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Province

de Se-tchuen.

Tchong-king-fou est une des villes les plus marchandes de la province; elle doit en grande partie fon commerce à fa fituation, qui eft au confluent de deux rivieres remarquables, dont l'une, appelée Hin-cha-kiang ou Sable d'or, reçoit dans fon cours toutes les eaux des montagnes qui bornent la Tartarie limitrophe; l'autre eft le Ta-kiang, qui a fa fource hors de la Chine, & qu'on nomme communément Yang-tfe-kiang.

Tchong-king eft bâtie fur une montagne, & s'éleve en amphithéatre. L'air y eft fain & tempéré; les coffres de cannes entrelacées qu'on y fabrique, & la bonté de son poiffon, n'ont pas peu contribué à la rendre célebre. Cette ville a dans fon district trois cités du fecond ordre, & onze du troisieme.

Koei-tcheou-fou, Ma-hou-fou, Long-ngan-fou, & Tfuny-fou font des villes affez commerçantes; les peuples qui habitent les montagnes de leur territoire, font extrêmement groffiers & ignorans. Le reffort de la premiere comprend une ville du fecond ordre, & neuf du troisieme; celui de la feconde n'en contient qu'une du troifieme rang; celui de la troisieme en renferme trois du même ordre; & celui de la quatrieme deux du second rang & quatre du troisieme.

Tong-ichuen-fou est une place de guerre, dont les habitans font tous de vieux foldats, qui de pere en fils embraffent le métier des armes. Cette province, outre fes villes du premier ordre, en compte auffi quelques-unes du fecond, qui ont plufieurs forts importans, foumis à leur jurisdiction. Telles font Tong-tchouen-tcheou, Kia-ting-tcheou, & Ya-tcheou qui domine la frontiere de la province du côté du Thibet.

ARTICLE

ARTICLE XII.

Province de Quang-tong.

LA province de Quang-tong eft la plus confidérable

des provinces méridionales de la Chine; elle eft bornée au nord-eft par le Fo-kien; au feptentrion par le Kiang-fi; par le Quang-fi & le royaume de Tong-king. Tout le refte eft baigné des eaux de la mer.

au couchant

Le pays est mêlé de plaines & de montagnes; les terres y font fi fertiles, qu'elles produisent deux fois l'année. Le commerce & la fécondité du fol raffemblent dans cette province tout ce qui peut contribuer aux délices de la vie; elle fournit de l'or, des pierres précieuses, de la foie, des perles, du bois d'aigle, de l'étain, du vif-argent, du fucre, du cuivre, du fer, de l'acier, du falpêtre, de l'ébene, & quantité de bois de fenteur très-recherchés.

Outre une grande partie des fruits de l'Europe & de ceux qui croiffent dans les Indes, elle en a plusieurs qui lui font particuliers, tels que les Li-tchi, les Long-yven, dont nous parlerons dans la fuite. Toutes fes côtes font très-poissonneuses; elles fourniffent une grande quantité d'huîtres, d'écreviffes, de crabes, de tortues d'une groffeur extraordinaire. Les Chinois emploient les écailles de celles-ci pour fabriquer de très-jolis ouvrages.

On nourrit dans cette province une multitude prodigieufe de canards domeftiques; les foins & l'industrie particuliere avec laquelle les Chinois de cette contrée les élevent, les ont multipliés plus que par-tout ailleurs; ils en

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Province de Quang-tong.

Province

de Quang-tong.

font éclore les œufs dans un four ou dans du fumier, & ils ne tiennent point cette pratique de l'Égypte. Ils en chargent un grand nombre de petites barques, & les menent par troupeaux paître fur le bord de la mer, où, lorfque fes eaux font baflès, ces oifeaux trouvent des huîtres, des chevrettes, & autres coquillages femblables. Ces petites flottes vont ordinairement de compagnie, & bientôt tous les canards se mêlent fur le rivage; mais lorsque la nuit vient, il fuffit de frapper fur un baffin pour les raffembler: auffi-tôt toutes les bandes se forment, & chacune retourne au bateau qui l'avoit amenée. Les Chinois ont le fecret · de faler une grande quantité de chair de canards, fans qu'elle perde rien de fa premiere faveur; ils savent aussi en faler les œufs, en les couvrant d'un enduit d'argile mêlé de fel. La faumure, dans laquelle on les laifferoit tremper, ne pénétreroit point à travers les pores de la coque; l'observation a fait connoître aux Chinois, que l'argile feule, chargée de fel, a cette propriété. Ces œufs falés font très-fains, & l'on en permet l'ufage aux malades.

