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Médecine.

dépourvus de toute chair. Les Chinois affurent que fi les coups qui ont été donnés étoient capables de caufer la mort, cette épreuve en fait reparoître la marque fur les os, quand même il n'y auroit aucune rupture. Au furplus, le vin dont on parle ici, n'eft autre chofe qu'une biere fabriquée avec du riz ou du miel: remarque effentielle à faire, fi l'on entreprenoit de faire en Europe quelque effai de cet expédient, fi digne d'être vérifié.

IL

CHAPITRE VIII.
Mufique Chinoife.

Left affez fingulier que les Chinois modernes aient, Musique Chinoise. fur leur ancienne mufique, les mêmes idées qu'on nous a tranfmifes fur celle des Egyptiens & des Grecs, & qu'ils regrettent leur ancienne harmonie comme nous gémisfons fur la perte de celle dont l'antiquité nous a tant vanté les prodiges. Si l'Egypte a eu fon Hermès ou Mercure Trifmégiste, qui, par la douceur de fon chant, acheva de civilifer les hommes ; fi la Grece s'honore d'un Amphion qui bâtiffoit des villes avec fes feuls accords, d'un Orphée qui, par le fon de fa lyre, fufpendoit le cours des fleuves & fe faifoit fuivre des plus durs rochers; la Chine ne nous annonce pas moins de miracles, dus à l'harmonie de ses premiers Muficiens. Elle cite fon Lyng-lun, fon Kouei, fon Pin-mou-kia, qui, en touchant leur Kin & leur Ché, en tiroient des fons, capables d'adoucir les mœurs des hommes & d'apprivoiser les bêtes les plus féroces.

Plus de huit fiecles avant l'existence du célebre fils d'Antiope & du fameux Chantre de la Thrace, l'inimi- Mufique Chinoise. table Kouei difoit à l'Empereur Chun: Quand je fais réfonner les pierres fonores qui compofent mon King, les animaux viennent fe ranger autour de moi, & treffaillent d'aife. L'ancienne mufique, felon les Ecrivains Chinois de tous les âges, pouvoit faire defcendre du ciel fur la terre les Efprits fupérieurs; elle pouvoit évoquer les ombres des ancêtres; elle inspiroit aux hommes l'amour de la vertu, & les portoit à la pratique de leurs devoirs, &c. Veut-on favoir, difent encore ces mêmes Auteurs, fi un royaume eft bien gouverné, fi les mœurs de ceux qui l'habitent font bonnes ou mauvaifes? qu'on examine la mufique qui y a cours. Cette regle n'étoit pas négligée par Confucius, lorfqu'il parcouroit les différens petits royaumes qui partageoient la Chine de fon temps. Les traces de l'ancienne musique n'avoient pas encore entiérement disparu, & il avoit appris par fa propre expérience combien l'harmonie peut avoir d'influence fur l'ame, fur fes mouvemens & fes paffions. On raconte, en effet, qu'étant arrivé dans le royaume de Tfi, on lui fit entendre un morceau de la mufique Chao, c'est-à-dire, de cette musique que Kouei avoit compofée par ordre de Chun: Pendant plus de trois mois, difent les Hiftoriens de fa vie, il ne lui fut pas poffible de penser à autre chofe; les mets les plus exquis & le plus délicatement apprétés ne furent pas capables de réveiller fon goût, ni d'exciter fon appétit, &c.

Le P. Amior s'étoit particuliérement appliqué à l'étude du systême musical des anciens Chinois. Il traduifit d'abord quelques-uns des Auteurs qui en ont traité. Son travail

Mufique Chinoife.

& fes longues méditations ne lui avoient encore procuré
que
de foibles apperçus de cette théorie primitive, lorf-
qu'il reçut d'Europe le Mémoire de M. l'Abbé Rouffier
fur la Mufique des Anciens. Cet excellent Ouvrage fut
pour lui un trait de lumiere, qui l'éclaira fur une foule
d'objets qu'il n'avoit entrevus jusqu'alors qu'à travers des
nuages. La théorie de M. l'Abbé Rouffier lui parut fi vraie,
fi conftante, qu'elle devenoit applicable à la musique
même, qui étoit l'objet de ses recherches. Le Miffion-
naire regrette vivement que ce profond Harmoniste ne se
foit
pas trouvé à portée de fouiller lui-même dans les An-
tiquités Chinoises; en indiquant les découvertes qu'il au-
roit faites, il donne une idée de cet ancien systême mu-
fical, & montre combien il est antérieur à celui de tous
les autres peuples.

