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bier Chinois, eft divifé en cinquante-deux Livres. C'est l'Empereur Chin-nong qui a le premier écrit fur le nombre & la qualité des plantes médicinales. C'est lui que les Chinois regardent comme l'inventeur de la Médecine parmi eux. Son Ouvrage a été, en grande partie, fondu dans l'Herbier général qu'on vient de citer.

Le Gin-feng eft regardé par les Médecins Chinois comme une plante du premier ordre, comme la plante par excellence. On lui attribue, parmi une foule d'autres propriétés, celles d'entretenir l'embonpoint, de fixer les efprits animaux, d'arrêter les palpitations, de chaffer les vapeurs malignes, d'éclaircir la vue, de dilater le cœur, de fortifier le jugement, de réchauffer l'eftomac & d'en rétablir l'orifice fupérieur; de prévenir les obstructions ou de les guérir; de guérir auffi l'hydropifie, de fortifier les parties nobles, & généralement tous les vifceres, d'obvier à la foibleffe des poumons, &c. &c. &c. ; & enfin de prolonger la vie. Mais dans prefque tous ces cas fi différens, l'ufage du Gin-feng doit être fouvent répété. On le prépare de foixante & dix-fept manieres, qui forment autant de recettes différentes.

Cette précieuse racine eft devenue rare. Elle fe vendoit autrefois au poids de l'argent; elle se vend aujourd'hui prefque au poids de l'or.

La Médecine Chinoife fait auffi un ample ufage du thé. Elle lui accorde une foule de propriétés admirables, fur-tout s'il a été cueilli fur quelqu'une des pointes de la montagne de Mong-chan. Elle recommande auffi de ne prendre le thé que chaud, en petite quantité, & jamais à jeun.

Médecine.

Médecine.

La graine de thé n'est pas elle-même sans vertus, difent les Médecins Chinois; elle guérit la toux & l'asthme, elle chaffe les flegmes. Les Dégraiffeurs de la Chine s'en fervent pour nettoyer les habits, après l'avoir broyée.

Enfin les Médecins Chinois favent tirer parti de la chair & du fiel de l'éléphant, de fa peau, de fes os & de fon ivoire, pour guérir différentes maladies. La chair & la graiffe du chameau, fon lait, fon poil, & jusqu'à fa fiente, ont auffi leurs propriétés particulieres. Le cheval de mer en auroit une bien précieuse, s'il est vrai, comme l'affurent les Docteurs de la Chine, qu'il ait celle de faire accoucher fans effort une femme dont la vie est menacée, ainfi que celle de son fruit. Cet infecte marin a la forme du cheval, & environ fix pouces de long. Il fuffit de le mettre dans la main de la femme; » & elle fe délivrera de fon fruit, dit un Auteur Chi»nois, avec la même facilité qu'une brebis, dont le terme » est arrivé «.

Autres remedes fort eftimés des Chinois; favoir, le cancre pétrifié, antidote falutaire contre toutes fortes de venins; le musc, propre à une foule de maladies, qui chaffe toute forte de mauvais air, les vents, la mélancolie, guérit la morsure du serpent, &c. Ils pensent à peu près comme nos Médecins fur l'usage de la rhubarbe, excepté qu'ils ne l'ordonnent presque jamais crue, ni en fubftance. Une autre racine dont ils font un cas particulier, c'est celle qu'ils nomment Tang-coue. Elle nourrit le fang, aide à la circulation, & entretient la vigueur. Le Ngo-kiao a, parmi beaucoup d'autres vertus, celle de guérir

quelquefois,

quelquefois, & toujours de mitiger les maladies du poumon. Ce fait eft confirmé par l'expérience.

Les Ecrits fur la Médecine font très-nombreux chez les Chinois, & nulle Nation n'en poffede aujourd'hui d'auffi anciens. On a fondu dans différens Traités les Ouvrages que différens Médecins avoient publiés fur la même matiere; on a rapproché leurs recettes, leurs idées, leurs opinions; &, ce qui pourroit surprendre même en Europe, c'eft qu'il regne dans ces fortes de Recueils beaucoup d'ordre, de précision & de clarté. Il résulte des principes généraux, établis par les Médecins de la Chine, que toute maladie agit fucceffivement fur le cœur, fur le foie, fur le poumon, fur l'eftomac, fur les reins, & fur les entrailles; que le paffage de l'un à l'autre produit une petite crise, la révolution générale une grande, & qu'il eft effentiel de diftinguer quand il faut attaquer le mal par des remedes directs pour arrêter fes progrès, ou fimplement en détourner le cours afin de les affoiblir; favoir enfin accélérer fes crifes, les retarder, ou les attendre.

