Images de page
PDF
ePub

du bois préparé pour un édifice; mou-lan, des barreaux ou grilles de bois; mou-hia, une boîte; mou-fiang, une ar- Langue Chinoise. moire; mou-tfiang, Charpentier; mou-eul, champignon;

mou-nu, une espece de petite orange; mou-fing, la planete de Jupiter; mou-mien, le coton, &c.

Ngai, ou plutôt gai, fignifie amour: je-gai, c'est amour ardent; tše-gai, amour d'un pere pour fon fils; king-gai, amour mêlé de refpect; ki-gai, amour aveugle & fans borne, &c. Un Miffionnaire à compté plus de cent modifications différentes de ce feul mot gai.

On fent quelle abondance & quelle étonnante variété d'expreffions doivent résulter de cet art de multiplier les mots. Auffi la Langue Chinoise a-t-elle des noms pour chaque chofe, des termes propres pour tous les besoins, pour tous les fentimens, pour tous les arts; termes & expreffions qui font connoître toutes les circonftances, & indiquent jufqu'aux plus légeres différences qui peuvent modifier un objet désigné. Au lieu de ces cinq mots François, veau, taureau, bauf, genisse, vache, la Langue Chinoise en offre une foule d'autres qui expriment les diverses années de l'âge, les défauts, la destination, les variétés dans la couleur, la figure, la fécondité de ces animaux. Chaque fois qu'une vache devient mere, elle acquiert un nouveau nom; & un autre encore lorfqu'elle devient stérile. Le bœuf, qu'on engraiffe pour un facrifice, a fon nom particulier; & il en change lorsqu'on le conduit à l'autel. Le temps, le lieu, la qualité même du facrifice lui en font prendre de nouveaux. Il en eft de même du palais de l'Empereur; on pourroit former un Dictionnaire entier de tous les mots destinés à indiquer les diverses

Tttt

parties qui le compofent: mots confacrés, qui ne font en Langue Chinoife. ufage que pour cette demeure impériale, & qui font remplacés par d'autres lorfqu'il s'agit du palais d'un Prince, d'un Mandarin.

Tous les mots Chinois font indéclinables. La plupart peuvent devenir tour à tour verbes, adverbes, substantifs & adjectifs : leur arrangement refpectif dans la phrase décide de la qualité qu'ils y prennent. L'adjectif précede toujours le fubftantif.

Les Chinois ne connoiffent que trois pronoms qui font perfonnels ngo, moi; ni, toi; ta, lui. Ils deviennent pluriels, lorfqu'on y ajoute la particule men. Cette particule indique le pluriel pour tous les noms ; ainfi l'on dit : gin, homme; gin men, les hommes; ta, lui; ta men, eux. Les verbes Chinois n'ont d'autres temps que le préfent, le paffé & le futur. Lorfqu'ils ne font précédés que des pronoms perfonnels, ils font au préfent. L'addition. de la particule leao défigne le paffé. Les particules tfiang ou hoei indiquent le futur.

Nous nous bornons à ces notions légeres : des détails plus développés fur le mécanisme grammatical de cette Langue, exigeroient un Ouvrage particulier. Nous ne nous étendrons pas non plus fur l'histoire, l'origine & la compofition des caracteres Chinois, fur lefquels on a déjà tant écrit. Il fuffit de favoir qu'on en porte le nombre à quatre-vingt mille, & que la plupart des Lettrés de la Chine passent leur vie à les apprendre. Il ne faut pas croire cependant qu'il foit indifpenfable de les connoître tous huit ou dix mille fuffifent pour s'exprimer avec aifance & povuoir lire une grande quantité de

Livres. Le plus grand nombre des Lettrés ne poffedent

guere que quinze ou vingt mille de ces caracteres, & Langue Chinoife. très-peu de Docteurs font parvenus à en connoître quaránte mille.

Une obfervation qu'il eft effentiel de faire, c'est qu'on diftingue quatre Langues ou langages dans le Chinois.

