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fons, & les portent près de l'eau, fur une pente pavée,

où ils les lavent avec vigueur; ils les manient, les pé- Papier, encre,&c. triffent avec les mains, les foulent avec les pieds, jufqu'à ce que toute la craffe & toute l'ordure s'en dégage. Lorfqu'à la fuite de cette manipulation, ces vieux papiers ne présentent plus qu'une maffe informe, ils la font cuire, la battent de nouveau jufqu'à ce qu'elle foit réduite en consistance de bouillie; alors, à l'aide du châssis, ils enlevent des feuilles, dont ils forment des piles. Ces feuilles font ordinairement d'une grandeur médiocre. Ils les appliquent encore humides fur les murs blanchis de leurs enclos, où le foleil les feche en peu de temps. Ils les détachent enfuite & les raffemblent.

L'encre Chinoife n'eft point liquide comme la nôtre; on lui donne la confiftance & la forme de tablettes ou de bâtons. L'Histoire rapporte que vers l'an 620 de l'Ere Chrétienne, le Roi de Corée, parmi les préfens qu'il envoie annuellement en tribut à l'Empereur de la Chine, lui fit offrir plufieurs pieces d'encre, compofées d'un noir de fumée qu'on avoit recueilli de vieux pins brûlés, & où l'on avoit mêlé de la colle de corne de cerf. Cette encre avoit un tel éclat, qu'on l'eût prife pour un véritable vernis. L'industrie Chinoise chercha long-temps à deviner le procédé des Coréens : des effais multipliés furent enfin fuivis du fuccès. On eut une belle encre; mais ce ne fut que vers l'an 900 de J. C. qu'on parvint à lui donner ce degré de perfection qu'elle a toujours conservé. depuis.

L'encre de la Chine se fabrique avec le noir qu'on obtient de la fumée de diverfes matieres, principalement

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des pins, ou de l'huile qu'on brûle. On a soin d'y ajouter Papier, encre, &c. du mufc ou quelques parfums pour corriger l'odeur forte

& défagréable de l'huile. On mêle ces divers ingrédiens
jufqu'à ce qu'ils parviennent à la confiftance d'une pâte,
qu'on divife enfuite & qu'on met dans de petits moules
de bois. L'intérieur de ces moules eft délicatement tra-
vaillé ;
la tablette d'encre en fort ornée de différentes

figures, telles que celles de dragons, d'oifeaux, d'arbres,
de fleurs. Un des côtés eft prefque toujours femé de carac-
teres élégamment tracés. Les Chinois ont une telle estime
pour tout ce qui a quelque rapport à l'écriture, que les
Ouvriers qui fabriquent leur encre jouiffent du même pré-
jugé honorable, que nous avons attaché à l'état de nos
Gentilshommes Verriers leur art n'eft point regardé
comme une profeffion mécanique.

La meilleure & la plus eftimée des encres de la Chine eft celle qu'on fabrique dans le district de Hoei-tcheou, ville de la Province de Kiang-nan. Aucune autre ne peut lui être comparée. L'art de fa composition est un secret que les Ouvriers cachent non feulement aux étrangers, mais même à leurs concitoyens. On ne connoît que quelques-uns de leurs procédés. Les Fabricans de Hoeitcheou ont leurs maifons diftribuées en un grand nombre de petites chambres, où ils entretiennent des lampes allumées depuis le matin jufqu'au foir. Chaque chambre est distinguée par l'efpece d'huile qu'on y brûle, laquelle produit un noir particulier & une encre différente. Mais le noir de fumée qu'on recueille par le moyen de ces lampes où l'on brûle l'huile, n'eft guere employé qu'à la compofition de certaines encres, qui font d'un très-grand

prix. Pour toutes les autres, dont il se fait une fi étonnante confommation à la Chine, on fe fert de matieres Papier, encre, &c. combustibles plus communes. Les Chinois prétendent que les Fabricans d'Hoei-tcheou tirent immédiatement leur noir de fumée de vieux pins, dont les montagnes de leur territoire abondent. Ils ont, dit-on, des fourneaux d'une construction particuliere pour brûler ces pins. De longs canaux conduisent la fumée dans de petites loges bien fermées, & dont tous les parois font tapiffés de feuilles de papier. La fumée, introduite dans ces loges, s'attache de tous côtés aux murs & s'y condense. Au bout de quelque temps, on entre dans ces loges, & l'on enleve tout le noir de fumée qui s'y trouve. On recueille auffi la réfine qui fort des pins enflammés, en la faisant couler par d'autres canaux qui font à fleur de terre.

