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flottante; toutes ces barques fe touchent, font alignées,

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& forment des rues. Un peuple immense n'a point d'autre de Quang-tong. habitation; chaque barque loge une famille & les enfans de ses enfans. Dès la pointe du jour, tout ce peuple fort, foit pour aller à la pêche, foit pour cultiver la terre & travailler au riz, dont on fait chaque année une double récolte.

C'est à quatre ou cinq lieues de Canton que fe trouve Fo-chan, ce village célebre, le plus grand & le plus peuplé de l'Univers; on l'appelle village, parce qu'il n'est point enfermé de murailles, & qu'il n'a point de Gouverneur particulier, quoiqu'il s'y faffe un très-grand commerce, & qu'il contienne plus de peuple & plus de maisons que Canton même. On donne à cette bourgade trois lieues de circuit & un million d'habitans.

A l'entrée de la baie de Canton, on trouve le célebre port des Portugais, qu'on appelle communément Macao: il est situé sous le vingt-deuxieme degré douze minutes de latitude, & à trois degrés dix-neuf minutes de longitude ouest de Pe-king. La ville est bâtie fur une péninsule, ou, fi l'on veut, dans une petite ifle, parce qu'elle est séparée de la terre par une riviere où le flux & le reflux font fenfibles. Cette langue de terre ne tient au reste de l'ifle que par une gorge fort étroite, qu'on a fermée d'une muraille. Les Portugais obtinrent ce port en récompense du fecours qu'ils donnerent aux Chinois, pour chaffer un fameux pirate qui infeftoit les mers voifines, & qui avoit formé le fiége de la capitale de la province; ils l'obligerent de fe retirer à Macao, où ils le prirent & le mirent à

mort.

Quelques Relateurs prétendent que cette ville n'étoit

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de Quang-tong.

habitée que par des voleurs, lorfque les Portugais s'y établirent, & qu'on leur permit seulement d'y construire des maisons de chaume. Quoi qu'il en foit, ils fortifierent cette place, l'environnerent de bonnes murailles, & en devinrent, pour ainfi dire, les maîtres.

Macao a un Gouverneur Portugais & un Mandarin Chinois; le palais de celui-ci eft au milieu de la ville, & il y commande en chef; la Nation de l'autre paye cent mille ducats de tribut, pour avoir la liberté de choisir ses Magistrats, d'exercer sa Religion, & de vivre selon ses Loix. Les maisons de cette ville font bâties à l'Européenne; mais elles font baffes & ont peu d'apparence. La ville eft défendue par trois forts conftruits fur des hauteurs ; ses fortifications font bonnes, & garnies d'une nombreuse artillerie.

On remarque que les Portugais y ont le Dimanche, lorfque les Espagnols des ifles Philippines ont le Samedi. Cette différence, qui a lieu pour tous les jours de la semaine, ne résulte que de la diverfité des routes que fuivent ces deux Nations; les Portugais, en fe rendant à Macao, font voile vers l'orient, au lieu que les Efpagnols, en venant de l'Amérique, dirigent leur route vers le couchant.

Chao-tcheou-fou, qui eft la feconde ville de la province de Quang-tong, est située entre deux rivieres navigables. Le pays qui l'entoure est très-fertile en riz, en fruits, en herbages: on y nourrit de nombreux troupeaux, & ses côtes font très-poiffonneuses; mais l'air y eft mal-fain, & des maladies contagieufes, qui y regnent ordinairement depuis la mi-Octobre jufqu'au commencement de Décembre, enlevent chaque année un grand nombre d'habitans. Si

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cette ville a quelque célébrité, elle la doit fur-tout à un célebre Monaftere de Bonzes qui fe trouve dans fon voifi- de Quang-tong. nage: on ne peut rien voir de plus agréable que fa fituation. Du milieu de la montagne, appelée Nan-hoa, où il est placé, on découvre un défert charmant, qui s'étend dans une vaste plaine tout environnée de collines, fur la cîme defquelles on a planté au cordeau des arbres fruitiers, & d'espace en espace des bocages dont le feuillage est toujours vert. La contrée d'alentour appartient au Monastere, dont on fait remonter l'origine à huit ou neuf cents ans. On prétend que fon Fondateur pratiquoit la plus édifiante austérité. Les Bonzes fes fucceffeurs fuivent très-mal fes exemples; car, quoiqu'ils faffent profeffion de chasteté, on dit qu'ils s'abandonnent à toutes fortes de débauches. Autrefois le peuple qui alloit chez eux en pélerinage, se plaignoit fort de leurs vols & de leur brigandage; mais on y a mis ordre, & les dévots de la province peuvent s'y rendre avec fûreté. Chao-tcheou a dans fa dépendance fix villes du troifieme ordre; il croît près d'une de fes villes des rofeaux noirs, dont on fabrique plufieurs efpeces d'infttrumens qu'on croiroit être d'ébene.