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» En réunissant, dit le P. Amiot, les lambeaux épars » des plus anciennes archives qui exiftent aujourd'hui fur » la terre, M. l'Abbé Rouffier eût découvert qu'avant Pythagore, qu'avant Mercure lui-même, on connoiffoit » en Chine la divifion de l'octave en douze demi-tons, qu'on appeloit les douze lu; que ces douze lu, diftri» bués en deux claffes, y étoient diftingués en parfaits » & en imparfaits; qu'on y connoiffoit la néceffité de » cette distinction ; & qu'enfin la formation de chacun » de ces douze lu, & de tous les intervalles musicaux

qui en dépendent, n'étoit, dans le systême qu'on y » avoit inventé, qu'un fimple résultat de la progreffion triple de douze termes, depuis l'unité jufqu'au nombre » 177147 inclusivement (*).

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(*) Voyez le Mémoire fur la Mufique des Anciens, art. 9. p. 57.

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» Pouffant fes découvertes plus loin, M. l'Abbé Rouf

fier eût trouvé fans doute les véritables raisons qui ont Mufique Chinoife. "engagé les Chinois de la plus haute antiquité à ne faire

» mention, dans leur échelle muficale, que des cinq tons

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כס

koung, chang, kio, tché, yu, qui répondent à fa, fol, la, ut, ré, tandis qu'ils avoient dans ce qu'ils ap» peloient le Pien-koung, répondant à notre mi, & le "pien-tché ou fi, de quoi compléter leur gamme, & remplir les prétendues lacunes qui paroiffent, au pre"mier coup-d'œil, attendre dans leur fyftéme toujours quel » ques nouveaux fons (*).

» fe Il se feroit peut-être convaincu par lui-même, que » les rapports que les Egyptiens ont affignés entre les » fons de la mufique & les planetes, entre les mêmes » fons & les douze fignes du zodiaque, les vingt-quatre » heures du jour, les fept jours de la femaine, & autres

objets, ne font qu'une copie informe de ce qui avoit " été fait par les Chinois, bien des fiecles avant que » les Egyptiens euffent une divifion du zodiaque en douze » fignes, avant qu'ils euffent les noms de Sabaoth, de » Saturne, & tous les autres noms qui pouvoient défi»gner les différens objets de ces rapports.

Frappé de l'attention fcrupuleufe des premiers Chi» nois, dans leurs opérations fur les fons, & plus en» core de leur conftance à ne vouloir opérer fur ces » mêmes fons qu'au moyen des inftrumens à vent, M. » l'Abbé Rouffier eût conclu fans doute qu'ils étoient les » inventeurs de leur méthode. Peut-être eût-il conclu

(*) Voyez le Mémoire fur la Mufique des Anciens, pag. 33 & 129.

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» encore que l'heptacorde des Grecs anciens, que la lyre Mufique Chinoife. „ de Pythagore, que fon inverfion des tétracordes diatoniques, & la formation de fon grand systême, font » autant de larcins faits au Chinois du premier âge, auxquels on ne peut contester les deux anciens inf» trumens, le kin & le ché, qui réuniffent eux feuls tous » les systêmes imaginables de mufique. Il fe feroit ap» perçu que les Egyptiens, les Grecs, & Pythagore lui» même, n'avoient fait qu'appliquer aux cordes ce que » les Chinois difoient avant eux, en parlant des tuyaux.

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» En examinant de près les différentes méthodes employées par ces anciens Chinois, pour fixer le lu générateur, & le ton fondamental de ce lu, M. l'Abbé Rouffier le fût convaincu encore, que pour avoir ce point fixe, cette regle authentique & infaillible que » la Nature affigne elle-même, les Chinois n'avoient » pas craint de fe livrer aux opérations les plus péni»bles de la Géométrie, aux calculs les plus longs & les plus rebutans de la fcience des nombres, au moyen defquels ils ont enfin obtenu, finon les vraies dimen» fions de chaque ton, la vraie mesure des intervalles qui les conftituent, la légitimité de leur génération réciproque, & les différens rapports qu'ils ont néceffai»rement entre eux; du moins ces approximations satis» faisantes qui fe confondent, en quelque forte, avec le » vrai, Alors, je n'en doute pas, M. l'Abbé Rouffier, plein d'eftime pour les anciens Chinois, leur eût trans» féré fans peine les éloges dont il gratifie les fages Egyptiens, & n'eût pas hésité à leur faire honneur du fyf

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» tême très-étendu qu'il attribue à ces derniers, ou à

» tout

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