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les oiseaux & les autres animaux. Les figures humaines Soieries, porce font ordinairement les plus maltraitées. laine, &c.

La Chine a des porcelaines peintes de toutes les efpeces de couleurs; mais la plus grande partie de celles qu'on tranfporte en Europe font d'un bleu vif fur un fond blanc. Les porcelaines entiérement rouges font très-estimées, & coutent extrêmement cher, lorfqu'elles font fans défaut. Celles-ci font de deux fortes; les unes d'un rouge à l'huile, uniformément appliqué, & qu'on nomme Yeou-li-hong; les autres d'un rouge foufflé, Tchoui-hong. Cette derniere maniere de colorer s'exécute à l'aide d'un chalumeau. On a du rouge tout préparé; on prend un tuyau dont une des ouvertures eft couverte d'une gaze fort ferrée; on applique doucement l'ouverture du tuyau fur la couleur dont la gaze fe charge, & l'on fouffle enfuite dans le chalumeau contre la porcelaine, qui fe trouve bientôt toute femée de petits points rouges. Cette porcelaine eft d'autant plus chere, qu'il eft rare qu'elle réuffiffe. On eft plus sûr du fuccès lorfqu'on fouffle le bleu. On fe fert auffi quelquefois du même procédé pour fouffler le vernis, lorfque certaines circonftances ne permettent pas de l'appliquer autrement. Par exemple, on exécuta pour l'Empereur des ouvrages en porcelaine qui .étoient fi frèles & fi délicats, qu'ils ne pouvoient reposer que fur un duvet de coton; & comme il n'étoit pas poffible de les plonger dans le vernis, parce qu'il eût fallu les toucher avec la main, on eut recours à l'expédient de fouffler le vernis, & l'on en couvrit ainfi toutes les pieces.

La porcelaine noire, appelée Ou-mien, a un genre de beauté

beauté qui la fait auffi rechercher par les Connoiffeurs. Ce noir eft plombé, & semblable à celui de nos miroirs ardens. L'or qu'on mêle à cette couleur donne un nouvel éclat aux ouvrages de cette espece. On donne la couleur noire à la porcelaine lorfqu'elle eft feche; & pour cela, on mêle trois onces d'azur avec fept onces d'huile de pierre ordinaire. L'expérience peut faire varier les doses, felon qu'on veut obtenir un noir plus ou moins foncé. Lorfque cette couleur eft feche, on cuit la porcelaine; ensuite on y applique l'or, & on la recuit de nouveau dans un fourneau particulier. On a effayé de peindre en noir quelques vafes de porcelaine avec l'encre de la Chine; mais cette tentative n'a été fuivie d'aucun fuccès. En fortant du fourneau, la porcelaine s'eft retrouvée très-blanche. Comme les parties de ce noir n'ont pas affez de corps, elles s'étoient fans doute diffipées par l'action du feu, ou plutôt elles n'avoient pas eu la force de pénétrer la couche du vernis.

Le Tou-yeou, qui est une huile faite de cailloux blancs, a la propriété particuliere de faire appercevoir, fur les pieces de porcelaine auxquelles on l'applique, une infinité de veines en tout fens : de loin, on prendroit ces vases pour de la porcelaine brisée, dont toutes les pieces restent en place. La couleur que donne cette huile, eft un blanc un peu cendré. Si on l'applique fur une porcelaine entiérement azurée, celle-ci paroîtra également toute coupée & femée de veines. Cette efpece de porcelaine est appelée Tsoui·ki.

On fabrique à la Chine des vases percés à jour, & qui offrent le tiffu découpé d'une dentelle très-légere. Au milieu est une coupe propre à contenir la liqueur, Ccccc

Soieries, porce®

laine, &c.

& cette coupe ne fait qu'un même corps avec la denSoieries, porce telle. Les Ouvriers Chinois avoient autrefois le fecret

Laine, &c.

