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Poéfie des Chinois.

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» ravant. On diroit qu'elle ne reprend ainfi fa premiere tranquillité, que parce que l'aftre qui nous éclaire » pendant le jour, & les étoiles qui brillent pendant la nuit, font fur le point de fe plonger dans fon fein » pour s'y purifier & s'y rafraîchir. Qui pourroit affigner l'origine & les caufes de tant de merveilles ! Mais, fans » vouloir pénétrer ce qu'il nous feroit impoffible de dé» crire, laiffons les ondes ameres dans l'immenfe éten» due qu'elles occupent, fe jouer ou s'irriter à leur grẻ, » & ramenons notre efprit & nos yeux vers des objets » qui ne font pas moins dignes de notre attention...... Montagnes! c'est par vous que je commence. Mon» tagne de fer, montagne brodée, vous ne vous montrez » de fi loin que pour diriger les pas du voyageur; vous » ne présentez une forme & des couleurs fi fingulieres, » que pour fufpendre fa fatigue & le récréer; vous êtes » un signal non équivoque de la route qu'il doit tenir » pour parvenir fans obftacle au doux terme de fon re» pos...... Vous ferai-je envisager par tout.ce que vous » offrez de majestueux, de brillant, de gracieux, ou » par ceux de vos fpectacles qui infpirent la tristesse ou

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la terreur? Non, il fuffit de vous nommer pour vous » faire connoître. C'eft en vain que je voudrois essayer » de décrire ces amphithéatres couverts d'une agréable » verdure qui vous décore prefque en tout temps; ces perfpectives ravissantes qui préfentent dans le lointain » une pente prefque infenfible, fur laquelle les yeux peu» vent fe promener fans ceffe avec un plaifir toujours > nouveau; ces monticules groupés, qui femblent se re» produire de distance en distance; ces eaux pures, qui,

» tombant

» tombant par cafcades multipliées, vont par diverfes

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» routes se rejoindre enfin dans la plaine, pour y for- Poéfie des Chinois. mer des fleuves, des rivieres, & une multitude infinie » de ruiffeaux. C'est en vain que je voudrois représenter » ces hautes & épaiffes croupes, qui cachent au loin la » lumiere du soleil pendant le jour, & la clarté de la » lune pendant la nuit; ces pointes orgueilleufes, qui, après avoir percé les nues, s'élevent encore pour pou» voir atteindre à la hauteur du ciel : c'est bien plus inuti» lement encore que je m'efforcerois à tracer l'image de » ces cavernes ténébreuses, de ces fentes énormes, de » ces rochers hériffés, de ces précipices affreux dont on » n'ofe approcher, de ces gorges dangereuses qui infpirent la crainte, & de ces gouffres profonds qui font » horreur à voir. Quelle éloquence assez vive, quel pin» ceau assez hardi pourroit ébaucher, pourroit défigner » même une partie de ce que vous offrez dans les deux » genres? Vous êtes au deffus de toute expreffion. Seules, ❞ vous pouvez en vous montrant nous donner l'idée de

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ce que vous êtes. Si les beautés qui vous diftinguent » sont contrastées par des objets qui semblent vous dé» grader à nos yeux, c'est que vous n'êtes pas unique

ment pour le plaifir & l'utilité de l'homme. La brute » qui preffe la terre avec fes pieds, le reptile qui se » traîne, le volatile qui fend les airs, doivent aussi trou» ver chez vous où se retirer & de quoi se nourrir: en» fans de la Nature, de cette mere universelle qui veille » fur tout, ils ont tous également droit d'en être protégés. Ouvrez-leur donc, ô montagnes ! ouvrez-leur » votre sein; que vos précipices & vos cavernes foient

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Poéfie des Chinois,

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» le repaire des plus féroces d'entre eux; que vos creux
» & vos rochers, escarpés fervent de retraite aux autres;
foyez un afile pour tous; multipliez vos productions
» pour leur nourriture; laiffez couler vos claires eaux
» pour
les défaltérer. Nous n'en fommes point jaloux;
» nous vous en admirons davantage «.