Quand les Chinois veulent écrire, ils placent fur leur table un petit marbre poli, creusé à l'une de ses extrémités pour contenir un peu d'eau. Ils y trempent leur encre en bâton, & la frottent fur la partie du marbre qui eft unie. Selon qu'ils appuient plus ou moins, en frottant leur encre fur le marbre, elle devient plus ou moins noire. Lorsqu'ils ont ceffé d'écrire, ils ont le plus grand foin de laver ce marbre, afin de n'y laiffer aucun veftige d'encre; la plus légere portion qui en resteroit, suffiroit pour dégrader cette pierre, qui est d'une qualité particuliere. Les pinceaux dont ils fe fervent font faits de poils d'animaux; mais plus ordinairement de celui de lapin, qui est très-doux.

L'Imprimerie, si récente en Europe, existe à la Chine depuis un temps immémorial; mais elle differe beaucoup Aaaaa ij

de la nôtre. Le petit nombre de lettres qui composent Papier, encre,&c. notre alphabet nous permet de fondre un nombre égal de caracteres mobiles, qui par leur arrangement & leurs diverfes combinaisons fucceffives, fuffifent pour imprimer de très-gros volumes : la planche rompue d'une premiere feuille peut fournir des caracteres pour en imprimer une feconde. Il n'en eft pas de même à la Chine, où les caracteres font fi prodigieusement multipliés : comment parvenir à fondre une fuite de foixante à quatre-vingt mille caracteres ? Les Chinois ont trouvé plus commode de graver fur des planches l'ouvrage entier qu'ils veulent imprimer. Voici quels font leurs procédés dans cette opération. Ils appellent un excellent Ecrivain, qui tranfcrit l'Ouvrage fur un papier mince & tranfparent. Le Graveur colle chacune des feuilles fur une planche préparée de bois de pommier, de poirier, ou de tout autre bois dur avec le burin, il fuit les traits de l'écriture, taille en relief les caracteres, & abat tout le bois intermédiaire. Chaque page d'un livre exige une planche particuliere.

Ainfi, l'on voit que la beauté du caractere dépend de la main du copifte, & qu'un livre eft bien ou mal imprimé felon qu'on a employé un habile ou médiocre Ecrivain. L'adreffe & la précifion du Graveur font fi grandes, qu'il rend exactement trait pour trait, & fouvent il est difficile de diftinguer ce qui est imprimé d'avec ce qui eft fimplement écrit à la main. Il est clair que cette méthode prévient les fautes typographiques, & difpenfe de la faftidieufe révifion des épreuves.

Un inconvénient de cette maniere d'imprimer eft l'ex

ceffive multiplication des planches, & l'embarras de les conferver: à peine une chambre peut-elle contenir toutes Papier, encre, &c. celles qui ont fervi à l'impression d'un feul Ouvrage. Mais un avantage marqué que les Libraires de la Chine ont fur ceux de l'Europe, eft de pouvoir, à l'aide de cette maniere d'imprimer, ne tirer qu'autant d'exemplaires qu'ils en débitent, & de ne point courir les rifques de fe ruiner, en ne vendant que la moitié ou le quart d'une édition. D'ailleurs, après le tirage de trente ou quarante mille exemplaires, ces planches peuvent être aifément retouchées, ou gravées de nouveau, pour servir à l'impreffion d'autres Ouvrages.

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Les Chinois, au refte, n'ignorent pas l'ufage de nos caracteres mobiles; ils ont auffi les leurs, non en fonte, mais en bois. C'eft avec ces caracterès qu'on corrige tous les trois mois l'Etat de la Chine, qui s'imprime à Pe-king. On imprime auffi quelquefois de la même maniere quelques livrets qui ont peu d'étendue.

Dans l'expédition des affaires preffées de la Cour, lorfqu'il s'agit, par exemple, de promulguer un Edit qui doit être imprimé dans une nuit, on ufe d'un procédé moins long. On couvre une planche de cire jaune; l'Ecrivain, d'une main légere & rapide, y trace les caracteres, & le burin les fixe fur la planche avec une égale

célérité.

L'usage de nos preffes n'eft point connu dans les Imprimeries Chinoises : les planches gravées, qui ne font que de bois, & le papier, qu'on ne trempe point dans l'eau d'alun, ne pourroient fupporter cette preffion. On pose la planche de niveau, & on la fixe. L'Ouvrier Im

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