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eft refté en poffeffion d'envoyer fa belle porcelaine dans toutes les parties du Monde, & même au Japon.

On ne connoît point l'inventeur de la porcelaine ; on ignore fi on la doit au hafard ou à des tentatives réfléchies; on ne peut même déterminer avec précision quelle eft fon antiquité. Tout ce qu'on fait, d'après les Annales de Feou-leang, ville dans le district de laquelle fe trouve King-te-tching, c'est que depuis l'an 442 de notre Ere, les Ouvriers de ce bourg ont toujours fourni la porcelaine aux Empereurs, & qu'un ou deux Mandarins, envoyés par la Cour, préfidoient à ce travail. On pense cependant que fon invention remonte fort au delà de cette époque.

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Nous devons au P. d'Entrecolles une lettre très-détaillée sur la fabrication de la porcelaine Chinoise. Ce Miffionnaire avoit une église à King-te-tching même, & parmi fes Néophytes il comptoit un grand nombre d'Ouvriers employés dans les manufactures. C'est d'eux qu'il a tiré la connoiffance des procédés Chinois, & l'explication de quantité de détails dont il ne pouvoit s'instruire par lui-même. Il a de plus fait une étude particuliere des principaux Ouvrages qui traitent de la porcelaine. C'est d'après lui que nous allons en parler; nous abrégerons cependant les détails, & nous nous bornerons à donner feulement un apperçu des manipulations Chinoises.

En décrivant les terres & les minéraux de la Chine, nous avons fait connoître le Pe-tun-tfe & le Kao-lin, dont le mélange combiné donne la belle pâte de porcelaine. (Voyez page 310.) A ces deux élémens principaux, il faut joindre l'huile ou vernis qui donne à la porcelaine Bbbbb ij

Soieries, porcelaine, &c.

fa blancheur & fon éclat. Cette huile eft une fubftance Soieries, porce blanchâtre & liquide, qu'on tire de la même espece de

laine, &c.

pierre dont on fait les Pe-tun-tfe; mais on fait choix de celle qui eft la plus blanche, & dont les taches font les plus vertes. On obtient cette huile en donnant à la pierre les mêmes préparations dont on fait ufage pour faire les Pe-tun-tfe: on lave la pierre, on la pulvérise, on épure fon réfidu qui offre une efpece de crême. Sur cent livres de cette crême, on jette une livre de Chekao, minéral qui ressemble à l'alun, & qu'on a pilé après l'avoir fait rougir au feu. Cet alun est une forte de préfure qui donne de la confiftance à l'huile, qu'on a soin cependant de maintenir dans un état de fluidité.

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Cette huile de pierre, ainfi préparée, ne s'emploie jamais seule : il faut mêler encore une autre huile, extraite de cendres de chaux & de fougere, fur cent livres defquelles on a jeté auffi une livre de Che-kao. Quand on mélange ces deux huiles, il faut qu'elles foient également épaiffes pour s'en affurer, on plonge dans l'une & dans l'autre des carreaux de Pe-tun-tfe, & l'on juge, en les retirant, fl'épaiffiffement eft égal fur leurs furfaces. Quant à la proportion des doses, l'usage le plus fuivi eft de mêler dix mefures d'huile de pierre avec une mefure de l'huile faite de cendres de chaux & de fougere.

Nous connoiffons déjà le Pe-tun-tfe, le Kao-lin, & l'huile ou vernis dont on recouvre la porcelaine. Expli quons maintenant comment elle-même fe forme & fe façonne. Toutes les manipulations qui précedent la cuisfon, s'exécutent dans les endroits les moins fréquentés de

Soieries, porce

King-te-tching. Là, dans une enceinte fpacieuse de mu-
railles, on bâtit de vastes appentis, où l'on voit, étage laine, &c.
fur étage, un grand nombre d'urnes de terre. C'est dans
cette enceinte que demeurent & travaillent une infinité
d'Ouvriers, qui ont chacun leur tâche marquée. Une
piece de porcelaine, avant d'en fortir pour être portée au
fourneau, paffe par les mains de plus de vingt personnes,
passe
& tout cela s'exécute fans confufion.

Le premier travail confifte à purifier de nouveau le Pe-tun-tfe & le Kao-lin. On procede enfuite au mélange de ces deux matieres. On met autant de Kao-lin que de Pe-tun-tfe, pour les porcelaines fines; pour les moyennes, on emploie quatre parts de Kao-lin fur fix de Pe-tun-tfe Le moins qu'on en mette est une partie de Kao-lin fur trois de Pe-tun-tfe.

