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Mantcheoux ou Tartares Orientaux. La Tartarie Chinoise se divife donc en deux parties, l'orientale & l'occidentale.

Tartarie Chinoife

orientale.

ARTICLE PREMIER.

Tartarie Chinoife orientale.

CETTE partie s'étend, du midi au feptentrion, depuis le 41° degré de latitude feptentrionale, jufque vers le 55° degré; & de l'occident à l'orient, environ depuis le 137 degré de longitude, jufqu'à la mer orientale. Elle eft bornée au nord par la Sibérie; au midi, par le golfe de Leao-tong & la Corée; à l'orient, par la mer orientale; & à l'occident, par le pays des Moungous.

Les Tartares qui s'y retirerent après leur expulfion de la Chine en 1368, fe mirent d'abord à bâtir des villes, des bourgs, des villages, & à cultiver les terres, à l'exemple des Chinois parmi lefquels ils avoient vécu : ainfi la plupart ont des demeures fixes, & font beaucoup plus civilifés que le reste de la nation Moungale. Ils furent d'abord gouvernés. par des Kans particuliers, indépendans les uns des autres; mais depuis que celui de Ningouta, qui étoit le plus puiffant d'entre eux, s'eft emparé de la Chine, vers le milieu du fiecle dernier, l'Empereur, qui eft encore un de fes defcendans, a foumis à fa domination tous les autres Kans de cette partie de la Tartarie. Ce Prince la immédiatement par lui-même, & y envoie des Préfets & des Officiers comme dans les autres provinces de l'Empire,

gouverne

Le pays des Tartares Mantcheoux fe divife en trois grands départemens, que nous allons faire connoître.

Département de Cheng-yang ou Moug-den.

Le premier de ces départemens eft celui de Cheng-yang; il comprend tout l'ancien Leao-tong, & s'étend jufqu'à la grande muraille qui le borne au midi; il eft renfermé à l'orient, au nord, & à l'occident par une paliffade plus propre à défendre le pays contre les invafions nocturnes de quelques voleurs, qu'à arrêter la marche d'une armée. Elle n'est construite que de pieux de fept à huit pieds de hauteur, fans levée de terre, fans foffé, ni le moindre ouvrage de fortification. Les portes ne valent pas mieux,, & ne font gardées que par quelques foldats..

Cheng-yang ou Moug-den eft la capitale de tout le pays; les Tartares Mantcheoux ont pris foin de l'orner de plufieurs édifices publics, & de la pourvoir de magafins d'armes & de vivres. Ils la regardent comme le chef-lieu de leur Nation; & depuis que la Chine leur eft foumife, ils y ont établi les mêmes Tribunaux qu'à Fe-king, excepté celui qu'on nomme Lii-pou. Ces Tribunaux ne font compofés que de Tartares; on y juge fouverainement, & tous les actes s'y dreffent en caracteres & en langage Mantcheoux..

Moug-den eft bâtie fur une hauteur; quantité de rivieres fertilifent le pays qui l'environne. Elle peut être confidérée comme une double ville, dont l'une eft renfermée dans l'autre. La ville intérieure contient le Palais de l'Empereur, les hôtels des premiers Mandarins, les Cours Souveraines & les différens Tribunaux. La ville extérieure eft habitée par le commun du peuple, les Artisans, & toutes les perfonnes qui, par leurs emplois ou leurs profeffions, ne font pas obligées d'avoir leurs logemens dans la ville intérieure..

Tartarie Chinoise

orientale.

Tartarie Chinoife

orientale.

Celle-ci a près d'une lieue de circonférence, & les murailles qui enferment les deux villes, ont plus de trois lieues de tour; ces murailles ont été rebâties à neuf en 1631, & réparées plufieurs fois fous le regne de Kang-hi.

Près des portes de la ville font deux magnifiques fépultures des premiers Empereurs de la famille régnante; elles font bâties à la Chinoise, & enfermées d'une muraille épaiffe garnie de creneaux. La garde en eft confiée à plusieurs Mandarins Mantcheoux, qui, dans des temps marqués, font obligés de pratiquer certaines cérémonies d'usage; devoir dont ils s'acquittent avec les mêmes témoignages de respect & de vénération que fi leurs Maîtres étoient encore vivans.

