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son martyre, lorsque l'empereur Héraclius entra en Perse.

Le corps du saint, qu'on avoit jeté aux chiens avec ceux des autres Chrétiens, fut seul respecté par ces animaux voraces. Les fidèles le rachetèrent, et l'enterrèrent dans le monastère de saint Serge, qui n'étoit pas éloigné, et qui a fait donner le nom de Sergiopolis à la ville de Barsaloé. Le moine qui l'avoit suivi rapporta sa tunique en Palestine; son corps y fut aussi transféré dans la suite. Quelques années après, on le porta à Constantinople, et de là à Rome.

Le septième concile général approuva (1) l'usage de peindre la tête du saint martyr Anastase, ainsi que l'ancienne image de cette même tête, célèbre par plusieurs miracles, et que l'on gardoit à Rome avec une vénération singulière: on la voit encore aujourd'hui dans l'église du monastère de NotreDame ad Aquas Salvias, qui porte le nom de saint Vincent et de saint Anastase (2). Les autres reliques de notre saint sont dans la chapelle ad Scalas Sangtas, près de S. Jean de Latran. On trouve dans Bollandus l'histoire des miracles opérés par leur

.vertu.

S. RAIMOND DE PENNAFORT.

Tiré de la bulle de sa canonisation, donnée par Clément VIII en 1601, et de sa vie, écrite par plusieurs auteurs Espagnols, Italiens et Français. Voyez Fleury, 1. 78, n. 55, 64, et les Hommes illustres de l'ordre de Saint-Dominique, par le P. Touron, t. I, p. x.

L'AN 1275.

SAINT RAIMOND naquit en 1175, au château de Pennafort en Catalogne (a). Ses progrès dans l'étude furent si rapides, que, dès l'âge de vingt ans, il (2) Mabill. Iter Ital. p. 141.

(1) Act. 4.

(a) La maison de Pennafort descendoit de celle des comtes de Barcelone, et étoit alliée de fort près à la famille royale d'Aragon. Le château de Pennafort fut changé en un couvent de dominicains dans le quinzième siècle.

enseigna la philosophie à Barcelonne, ce qu'il fit gratuitement. La supériorité avec laquelle il exerça cet emploi, rendit bientôt son nom célèbre. Il y avoit un concours prodigieux à ses leçons; les maîtres mêmes les plus habiles ne rougissoient point d'aller le consulter.

Le saint s'appliquoit encore plus à former les cœurs que les esprits : de là ce zèle à inspirer une solide piété à tous ses disciples. Le temps qu'il pouvoit dérober aux fonctions de son état, il l'employoit à secourir les malheureux, et à terminer les différens qui s'élevoient entre ses concitoyens. Lorsqu'il eut atteint l'âge d'environ trente ans, il se retira à Bologne en Italie, pour se perfectionner dans l'é tude du droit canonique et du droit civil. Ayant reçu le degré de docteur dans cette ville, il y professa, et toujours avec le même zèle et le même désintéressement qu'il avoit montrés dans sa patrie.

L'université et le sénat de Bologne se félicitoient d'avoir un professeur d'un si rare mérite; mais ils eurent bientôt la douleur de le perdre. Bérenger, évêque de Barcelonne, le leur enleva en 1219, au retour d'un voyage qu'il avoit fait à Rome. Il luô donna un canonicat dans sa cathédrale, et l'éleva successivement aux dignités d'archidiacre, de grand vicaire et d'official. Raimond édifioit tout le clergé de Barcelonne par ses exemples et par la pratique exacte des vertus propres à son état; il se distinguoit surtout par sa ferveur, sa modestie, son zèle et sa charité pour les pauvres, qu'il avoit coutume d'appeler ses créanciers.