Quoique le climat de cette province foit très-chaud, l'air y eft pur, & le peuple robufte & fain; il eft fur-tout trèsindustrieux, & l'on ne peut lui refuser d'être éminemment doué du talent de l'imitation; il fuffit de lui montrer la plupart de nos petits ouvrages d'Europe, pour qu'il en exécute de femblables avec une jufteffe furprenante.

Quoique cette province ait beaucoup fouffert durant les guerres civiles, elle eft aujourd'hui une des plus floriffantes de l'Empire; & comme elle eft la plus éloignée de la Cour, fon gouvernement eft un des plus confidérables. Celui qui en est le Vice-Roi, l'eft aufi du Quang-fi, & il réfide à

Chao-king, afin d'être plus à portée d'expédier fes ordres dans l'une & dans l'autre province. Ce Gouverneur a toujours un certain nombre de troupes dont il difpofe pour arrêter les courses des voleurs & des pirates, qui, fans cette précaution, se multiplieroient affez pour interrompre ou molester le commerce. C'est par la même raison qu'on a construit, le long des côtes & dans les terres, un grand nombre de fortereffes, dont la plupart font de grandes villes pourvues de nombreuses garnifons.

On divife cette province en dix contrées, qui contiennent dix villes du premier ordre, & quatre-vingt-quatre du fecond & du troifieme.

Quang-tcheou-fou, que les Européens appellent Canton, eft la capitale de cette province, & l'une des villes les plus peuplées & les plus opulentes de la Chine; elle est l'entrepôt de tout le commerce des Indes, & de celui que l'Europe entretient avec ce vafte Empire.

L'immenfe quantité d'argent que les vaiffeaux étrangers apportent journellement dans cette cité, y attire une foule continuelle de Marchands de toutes les provinces; en forte qu'on eft für de trouver dans ses magasins les productions les plus rares du fol, & ce qui fort de plus précieux des Manufactures Chinoises. Cette ville eft d'ailleurs fituée sur une belle riviere, qui communique à toutes les provinces voifines par des canaux : des canaux on nomme fon embouchure Hou-man, c'est-à-dire, Porte du Tigre; fes bords, les campagnes qu'elle arrofe, les collines même qui la dominent, font cultivées & offrent le coup-d'œil le plus agréable. » On commence, dit le Pere de Prémare, à voir ce que "c'est que la Chine, quand on eft entré dans la riviere

Province

de Quang-tong.

Province de Quang-tong.

» de Canton. Ce font, fur les deux bords, de grandes » campagnes de riz, vertes comme de belles prairies, qui » s'étendent à perte de vue, & qui font entre-coupées d'une » infinité de petits canaux; de forte que les barques qu'on » voit fouvent aller & venir de loin, fans découvrir l'eau » qui les porte, paroiffent gliffer fur l'herbe. Plus loin, dans » les terres, l'on apperçoit les côteaux couronnés d'arbres » & cultivés le long du vallon; tout cela eft mêlé de tant » de villages, de fites champêtres & fi bien variés, qu'on » ne fe laffe point de regarder, & qu'on a regret de paffer

» fi vîte «.

On entre enfuite dans une grande ville, qui est comme un compofé de trois villes différentes, féparées par de hautes murailles, mais tellement jointes, que la même porte fert pour fortir de l'une & rentrer dans l'autre. Ces trois cités réunies forment à peu près un carré; les rues en font longues, droites, la plupart pavées de pierres de taille & ornées d'arcs de triomphe de diftance en distance; il en eft quelques-unes de couvertes, & c'est là que font les plus belles boutiques de la ville. Les maisons n'offrent rien de remarquable, qu'une grande propreté ; elles n'ont qu'un seul étage, & font fans fenêtres fur la rue. Les honnêtes gens fe font porter en chaife; le peuple remplit les rues, fur - tout les porte-faix, qui font la plupart têtes, jambes & pieds nus, & on les voit tous chargés de quelque fardeau : car il n'eft point d'autre commodité pour voiturer ce qui fe vend & ce qui s'achete, que les épaules des hommes.

Un nombre infini de barques de toute grandeur, qui nuit & jour couvrent la riviere, y forme une efpece de ville

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