Les autres villes de cette province font peu confidérables; la plupart font prefque défertes, mal bâties, fans avoir d'autre défense qu'un mur ou à demi-ruiné ou conftruit de terre battue. Il faut cependant diftinguer la ville de Fong-hoang-tching qui eft affez peuplée, & que fa fituation, fur la frontiere de Corée, rend très-marchande. Comme elle est la porte de ce Royaume, c'est par là que doivent paffer les Envoyés du Roi, & ceux de fes fujets qui veulent commercer dans l'Empire. Cette raison y attire un grand nombre de Chinois; plufieurs même se font établis dans un des fauxbourgs, où ils ont fait conftruire d'affez belles maisons : ils font en quelque forte les Facteurs des autres Négocians des provinces.

Cette province renferme beaucoup de montagnes, dont quelques-unes produifent des métaux & des bois propres à bâtir. Les terres, en général, y font fertiles en froment, millet, légumes, & coton; elles nourriffent d'immenfes.

de bœufs & de moutons. On y recueille peu de troupeaux riz; mais la plupart des fruits de l'Europe y croiffent en abondance..

Département de Kirin.

KIRIN, fecond département de la Tartarie Chinoise orientale, eft borné au nord par le fleuve Saghalien; au levant, par la mer; au fud, par la Corée; & au couchant, par la palissade de la province de Leao-tong. Ce pays, que la grande quantité de forêts qui s'y trouvent rend extrêmement froid, n'eft prefque point habité: on n'y rencontre que trois ou quatre villes mal bâties, & entourées d'une fimple muraille de terre. C'eft dans ces cantons que croît la précieuse plante de gin-feng, & que l'Empereur envoie les criminels que les Loix condamnent à l'exil.

Kirin, fituée fur le fleuve Songari, qui prend en cet endroit le nom de Kirin, eft le lieu de la réfidence d'un Général Mantcheou, qui jouit de tous les droits de Vice-Roi; il commande aux Mandarins, & a l'infpection fur toutes les troupes. En remontant le mêmë fleuve, vers le nord-ouest, on trouve à quarante-cinq lieues la ville de Petouné, moins confidérable encore que la précédente; elle n'est presque habitée que par des foldats Tartares & par des Chinois condamnés à l'exil. La troisieme ville, qui eft considérée comme le berceau de la Famille Impériale régnante, s'appelle Ningouta. Cette cité eft entourée d'une muraille de bois; ce font de fimples pieux fichés en terre, qui fe touchent les uns les autres, & qui ont vingt pieds de hauteur. Outre cette enceinte, il en eft une autre qui eft extérieure, & qui a une lieue de circonférence; cette feconde

Tartarie Chinoife

orientale.

Tartarie Chinoise

orientale.

enceinte eft auffi faite de pieux; elle eft percée de quatre portes, qui correspondent aux quatre points cardinaux. Cette ville eft le féjour d'un Lieutenant-Général Mantcheou, dont la jurisdiction s'étend fur les terres voisines & fur tous les villages des Yupi-tafe, & de quelques autres petites. Nations qui habitent fur les bords de la riviere Ousouri, du fleuve Saghalien, & le long des côtes de la mer.

Ces Tartares Yupi-tafe font d'un caractere paifible; mais lourds & groffiers, fans politeffe, fans aucune teinture des Lettres, & même fans aucun culte de Religion. Ils ne fement ni riz ni froment, mais feulement un peu de tabac, dans quelques arpens de terre qui environnent leurs villages. D'immenfes forêts, prefque impénétrables, couvrent le refte des terres, & produifent des nuées d'infectes importuns, qu'on ne chaffe qu'à force de fumée.

Il faut que la riviere Ousouri, dont ces peuples habitent les bords, foit extrêmement poiffonneuse, puisqu'ils n'ont pour tout aliment que la chair des poiffons qu'ils y pêchent, & dont ils réfervent les peaux pour se faire des habits. Ils favent paffer ces peaux, les teindre en trois ou quatre couleurs, les découper proprement, & les unir avec tant de dextérité, qu'on les croiroit d'abord coufues avec du fil de foie; ce n'eft qu'en défaifant quelques-unes de ces coutures, qu'on s'apperçoit que ce fil n'eft qu'une courroie très-fine, formée d'une peau extrêmement mince. La forme de leurs habits est la même que celle des vêtemens Mantcheoux. Leurs femmes attachent au bas de leurs longs manteaux des pieces de monnoie, des grelots, dont le bruit avertit de leur arrivée; elles partagent leurs cheveux en plufieurs treffes, qu'elles laiffent pendre fur leurs épaules;

toutes

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