ઉ.

de faire une porcelaine plus finguliere encore: ils peignoient fur les parois d'un vafe, des poiffons, des infectes, ou d'autres animaux, qu'on n'appercevoit que lorfque la porcelaine étoit remplie de quelque liqueur. Ce fecret s'eft perdu en partie; voici cependant quelques-uns des procédés dont le fouvenir s'eft conservé. La porcelaine qu'on veut peindre de cette maniere doit être très-mince: lorsqu'elle est seche, on applique la couleur un peu épaiffe, non en dehors, felon la pratique ordinaire, mais en dedans & fur les côtés. On y peint communément des poissons, comme plus analogues avec l'eau dont on remplit le vafe. Lorfque la couleur a bien féché, on la recouvre d'une légere couche d'une espece de colle, faite de la terre même de la porcelaine. Cette couche ferre l'azur, qui fe trouve ainfi renfermé entre deux lames de terre. Quand la couche eft feche, on jette de l'huile dans l'intérieur du vafe; & quelque temps après, on le met fur le moule & au tour. Comme cette piece de porcelaine a reçu de la confiftance & du corps par le dedans, on la rend par dehors auffi mince qu'il eft poffible, fans cependant pénétrer jusqu'à la couleur; ensuite on plonge dans l'huile le dehors de la porcelaine, &, lorfqu'elle est feche, on la cuit dans le fourneau ordinaire. L'art de fabriquer ces vafes exige des foins délicats & une dextérité que les Chinois n'ont peut être plus aujourd'hui. Ils font néanmoins de temps en temps quelques tentatives pour retrouver le fecret de cette peinture magique; mais ils n'obtiennent que des fuccès très-imparfaits. Cette por

celaine eft connue fous le nom de Kia-tfing, azur mis en presse.

Quand les Chinois veulent appliquer l'or, ils le broyent & le laissent diffoudre au fond d'une porcelaine, jusqu'à ce qu'ils apperçoivent au deffous de l'eau un petit ciel d'or. On le laiffe fécher, & lorfqu'on veut l'employer, on le diffout par partie dans une quantité fuffifante d'eau gommée. On mêle trois parties de cérufe dans trente parties d'or, & on l'applique de la même maniere que les autres couleurs.

Lorfque la porcelaine a reçu sa forme, son vernis, fes couleurs, & tous les ornemens qu'on a voulu lui donner, on la transporte du laboratoire au fourneau, qui se trouve quelquefois à une autre extrémité de King-te-tching. Le porteur place fur chacune de ses épaules une planche longue & étroite, fur laquelle font rangées les pieces de porcelaine. Chargé de ces frêles ouvrages, il traverse avec une agilité surprenante les rues les plus tumultueufes & les plus embarraffées du bourg, fans qu'il lui arrive de perdre fon équilibre, malgré les mouvemens qu'il fe donne pour efquiver & prévenir les chocs. Le travail du fourneau exige de nouveaux foins, non moins compliqués que les premiers. Dans une espece de vestibule qui le précede, on apperçoit d'abord des tas de caiffes & d'étuis faits de terre, destinés à renfermer la porcelaine. Chaque piece, pour peu qu'elle foit considérable, a fon étui; & l'Ouvrier Chinois imite, par ce procédé, celui de la Nature, qui, pour conduire les fruits à une juste maturité, les revêt d'une enveloppe, qui les déCcc cc ij

Soieries, porce ૪.

laine, &c.

Soieries, porcelaine, &c.

fende ou de la trop vive ardeur du foleil pendant le jour, ou de la fraîcheur de l'air pendant la nuit.

Au fond de ces caiffes eft une couche de gravier fin, qu'on recouvre de pouffiere de Kao-lin, afin que le fable ne s'attache pas trop au pied du vase: on le place fur ce lit de fable qu'on preffe un peu, pour lui faire prendre la forme du fond de la porcelaine, laquelle ne touche point aux parois de fon étui. Le haut de cet étui n'a point de couvercle: un fecond étui, pareillement garni de fa porcelaine, s'enchâsse dans le premier, de telle forte qu'il le ferme entiérement, fans toucher à la porcelaine qui eft au deffous; & c'eft ainsi qu'on remplit le fourneau de hautes piles de caisses, qui défendent les ouvrages qu'elles contiennent de l'action directe du feu.

Quant aux petites pieces de porcelaine, telles que font les taffes à thé, on les renferme dans des caiffes communes, qui ont un tiers de pied en hauteur. Chaque piece est posée fur une foucoupe de terre de l'épaiffeur de deux écus & de la largeur de fon pied. Ces petites bases font auffi femées de pouffiere de Kao-lin. Quand ces caiffes font un peu larges, on ne met point de porcelaine au milieu, parce qu'elle fe trouveroit trop éloignée des côtés, & par-là même de l'action du feu.

Toutes ces piles de caiffes fe placent dans le fourneau fur un demi- pied de gros gravier: celles qui occupent le milieu ont au moins fept pieds de hauteur. Les deux caiffes qui font au bas de chaque colonne restent vides, parce que le feu n'agit que foiblement fur elles, & que

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