Mais un des moyens les plus extraordinaires qu'on puiffe employer dans l'art de guérir, est celui que les Médecins Chinois nomment Tcha-tchin, ou piqûre d'aiguille. Il confiste à piquer avec des aiguilles préparées les plus petits rameaux des arteres, fans permettre au fang de fortir par ces piqûres; on brûle deffus de petites boules d'armoise, qui les cautérisent. L'efficacité de ce traitement eft prouvée par des guérisons fans nombre, & qui femblent furnaturelles. Savoir où il faut ficher les aiguilles, en combien d'endroits, la maniere de les enEeeee

Médecine.

Médecine,

foncer & de les retirer; voilà le grand fecret de cette méthode. On y joint quelques remedes pris intérieure

ment.

S'agit-il d'engourdiffement, de tenfion, de douleur dans les membres, &c. une autre méthode finguliere & des plus anciennes vient au fecours de ces maladies. On fait tenir le malade dans une posture qui gêne & retarde la circulation dans telle ou telle partie du corps, & on l'oblige à fondre tellement son haleine dans fa bouche, que l'air ne forte de ses poumons que d'une maniere infenfible. Ce traitement fi fimple, joint à des remedes non moins fimples, & à certain régime, eft communément suivi d'une parfaite guérifon.

L'art de difcerner fi un homme s'eft étranglé lui-même, ou l'a été par d'autres, s'il s'eft noyé, ou s'il n'a été jeté dans l'eau qu'après la mort, eft encore une découverte qui appartient aux feuls Chinois. Elle eft, dans certaines affaires criminelles, d'une grande ressource pour leurs Tribunaux, & pourroit, dans les mêmes circonstances, faire ceffer la perplexité des nôtres.

L'inoculation étoit pratiquée à la Chine, long-temps avant qu'elle fût connue en Europe: ce qui ne prouve pas toutefois que l'Europe tienne d'elle cette découverte. Si elle infpire aux Chinois moins de confiance qu'aux Européens, c'est que les premiers ont une foule de preuves qu'elle n'empêche point le retour de la petite vérole, quand elle dégénere en épidémie. Ils penfent auffi que cette maladie n'a pas toujours exifté parmi eux; ils n'en font remonter l'origine qu'à environ trois mille ans. Le nom qu'ils lui donnent eft Tai-tou, qui veut dire venin

pe

du fein maternel. Ils en diftinguent plus de quarante
fortes; mais l'expérience démontre qu'à la Chine la
tite vérole eft peu dangereufe dans les pays chauds;
elle ne fe développe pas dans les pays froids. C'est dans
les pays tempérés qu'elle exerce le plus fes ravages. C'est
auffi, d'après le climat, l'âge & le tempérament, que
les Médecins Chinois reglent leurs moyens de la com-
battre.

Nous n'avons fait qu'indiquer ci-dessus l'extrême sagacité des Tribunaux Chinois pour diftinguer fi quelqu'un est mort naturellement ou par violence, & en juger lors même que le cadavre commence à tomber en pourriture. L'importance du fujet exige quelques détails de plus : ils termineront ce Chapitre.

On exhume le cadavre, & on le lave dans du vinaigre; on a eu foin de creufer une foffe d'environ fix pieds de long fur trois de large, & autant de profondeur. On allume un grand feu dans cette foffe, & on le pouffe jufqu'à ce que la terre qui l'environne devienne ellemême un foyer ardent. Alors on en retire ce qui reste de feu; on y verfe une grande quantité de vin, & on couvre cette foffe d'une grande claie d'ofier fur laquelle on étend le cadavre. On le couvre enfuite lui-même, ainfi que la claie, d'une toile qui s'éleve en forme de voûte afin que la fumée du vin qui s'évapore, puiffe agir fur lui en tout fens. On leve cette toile deux heures après; & c'eft alors, s'il y a eu des coups de donnés, qu'ils paroiffent fur le cadavre, dans quelque état de dépériffement qu'il puiffe être,

On étend la même expérience jusque fur les offemens

Eeeee ij

Médecine.

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