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Papier, encre, &c.

primeur doit avoir deux broffes: il prend celle qui est la plus dure, la trempe légèrement dans l'encre, & en frotte la planche, de maniere qu'elle ne foit ni trop ni trop peu humectée. Lorfqu'une planche eft en train, elle peut imprimer de fuite trois ou quatre feuilles, fans qu'il foit néceffaire de l'imbiber de nouvelle encre. Lorsque la feuille eft ajuftée fur la planche, l'Ouvrier prend fa feconde broffe, qui doit être oblongue & douce. Il la promene également fur toute la feuille, en preffant un peu pour qu'elle prenne l'encre; il appuie plus ou moins, felon qu'il fent qu'il y a plus ou moins d'encre fur la planche. Un feul homme, avec sa brosse, peut ainsi tirer par jour près de dix mille feuilles.

L'encre d'impreffion eft une compofition particuliere ; elle eft liquide, & n'eft point de la même efpece que celle qu'on fabrique en bâtons. On n'imprime chaque feuille que d'un côté, parce qu'un papier mince & transparent ne pourroit fupporter une double impreffion, fans confondre les caracteres du recto & du verfo. Ainsi chaque feuillet d'un livre eft compofé d'une double feuille qui préfente fon pli en dehors, & dont l'ouverture se trouve du côté du dos, où elle eft coufue. Il fuit de là que les livres Chinois fe rognent fur le dos, & non du côté de la tranche. La reliure commune confifte en un carton gris, affez propre; lorfqu'on veut la rendre plus élégante & plus riche, on recouvre ce carton d'un fatin léger, d'un taffetas à fleurs, ou même d'un brocard d'or & d'argent. La tranche des livres n'est ni dorée ni mise en couleur, comme celle des nôtres,

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CHAPITRE V I.

Soieries, porcelaine, verreries de la Chine.

LE riche préfent de la foie fut tranfmis à l'Italie par les mains des Grecs, qui le reçurent des Perfans: ceuxci, d'après le témoignage de d'Herbelot & des Ecrivains Orientaux les plus eftimés, tirerent eux-mêmes de la Chine la premiere connoiffance du précieux infecte qui donne cette production. La Chine paroît donc avoir été l'ancienne & primitive patrie du ver à foie. L'art de le faire éclore, de l'élever, de tirer parti du duvet qu'il fournit, a été connu dans cet Empire dès la plus haute antiquité ces foins faifoient l'occupation des premieres Impératrices, qui, entourées de leurs femmes, employoient leurs loifirs à former des tiffus, des voiles de foie, réservés pour la cérémonie des grands facrifices.

La culture du mûrier, l'éducation du ver à foie, la fabrique des étoffes, fe font prodigieufement accrues à la Chine; ce genre de production y paroît aujourd'hui inépuifable. Outre l'exportation immenfe qu'en font annuellement la plupart des Nations de l'Afie & de l'Europe, la confommation intérieure feroit feule capable. d'étonner l'imagination : l'Empereur, les Princes, les Mandarins, les Lettrés, les femmes, les domeftiques des deux fexes, tous ceux, en un mot, qui jouiffent d'une médiocre aifance, ne portent que des vêtemens de taffetas, de fatin, & autres étoffes de foie. Il n'y a guere

Soieries, porcelaine, &c.

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que le petit peuple & les gens de la campagne qui s'haSoieries, porce billent de toiles de coton, teintes en bleu. Laine, &c.

La foie la plus belle & la plus eftimée de tout l'Empire, eft celle que fournit la Province de Tche-kiang. Les Chinois jugent de fon degré de bonté par fa blancheur, par fa douceur au toucher, & par fa fineffe. Il faut, quand on l'achete, prendre garde qu'elle ne foit trop humide; il faut encore avoir l'attention d'ouvrir les paquets, parce que le Marchand Chinois, affez enclin à tromper, met souvent au centre du paquet de grosses foies, d'une qualité bien inférieure à celle qui paroît au dehors. Quelquefois auffi, pour lui donner un plus bel œil, ils l'apprêtent avec une eau de riz mêlée de chaux qui la brûle, & empêche qu'on ne puiffe aifément l'employer, lorsqu'elle est transportée en Europe. Cette foie, lorfqu'elle est bien pure, fe travaille avec la plus grande facilité un Ouvrier Chinois la dévidera pendant plus d'une heure fans s'arrêter, c'est-à-dire, fans qu'aucun fil fe caffe.