Ce mélange fini, on jette cette maffe dans un large creux, bien pavé & cimenté de toutes parts, puis on la foule, & on la pétrit jufqu'à ce qu'elle fe durciffe. Ce travail est d'autant plus rude qu'il doit être continu; s'il étoit interrompu, tous les autres Ouvriers resteroient dans l'inaction. On détache de cette masse, ainsi préparée, différens morceaux qu'on étend fur de larges ardoises, sur lesquelles on les pétrit & on les roule dans tous les fens, en obfervant foigneufement qu'il ne s'y trouve aucun vide, ou qu'il ne s'y mêle aucun corps étranger. Un cheveu, un grain de fable perdroit tout l'ouvrage. Faute de bien façonner cette pâte, la porcelaine fe fêle, éclate, coule & fe déjette. La perfection des pieces dépend de ce premier travail.

Tous les ouvrages unis fe façonnent fur la roue. Quand

une tasse en fort, elle n'est qu'une espece de calotte. Soieries, porce- L'Ouvrier lui donne d'abord le diametre & la hauteur laine, &c. qu'elle doit avoir, & elle fort de fes mains presque auffi-tôt qu'il l'a reçue. Il eft forcé d'ufer de vîtesse, puifqu'on ne lui paye que trois deniers par planche, & chaque planche eft garnie de vingt-fix pieces. Cette taffe eft reçue par un fecond Ouvrier qui l'affeoit sur sa base. Peu après, elle eft livrée à un troifieme, qui l'applique fur fon moule & lui en imprime la forme; en retirant la taffe de deffus le moule, il faut la tourner doucement fur ce même moule, fans la preffer plus d'un côté que de l'autre ; fans quoi elle se boffele ou se déjette. Un quartieme Ouvrier polit cette taffe avec le ciseau, fur-tout vers les bords, & en diminue l'épaiffeur autant qu'il eft néceffaire pour lui donner de la transparence. Enfin, après avoir paffé par toutes les mains destinées à lui donner fes divers ornemens, elle eft reçue, quand elle est seche, par un dernier Ouvrier, qui en creuse le pied avec le ciseau. Il est étonnant de voir avec quelle célérité & quelle adreffe ces Ouvriers se transmettent ces vases les uns aux autres. On affure qu'une piece de porcelaine cuite doit paffer par les mains de foixante-dix perfonnes.

Les grands ouvrages s'exécutent par parties, qu'on travaille féparément. Lorfque toutes ces pieces de rapport font achevées & prefque feches, on les unit & on les cimente avec la matiere même de la porcelaine, délayée dans l'eau. Quelque temps après, on polit avec le couteau, en dedans & au dehors du vafe, la ligne de réunion, qui, bientôt couverte du vernis, disparoît & n'est

plus fenfible, C'est ainfi qu'on adapte aux pieces des anfes, des anneaux, & autres parties femblables. Ceci Soieries, porceLaine, &c. regarde fpécialement la porcelaine qu'on façonne fur des moules ou qu'on modele entre les mains; tels font les ouvrages cannelés, les grotefques, les figures d'arbres, d'animaux, d'idoles, les buftes que les Européens commandent. Ces divers morceaux fe forment de quatre ou cinq pieces qu'on réunit, & qu'on perfectionne enfuite avec des inftrumens propres à creufer, à polir, & à rechercher les différens traits que le moule a rendu peu fenfibles. Quant aux fleurs & aux ornemens qui n'ont point de relief, on les grave avec l'empreinte d'un cachet. On fixe auffi aux pieces de porcelaine des ornemens en relief tout préparés, à peu près de la même maniere qu'on applique une broderie fur un habit.

Lorfqu'une piece de porcelaine eft façonnée, elle paffe entre les mains des Feintres. Ces Hoa-pei, ou Peintres en porcelaine, ne font gueux que guere moins les autres Ouvriers ils n'ont aucun principe & ne connoissent aucune des regles de l'art du deffin. Toute leur fcience n'eft qu'une certaine routine, aidée d'un tour d'imagination affez bizarre. Quelques-uns cependant réuffiffent à peindre avec assez de goût des fleurs, des animaux, des paysages, tant fur les porcelaines que fur le papier des éventails & la gaze des lanternes. Le travail de la peinture, dans les ateliers dont nous parlons, eft partagé entre un grand nombre d'Ouvriers. L'un eft uniquement chargé de tracer le premier cercle coloré qu'on voit près des bords du vase; l'autre deffine des fleurs, que peint un troisieme: celui-ci eft pour les eaux, les montagnes; celui-là, pour

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