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ceur inaltérable, et à l'épreuve de toutes les injures. Il avoit trouvé le grand art de s'unir intimement à Dieu par la prière continuelle. Sa dévotion étoit si tendre, qu'une pieuse parole suffisoit pour l'enflammer visiblement, et pour le ravir en extase. Ces saintes dispositions s'accrurent encore durant sa dernière maladie. Enfin le moment de consommer son sacrifice étant arrivé, il envoya chercher le prêtre chargé de faire l'onction des malades; il la reçut sur la poitrine, selon la coutume de ce temps-là, et mourut einq jours après, âgé de 61 ans, vers l'an 514 ( 1 ).

Saint Oyend ne fut jamais prêtre, quoiqu'on l'eût souvent pressé de recevoir le sacerdoce. Il étoit trèsversé dans les langues grecque et latine, et dans la connoissance des livres sacrés. Il eut un grand soin de faire fleurir dans son monastère toutes les études qui ont la religion pour objet. Il est rapporté dans une histoire manuscrite (c) des premiers abbés de Condat, qu'on leva de terre le corps du saint pour l'enchâsser, et en faire la translation. L'auteur de cette histoire dit que la cérémonie de cette translation se fit avec beaucoup de solennité; qu'il y assista luimême, et qu'il en composa la relation. Mais cette pièce n'est point parvenue jusqu'à nous. La ceinture de saint Oyend, faite d'un morceau de cuir blanc large de deux doigts, a opéré plusieurs guérisons miraculeuses (d). En 1601 Pétronille Birod, femme calviniste, étoit menacée d'une mort certaine, parce qu'elle ne pouvoit accoucher. A peine lui eut-on ap pliqué la relique du saint, qu'elle fut délivrée surle-champ. Frappée de ce miracle, elle se convertit à la foi catholique avec toute sa famille.

Voyez dans Bollandus et dans Mabillon, la vie de saint Oyend écrite par un de ses disciples, et les remarques de dom Rivet, Histoire litté raire de la France, t. III, p. 60.

(1) Mabillon, Annal. Bened. ad ann. 510, t. I, p. 23 et 24. (c) Elle étoit dans la bibliothèque du collège des Jésuites à Paris. Le P. Chifflet, qui l'a enrichie de notes écrites de sa propre main, croit qu'elle fut composée en 1252,

(d) Voyez les remarques du P. Chifflet sur le manuscrit cité dans la note précédente,

S. CLAIR, Abbé a Vienne en Dauphiné. SAINT Clair, né à Vienne, étoit encore enfant lorsqu'il perdit son père. Sa mère, qu'une piété solide rendoit recommandable, le forma de bonne heure à la vertu. Elle le menoit souvent avec elle à l'église et dans les monastères; elle le mit ensuite dans le monastère de Saint-Ferréol, et elle se retira dans celui de S.te-Blandine. Le jeune Clair s'acquit depuis une telle réputation de sainteté, qu'il fut fait abbé de, Saint-Marcel par l'évêque de Vienne. On lui confia aussi la direction des religieuses de S.te-Blandine. Il y avoit alors dans le diocèse de Vienne, gouverné par saint Cadolde, un grand nombre de monastères. On comptoit quatre cents religieux dans ceux de Grigni, dont le principal portoit le nom de saint Ferréol. Il y en avoit cinq cents dans l'abbaye de Saint-Pierre de Vienne, trois cent trente tant à Saint-Martin, qu'à Saint-Marcel, Saint-Gervais, Saint-Jean et Saint-Vincent. Les deux monastères de Saint-André avoient chacun cent religieuses; il y en avoit cinquante à Saint-Nicet, et trente à SainteColombe. L'abbaye.de Sainte-Blandine étoit habitée par vingt-cinq veuves.

Saint Clair devint le modèle d'un supérieur accompli; il fut aussi favorisé du don des miracles, et l'auteur de ses actes en rapporte plusieurs. Pendant la maladie qui le conduisit au tombeau, il prédit à ses disciples les ravages des Vandales et des Sarrasins qui arrivèrent environ soixante-douze ans après. On lit dans ses actes que trois jours avant sa mort, sainte Blandine lui apparut, et lui fit connoître le moment où il devoit sortir de ce monde. Il se fit porter à l'église, s'y coucha sur un cilice, et se mit en prières. Il mourut vers l'an 660, et fut enterré dans l'église de Sainte-Blandine. On porta depuis ses reliques dans celle de Saint-Pierre; mais elles furent dissipées, dans le seizième siècle par les Huguenots.

Voyez les actes de saint Clair, publiés par Bollandus, t. I, p. 55, et par Mabillon, Act. SS. Ord. S. Ben. ad ann. 660. Voyez aussi Bulteau, Hist. de saint Benoît, t. I. p. 457. Baillet, ete.

S. ODILON, VI. ABBÉ DE CLUNI.

ODILON

DILON OU OLON étoit issu de la famille des seigneurs de Mercœur, l'une des plus illustres d'Auvergne. On remarqua en lui, dès son enfance, une disposition singulière à la piété, qui ne fit qu'augmenter de jour en jour.