C'est dans les manufactures de Nan-king que la belle foie de Tche-kiang eft mise en œuvre par les meilleurs Ouvriers de la Chine; c'est de là que l'Empereur tire toutes les étoffes destinées à son ufage, & celles qu'il diftribue en préfens aux Grands de fa Cour. Le commerce, ouvert avec l'Afie & l'Europe, attire auffi dans les manufac tures de Canton un grand nombre d'excellens Ouvriers. Ils ont commencé depuis plufieurs années à y fabriquer des rubans, des bas, des boutons. La paire de bas de foie ne s'y vend qu'un tael, ou fept livres dix fous.

Les principales étoffes de foie que fabriquent les Chi

nois,

nois, font des gazes unies & à fleurs, dont on fait des habits d'été ; des damas de toutes les couleurs ; des fatins rayés, des fatins noirs; des taffetas à gros grains, à fleurs, rayés, jaspés, percés à jour; du crêpon, des brocards, des pannes, différentes fortes de velours, & une multitude d'autres étoffes dont les noms font inconnus en Europe.

Deux efpeces particulieres font, parmi eux, d'un usage plus ordinaire. La premiere eft le Touan-tfé, efpece de fatin plus fort & moins luftré que celui qu'on fabrique en Europe. Il est tantôt uni, tantôt chargé de deffins de fleurs, d'arbres, de papillons. La feconde efpece est un taffetas qu'on appelle Tcheou-tfé, dont on fait des caleçons & des doublures. Le tissu en est serré, & cependant fi fouple qu'on peut le chiffonner & le broyer dans la main fans lui faire contracter aucun pli. On le lave même comme la toile, fans qu'il perde beaucoup de fon luftre. Nous ne parlons pas ici de l'étoffe Kien-tcheou, que nous avons déjà fait connoître en décrivant le ver à foie fauvage. (Voyez page 434.)

Les Chinois fabriquent des étoffes d'or, mais en petite quantité, parce qu'elles font peu en usage. Ils ne passent point l'or par la filiere, comme on fait en Europe, pour le retordre enfuite avec le fil, Ils fe contentent de dorer de longues feuilles de papier qu'ils découpent en bandes fines & déliées, dont ils fe fervent avec une dextérité finguliere pour recouvrir & envelopper la foie. Ces étoffes font très-brillantes lorfqu'elles fortent des mains de l'Ou

rier; mais leur éclat dure peu : l'air & l'humidité les terniffent bientôt, & empêchent qu'on ne puisse les porter en vêtemens. On ne les emploie que pour les ameublemens, Bbbbb

Soieries, porce laine, &c.

Les métiers Chinois, les rouets, les dévidoires, & Soieries, porce- tous les uftenfiles qui fervent tant à la préparation de la

laine, &c.

foie qu'à la fabrication des étoffes, font de la plus grande fimplicité. Il feroit trop long de les décrire un coupd'œil fur les figures peut faire deviner leur ufage & les principaux détails de leur compofition.

La porcelaine eft une autre branche d'industrie & de commerce qui occupe un grand nombre de Chinois. Ce mot porcelaine eft d'origine Européenne; chacune des fyllabes qui le compofent ne peut même être prononcée ni écrite par des Chinois, dont la Langue ne présente aucun de ces fons. Il est probable que nous devons ce nom aux Portugais : cependant le mot porcellana, dans leur Langue, ne fignifie proprement qu'une taffe, une écuelle, & eux-mêmes défignent tous les ouvrages de porcelaine fous le nom général de loça. La porcelaine s'appelle à la Chine tfé-ki.

C'est dans la Province de Kiang-fi, dans un bourg appelé King-te-tching, que fe fabrique la plus belle & la plus parfaite porcelaine de l'Empire. Cette célebre bourgade a une lieue & demie de longueur, & l'on affure qu'elle renferme un million d'habitans. (Voyez fa Defcription, page 35.) Des Ouvriers de King-te-tching, féduits par l'appât du commerce des Européens, ont auffi établi des manufactures dans les Provinces de Fo-kien & de Canton. Mais cette porcelaine n'est point eftimée. L'Empereur Kang-hi lui-même voulut en faire fabriquer à Pe-king fous fes yeux. Il fit venir des Ouvriers avec leurs uftenfiles & tous les matériaux néceffaires : on conftruifit les fourneaux; mais les ouvrages manquerent. Le bourg du Kiang-fi

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