner par lui-même si cette foie » étoit bien conditionnée. On ouvrit le premier ballot, » & il la trouva telle qu'il la fouhaitoit ; mais les ballots » fuivans qu'il fit ouvrir ne contenoient que des foies »ries fur quoi le Capitaine s'échauffa fort, & reprocha» au Chinois, dans les termes les plus durs, sa méchan» ceté & fa friponnerie. Le Chinois l'écouta de fang froid, & pour toute réponse: Prenez-vous-en, Monfieur,

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pour

Mercantillage des " Chinois, &c.

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» lui dit-il, à votre fripon d'Interprete; il m'avoit protesté' que vous ne feriez pas la vifite des ballots

Les gens du peuple font fur-tout fort adroits à falfifier, à dénaturer en total ce qu'ils vendent. Vous croirez avoir acheté un chapon, vous n'en avez que la peau; tout le reste a été fupprimé, & le vide rempli fi induftrieusement, que l'inftant de manger le chapon eft le feul où la fraude puiffe être reconnue.

On a cité plus d'une fois les faux jambons de la Chine. C'est une piece de bois, taillée en forme de jambon, recouverte d'une certaine terre, couverte elle-même d'une peau de cochon. Le tout eft fi artiftement peint & arrangé, qu'il faut user du couteau pour découvrir la fupercherie.

C'est auffi par la fineffe que les voleurs de profeffion fignalent leur favoir-faire. Rarement ils ont recours aux actes de violence : ils fe font rechercher, ou bien ils s'introduisent fans être apperçus. Il est auffi difficile à la Chine de n'être pas volé, que de prendre le voleur fur le fait.

Les Chinois ont peu d'aptitude pour le commerce maritime. Jamais dans leurs voyages fur mer ils ne passent le détroit de la Sonde. Leurs plus grandes navigations ne s'étendent du côté de Malaque, que jufqu'à Achen; du côté du détroit de la Sonde, que jufqu'à Batavia; du côté du nord, que jufqu'au Japon. Leur commerce avec cette ifle, moyennant les objets d'échange qu'ils se procurent à Camboye ou à Siam, leur donnent deux cents pour cent de bénéfice.

Leur commerce à Manille est moins lucratif. Leur gain, pour l'ordinaire, se réduit à cinquante pour cent. Il est

Chinois, &c.

plus confidérable à Batavia; & d'ailleurs les Hollandois n'épargnent rien pour attirer les Chinois chez eux. Les Mercantillage des Négocians de la Chine vont auffi, mais plus rarement, à Achen, à Malaque, à Thor, à Patane, à Ligor, dépendance de Siam, & à la Cochinchine. Ils tirent de ces divers endroits de l'or & de l'étain; mais fur-tout divers objets de luxe pour la table, & d'autres d'une néceffité plus urgente.

Un grand obstacle aux progrès du commerce maritime chez les Chinois, c'eft leur indifférence à cet égard, & la mauvaise construction de leurs vaiffeaux. Ils en conviennent; mais y toucher feroit, felon eux, déroger aux loix & aux conftitutions de l'Empire.

VOICI

CHAPITRE XI.

Obfeques.

OICI la plus importante de toutes les cérémonies particulieres des Chinois. La mort d'un d'entre eux est communément pour lui un jour d'éclat. Jamais il ne reçoit plus d'honneurs, plus d'hommages que quand il n'eft plus.

Peu de momens après la mort, on le revêt de ses plus riches habits, & des marques de toutes fes dignités. On le place dans le cercueil qui vient d'être acheté pour lui, ou que lui-même avoit fait préparer d'avance; car un des plus grands objets de follicitude pour un Chinois, c'eft de se préparer un cercueil, &de ne pas fe reposer de ce soin

Obfeques.

Obfeques.

fur fes héritiers. Tel qui n'a pour tout bien que neuf à dix
pistoles, en confacre la meilleure partie à cet achat. Quel-
quefois le cercueil refte vingt ans inutile dans la maison;
& c'est aux yeux du Maître fon meuble le plus précieux.
Dans le cas opposé, & faute d'autres moyens, fouvent le
fils fe vend & s'engage pour procurer un cercueil à son
pere.

On voit des gens riches qui emploient jusqu'à mille écus
pour avoir un cercueil de bois précieux, orné de diffé-
rentes couleurs. Ceux des citoyens fimplement aisés sont
moins faftueux. Ils font formés de groffes planches,
épaiffes d'un demi-pied, fouvent plus, & qui fe confervent
long-temps. On les enduit, pour cet effet, de poix & de
bitume, on les vernit en dehors; ce qui les empêche
en même temps d'exhaler aucune mauvaife odeur.

L'ufage d'ouvrir les cadavres n'existe point à la Chine. On y regarderoit comme une cruauté inouie, punissable, de féparer du corps le cœur & les entrailles, pour les enterrer féparément. On ne feroit pas moins fcandalisé de voir, comme en Europe, des offemens de morts entaffés les uns fur les autres. Un Chinois est toujours sûr d'être enfeveli tout entier, à moins qu'il n'ait perdu, par accident, quelqu'un de fes membres. Voici de quelle maniere on procede à l'enfeveliffement. On répand d'abord au fond de la biere un peu de chaux; on y place le corps, en lui appuyant la tête fur un couffin, & l'on y joint encore beaucoup de coton pour qu'elle foit folidement posée & ne vacille que difficilement. On emploie auffi le coton & quelques autres moyens pour maintenir le cadavre dans la position où il a été mis. La chaux &

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le

le coton fervent encore à recevoir l'humeur qui pourroit fortir du cadavre.

Il reste expofé fept jours, qu'on peut réduire à trois, fi quelque raison forte y oblige. C'est durant cet intervalle que tous les parens & les amis, qu'on a eu foin d'inviter viennent rendre leurs devoirs au défunt. Les plus proches parens reftent même dans la maison. Le cercueil est exposé dans la falle de cérémonie, qu'on a tendue de blanc; quelques pieces de foie noires ou violettes fe mêlent à cette couleur, ainfi que quelques ornemens de deuil. On place devant le cercueil une table, fur laquelle on pofe foit l'image du défunt, foit un cartouche où fon nom est écrit. L'un ou l'autre est toujours accompagné de fleurs, de parfums, & de bougies allumées.

L'usage eft de faluer le cercueil, comme fi celui qu'il renferme existoit encore. On fe profterne devant la table, & on frappe plufieurs fois la terre avec fon front: on place enfuite fur cette table quelques parfums & quelques bougies dont on a eu foin de se munir d'avance. Les amis particuliers du défunt, ou ceux qui étoient supposés l'être, accompagnent ces cérémonies de gémiffemens plus ou

moins finceres.

Le falut qu'ils viennent de faire au cadavre du défunt leur est rendu par le fils aîné, accompagné de fes freres. Ceux-ci fortent de derriere le rideau qui est à côté du cercueil. Ils ne marchent point, ils rampent à terre, & se traînent jusqu'auprès de ceux qu'ils vont faluer. Ils ne se relevent point pour retourner à leur poste. Le même rideau cache les femmes, qui pouffent, à diverses reprises, les cris les plus lugubres.

Rrrr

Obfeques.

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