Dès que l'âge lui permit de disposer de sa liberté, il se retira dans le monastère de Cluni, il y reçut l'habit des mains du saint abbé Maïeul, qui le fit son coadjuteuren 991, quoique le jeune profès n'eut encore que vingt-neuf ans. Saint Maïeul étant mort trois ans après, Odilon fut seul chargé du gouvernement de l'abbaye. Des jeûnes rigoureux, l'usage du cilice et d'une chaîne de fer garnie de petites pointes, furent les moyens qu'il employa pour dompter les désirs déréglés de la chair. Malgré ses austérités, sa conduite envers les autres étoit pleine de bonté et de douceur. Il disoit ordinairement que s'il lui falloit opter entre les deux extrêmes, il aimeroit mieux pécher par excès de douceur que par excès de sévérité. La réputation de sa sainteté ne tarda pas à se répandre au loin. L'impératrice sainte Adelaïde eut envie de le voir avant de mourir : elle eut cette satisfaction au château d'Orbe (a) en 999. Dès que cette pieuse princesse aperçut le serviteur de Dieu, elle pleura de joie, et dit, en lui baisant sa robe, qu'elle mourroit bientôt, ce qui arriva effectivement la même année. S'étant rendue en Alsace à l'abbaye de Seltz qu'elle avoit fondée, pour y célébrer l'anniversaire de la mort de l'empereur

(a) Le château d'Orbe est l'ancien chef-lieu des rois de la Bourgogne-Transjurane. Les rois de la seconde race y avoient un palais. C'est aujourd'hui une jolie petite ville au pays de Vaud, capitale d'un bailliage considérable, dont la souveraineté est partagée entre les cantons de Berne et de Fribourg.

Othon II son fils, elle y mourut la nuit du 16 au 17 Décembre de la même année 999.

Lorsque l'empereur Henri II alla se faire couronner à Rome en 1014, saint Odilon l'accompagna. Après le couronnement de ce prince, Benoît VIII lui fit présent d'une pomme d'or ornée de deux cer cles de pierreries, et d'une croix d'or. L'empereur reçut ce présent avec plaisir, et l'envoya bientôt après à Čluni. Le saint, qui avoit une grande dévotion pour saint Benoît, profita de l'occasion de son voyage à Rome pour visiter le Mont-Cassin, où il demanda, par grâce, de baiser les pieds de toute la communauté. Il étoit de retour à Cluni quand l'empereur saint Henri y passa, et fut associé aux prières du monastère.

Malgré l'amour qu'Odilon avoit pour la solitude et la contemplation, il ne refusa pas de se prêter quelquefois aux affaires extérieures, lorsqu'elles avoient pour but l'utilité du prochain. De là ces fréquens voyages qu'il entreprit pour mettre la réforme dans plusieurs maisons de son ordre qui avoient dégénéré de la sainteté primitive de leur institut; de là ces mouvemens qu'il se donnoit pour fournir aux besoins de tous les malheureux. Sa charité pour les pauvres étoit extraordinaire. Ayant distribué des aumônes immenses durant la grande famine de 1016, ses fonds se trouvèrent épuisés; alors, pour continuer de pourvoir aux besoins des membres souffrans de J. C., il fit fondre les vases sacrés, et vendit la couronne d'or que l'empereur saint Henri avoit donnée à l'église de Cluni.

Les pillages et les massacres étoient fort communs. dans ce temps-là, chaque seigneur se croyant en droit de venger à main armée ses querelles particulières. Pour réprimer un abus si criant, on fit la trève, appelée Trève de Dieu. Il y étoit dit entr'autres choses, que les églises serviroient d'asile à toute sorte de personnes, excepté pourtant à celles qui auroient violé la trève, et que depuis le mercredi jusqu'au

jusqu'au lundi matin, on n'useroit de violence à l'égard de qui que ce fût, même sous prétexte de se faire justice d'une injure reçue. L'acceptation de cette trève souffrit de grandes difficultés dans la Neustrie : mais par les soins et les exhortations réunies de saint Odilon, et du B. Richard, abbé de Vannes, chargés tous deux de la faire recevoir ( b ), plusieurs provinces s'y soumirent à la fin.

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Casimir, fils de Miceslaw, roi de Pologne, s'é, toit retiré à Cluni, y avoit fait profession, et avoit même été ordonné diacre. La noblesse polonaise l'ayant élu pour roi, lui envoya une députation solennelle pour lui offrir la couronne. Le saint abbé ne voulut rien décider par lui-même sur ce sujet; il renvoya l'affaire au pape Benoît IX, qui accorda à Casimir une dispense de ses voeux (c).

La charité de notre saint s'étendoit jusqu'aux morts qui n'avoient point encore satisfait entièrement à la justice divine; il sollicitoit sans cesse leur délivrance par des prières ferventes, et recommandoit fortement aux autres cette pieuse pratique. II institua dans toutes les maisons de son ordre, et lon croit que ce fut en conséquence de plusieurs révélations, la Commémoration des fidèles Trépassés.On célébroit cette fête, qui passa depuis dans l'église universelle, en distribuant des aumônes, en offrant des prières et le saint sacrifice de la messe pour le soula gement des ames détenues en purgatoire. Odilon avoit encore une tendre dévotion pour la sainte Vierge, pour nos sacrés mystères, et spécialement pour celui de l'Incarnation; et lorsque l'on chantoit à l'église le verset: Vous qui, afin de délivrer l'homme, n'avez point dédaigné le sein d'une Vierge, il ressentoit les plus vives impressions de l'amour divin.

(b) Voyez Glaber, moine de Cluni, dans son Histoire dédiée à saint Odilon, l. 4, c. 5; l. 5, c. r.

(c) Casimir, qui se maria, et eut plusieurs enfans, régna jusqu'en 1058, qu'il mourut. Voyez Mabil. Annal. Bened. l. 57 n. 45. Solignac, Hist. de Pologne, t. I.

Tome I.

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