1o. Le Kou-ouen ou langage des King, & autres Livres claffiques de l'antiquité. On ne le parle plus aujourd'hui; mais les harangues contenues dans le Chouking, & les chansons du Chi-king, prouvent qu'on l'a parlé dans les premiers temps. Ce langage, ou plutôt cette forte de style, eft d'un laconisme défespérant pour l'intelligence des Lecteurs peu exercés; les idées y font accumulées, ferrées les unes contre les autres, & pour ainfi dire, pilées dans les mots, comme s'exprime un Miffionnaire. Rien n'est au dessus de cette maniere d'écrire; elle réunit au plus haut degré l'énergie & la profondeur des pensées, la hardieffe des métaphores, l'éclat, des images, l'harmonie du ftyle. Mais ce Kou-ouen eft trèsdifficile à entendre; il exige une méditation laborieuse. Cependant les bons Lettrés l'entendent, & le lifent avec autant de plaifir qu'un homme de Lettres d'Europe lit Horace & Juvénal.

2°. Le Ouen-tchang. C'est la Langue dont on fe fert dans les compofitions nobles & relevées. On ne la parle point: On en emprunte feulement quelques fentences & quelques formules de complimens. Le Ouen-tchang n'a point le laconisme & la fublimité majestueuse du Kououen; mais il en approche: il est concis, noble, riche en expreffions, plein de naturel & d'aisance. Il se plie Tttt ij

à tous les genres de Littérature qu'il embellit; mais il Langue Chinoise. s'accommode moins des ambiguités de la Métaphyfique & de la marche compaffée des fciences abftraites.

3°. Le Kouan-hoa. C'est le langage de la Cour, des gens en place, des Lettrés : il est entendu dans tout l'Empire. Les Courtifans, les Dames le prononcent avec beaucoup de grace, fur-tout à Pe-king & dans la Province de Kiang-nan, où la Cour réfidoit autrefois. Le Kouanhoa admet des fynonymes pour tempérer le laconisme des mots monofyllabiques; des pronoms & des relatifs pour la liaison des phrafes & la clarté du difcours; des prépofitions, des adverbes, des particules, pour fuppléer aux cas, aux modes, aux temps & aux nombres qui ont lieu dans les autres Langues.

4°. Le Hiang-tan. C'est le patois que le peuple parle à la Chine. Chaque Province, chaque ville, & presque chaque village, a le sien. Outre le fens des mots qui varie dans un grand nombre de lieux, la diverfité de prononciation les altere encore au point de les rendre fouvent méconnoiffables.

Les Lettrés Chinois diftinguent cinq principales fortes d'écriture. La premiere fe nomme Kou-ouen; c'est la plus ancienne, & il n'en refte prefque aucun veftige. La feconde, Tchoang-tfée, a duré jufqu'à la fin de la dynastie des Tcheou; c'eft celle qui étoit en ufage du temps de Confucius. La troisieme, Li-tfée, commença avec la dynastie des Tfin. La quatrieme, Hing-chou, est employée à l'impreffion, comme en Europe la lettre ronde & l'italique. La cinquieme, Tao-tfée, fut inventée fous les Han. C'est une forte d'écriture à tire de pinceau : elle exige une

main légere & très-exercée; mais elle défigure confidéra

blement les caracteres. Elle n'a cours que pour les ordon- Langue Chinoife. nances des Médecins, les préfaces des Livres, les inf

criptions de fantaisie, &c.

Les Chinois attachent un grand mérite au talent de tracer leurs caracteres avec grace & avec correction. Ils les préferent fouvent à la peinture la plus élégante; & l'on en voit qui achetent fort cher une page en vieux caracteres, lorsqu'ils leur paroiffent bien formés. Ils les honorent jufque dans les Livres les plus communs ; & fi par hafard quelques feuilles s'en détachent, ils les ramaffent avec respect. En faire un ufage profane, les fouler au pied en marchant, feroit une impoliteffe groffiere qu'on ne pardonneroit pas. Il arrive même souvent que des ouvriers, comme Maçons, Menuifiers, n'osent se permettre de déchirer une feuille imprimée qui fe trouvera collée fur le mur ou fur le bois.

Les anciens Chinois n'ont pas plus connu la ponctuation que les anciens Grecs & Romains. Les Chinois actuels, par respect pour l'antiquité, n'ofent l'employer dans les Ouvrages de haut style, ni dans aucun des Ecrits qui doivent être mis fous les yeux de l'Empereur. Quelque obfcurs que foient les King, on les imprime fans points, à moins qu'ils ne foient accompagnés de commentaires, & deftinés pour les écoliers.

« PrécédentContinuer »