Nan-hiong-fou, Hoei-tcheou-fou, Tchao-tcheou-fou, & Tchao-king-fou, font des villes célebres par la fertilité de leur territoire & la richeffe de leur commerce; du reste on n'y voit rien de remarquable ni de curieux. La jurisdiction de la premiere ne comprend que deux villes du troifieme ordre; celle de la feconde en contient onze du second & du troisieme rang; celle de la troifieme eft de la même étendue; enfin la quatrieme compte dans fon reffort cinq villes du fecond & du troisieme rang.

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de Quang-tong.

Kao-tcheou-fou eft fituée dans un pays riant & fertile; on trouve dans fon territoire une espece de pierres fingulieres qui approchent du marbre, & qui repréfentent naturellement des eaux, des montagnes, des paysages & des bois; on táille ces pierres en feuilles, & l'on en fait des tables & d'autres meubles curieux.

On pêche auffi fur fes côtes un cancre affez semblable aux nôtres; mais il a ceci de particulier, qu'étant hors de l'eau, il fe pétrifie fans rien perdre de fa forme naturelle. · Kao-tcheou a dans fon district une ville du fecond ordre & cinq du troifieme.

Lien-tcheou-fou & Loui-tcheou-fou offrent deux ports affez commodes. Le territoire de la premiere ville confine avec le Royaume de Tong-king, dont des montagnes inacceffibles la féparent, & elle a fous fa jurifdiction une ville du fecond ordre & deux du troisieme. La feconde cité n'est séparée de l'ifle de Hai-nan, que par un petit détroit où l'on dit qu'on pêchoit autrefois des perles. Le reffort de cette ville n'est pas plus étendu que celui de la précédente.

Kiun-tcheou-fou eft la capitale de l'isle de Hai-nan, qui dépend de la province de Quang-tong. Cette isle a au feptentrion la province de Quang-fi; au midi, le canal que forme le banc Paracel, avec la côte orientale de la Cochinchine; à l'occident, ce même Royaume & une partie du Tong-king; & à l'orient, la mer de la Chine.

Son étendue, d'orient en occident, eft de foixante à foixante-dix lieues, & celle du feptentrion au midi, de quarante à cinquante; ainfi certe ifle doit avoir à peu près cent foixante lieues de circuit.

Kiun-tcheou, fa capitale, eft fituée fur un promontoire,

&

& les vaiffeaux viennent mouiller jusqu'au pied de ses murs. Deux fortes de Mandarins y commandent, comme dans les autres contrées de la Chine; les uns font Mandarins de Lettres, & les autres Mandarins d'Armes ou Officiers de guerre. Son reffort comprend trois villes du fecond ordre & dix du troisieme. La plus grande partie de l'isle obéit à l'Empereur de la Chine; le refte eft indépendant, & habité par des peuples libres qui n'ont pas encore été fubjugués. Obligés d'abandonner aux Chinois leurs plaines & leurs campagnes, ils se sont fait une retraite dans les montagnes du centre de l'ifle, où ils font à couvert de toute infulte de part de leurs voifins.

la

an,

Ces peuples avoient autrefois une correspondance libre & ouverte avec les Chinois. Ils expofoient deux fois par dans un lieu déterminé, l'or qu'ils avoient tiré de leurs mines, avec leurs bois d'aigle & de calamba, si estimės des Orientaux. Un député alloit examiner fur la frontiere les toiles & les denrées des Chinois, & les principaux de ceux-ci se rendoient au lieu indiqué pour les échanges : on convenoit des prix, & après que les marchandises des Chinois étoient livrées, on leur remettoit fidélement ce dont on étoit convenu. Les Gouverneurs Chinois tiroient des profits immenfes de ces échanges.

L'Empereur Kang-hi, informé de la quantité prodigieuse d'or que ce commerce faifoit paffer entre les mains de ses Mandarins, défendit, sous peine de mort, à tous ses fujets d'avoir communication avec les Infulaires; cependant quelques émiffaires fecrets des Gouverneurs voisins trouvent encore le moyen de pénétrer chez eux; mais ce qu'on en tire aujourd'hui par ce commerce caché, n'eft rien en

L

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de Quang-tong.

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