Les Chinois connoiffent prefque tous les genres de Poëmes que nous avons. Ils ont les Stances, l'Ode, l'Elégie, l'Ydille, l'Eglogue, l'Epigramme, les Pieces fatiriques, & même les bouts rimés. Le peuple a fes Vaudevilles & fes Chanfons particulieres. Des Lettrés célebres n'ont pas dédaigné de mettre pour lui en Chanfons les plus belles maximes de la morale, les devoirs des diverses conditions, les regles de la civilité. Le bon grain, difent-ils, ne donnât-il que de la paille; celle-ci empéche toujours les mauvaifes herbes de croître.

L'obfcénité fouille rarement les Poéfies Chinoises. Elle eft du moins obligée de s'envelopper, & de ne fe produire qu'à l'aide de l'allégorie ou des fubtilités grammaticales, propres de la Langue : par exemple, il eft de certaines Pieces où les caracteres préfentent un sens, & le fon ifolé un autre; dans quelques-unes, il faut retrancher plufieurs traits des caracteres pour faifir la pensée de l'Auteur; dans d'autres, il faut les lire à rebours. Mais quels que foit l'adreffe & les fubterfuges qu'emploient les Pétrones Chinois, il leur en coute toujours cher lorsque leurs Ecrits font dénoncés au Gouvernement. Il y a quelques années qu'un Prince, oncle de l'Empereur actuel fe permit d'écrire quelques vers un peu libres fur l'éventail d'une de fes concubines, que celle-ci eut l'imprudence

de prêter à une de ses amies. L'éventail parvint à l'Empereur ; il vit les vers, & ordonna qu'ils feroient lus dans Poéfie des Chinois. l'affemblée de tous les Princes de fon Sang, toutes les fois qu'ils feroient convoqués au palais, & qu'on ajoutât qu'ils étoient de fon oncle. Ce ne fut qu'après des lectures multipliées, que l'Empereur fit grace à ce Prince de cette humiliante leçon.

C'est par une fuite de cette furveillance févere fur tout ce qui peut porter atteinte aux mœurs, que tous les Romans, en général, font prohibés par les Loix. Le même Empereur régnant en a flétri trois, qui paffent d'ailleurs pour des chef-d'œuvres : le premier, parce qu'il tend à affoiblir l'horreur naturelle du meurtre, a été noté du caractere tao, couteau, poignard; le fecond, qui est un Roman plein de diableries & de forcelleries, a été marqué du caractere fie, faux, menfonger; & le troifieme, du caractere in, impur, déshonnéte, parce qu'il contient des aventures galantes & trop licencieuses. Cependant la Police, moins févere que les Loix, permet les Romans & les Historiettes qui préfentent un but utile, & qui n'ont rien de dangereux pour les mœurs. Tout Auteur qui écrit contre le Gouvernement est puni de mort, ainfi que ceux qui ont concouru à l'impreffion ou à la diftribution de fes Ouvrages.

Xxxx ij

Pieces dramatiques, &c.

CHAPITRE III.

Pieces dramatiques, Eloquence, Ouvrages d'érudition
College impérial des Han-lin.

Les regles dramatiques, admises & confacrées en Eu-
rope, ne font pas les mêmes à la Chine. On n'y connoît
point nos trois unités, ni rien de tout ce que nous ob-
fervons pour donner de la régularité & de la vraisem-
blance à l'action théatrale. Ce n'eft point une action
unique qu'on représente dans ces Drames, c'est la vie
toute entiere d'un Héros, & cette repréfentation peut
être cenfée durer quarante ou cinquante ans.

Les Chinois ne font aucune distinction de la Tragédie & de la Comédie; ils n'ont conféquemment point de regles particulieres, appropriées à chacun de ces genres fi difparates. Toute Piece dramatique fe divife en plufieurs parties, que précede une forte de Prologue ou d'Introduction, qu'on nomme Sie-tfé; les autres parties ou actes s'appellent Tché: on pourroit les divifer en fcenes, en déterminant celles-ci par l'entrée & la fortie des Acteurs. Chaque perfonnage, lorfqu'il paroît, commence toujours par fe faire connoître aux fpectateurs; il leur apprend quel eft fon nom, & le rôle qu'il va jouer dans la Piece. Le même Acteur représente souvent plufieurs rôles dans la même Piece. Telle Comédie, par exemple, sera jouée par cinq Acteurs, quoiqu'elle contienne & faffe fucceffivement paroître dix ou douze perfonnages qui parlent.

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