Notre saint ayant fait connoissance avec les Frères-prêcheurs établis à Barcelonne, en prit l'habit en 1222, huit mois après la mort de S. Dominique, fondateur de cet ordre : il avoit alors quarante-sept ans. Jamais novice ne montra plus d'humilité, d'obéissance et de ferveur. Persuadé qu'il est toujours dangereux de faire sa volonté, il voulut dépendre en tout de celle de son directeur. Il savoit que Jesus

Christ ne s'étoit soumis aux hommes que pour nous enseigner cette doctrine, et pour nous servir de modèle. La prière perfectionna l'édifice spirituel dont il avoit jeté les fondemens sur la mortification la plus absolue. Comme il vouloit se purifier de plus en plus des souillures de ses premières années, il pria ses supérieurs de lui imposer quelque rigoureuse pénitence qui pût expier la vaine satisfaction qu'il avoit prise quelquefois à enseigner. Ils lui en imposèrent une, mais bien différente de celle qu'il attendoit. Cette pénitence fut de composer un recueil de cas de conscience pour l'instruction des confesseurs, et de ceux qui étudient la morale. On appelle ce recueil, la somme de saint Raimond, et c'est le premier ouvrage qui ait été écrit en ce genre. On n'y trouve point de principes hasardés; ils sont puisés dans l'écriture sainte et dans la tradition.

Raimond ne se concentroit pas tellement dans la solitude, qu'il n'en sortît pour contribuer au salut des ames: il travailloit à la conversion des Hérétiques, des Juifs et des Maures; il instruisoit les fidèles, et réconcilioit les pécheurs. Jacques, roi d'Aragon, se mit au nombre de ses pénitens. Il étoit aussi confesseur de saint Pierre Nolasque, qu'il aida beaucoup dans l'institution de l'ordre de la Merci pour la rédemption des captifs.

Le roi d'Aragon ayant épousé, sans dispense, Eléonore de Castille sa proche parente, le pape Grégoire IX envoya un légat sur les lieux pour examiner et juger cette affaire. Le mariage fût déclaré nul par les évêques des deux royaumes assemblés en concile à Tarragone; mais il fut arrêté en même temps que D. Alphonse, né de ce mariage, seroit réputé légitime et habile à succéder à son père. Le cardinal-légat fut si enchanté des vertus et de la capacité de Raimond que le roi avoit mené avec lui au concile, qu'il le chargea de prêcher la croisade contre les Maures. Il s'en acquitta avec tant de zèle, le prudence et de charité, qu'il porta comme les

premiers coups à la puissance formidable de ces infidèles. Les Chrétiens, esclaves des Maures, étant extrêmement corrompus, il leur représenta avec autant de force que d'onction, qu'ils compteroient en vain sur la victoire, s'ils ne commençoient par détruire en eux le règne du péché, qui avoit allumé la colère de Dieu. Il prêcha la même doctrine dans les différens royaumes d'Espagne; ses discours produisirent les plus grands fruits. Il se fit par-tout un prodigieux changement dans les mœurs du peuple. La colère céleste étant désarmée, les Chrétiens eurent toujours l'avantage sur leurs ennemis. Les rois de Castille et de Léon leur enlevèrent plusieurs places importantes. Dom Jacques, roi d'Aragon les chassa des îles de Majorque et de Minorque et quelque temps après (b), de tout le royaume de Valence.

Le pape Grégoire IX ayant appelé notre saint à Rome en 1230, le fit son chapelain, c'est-à-dire, auditeur des causes du palais apostolique, puis son pénitencier et son confesseur. Plein de confiance en ses lumières, il lui demandoit toujours son avis avant de prononcer sur les affaires difficiles. Il l'appeloit le père des pauvres, à cause du zèle avec lequel il pourvoyoit à leurs besoins. La pénitence que lui imposoit Raimond, étoit de recevoir et d'écouter toutes les requêtes qu'on lui présentoit, d'y répondre sans délai. Ce pontife, très-versé dans la science du droit canonique, chargea le saint de recueillir les décrets des papes et des conciles depuis l'an 1150 où finissoit la compilation de Gratien. Raimond mit trois ans à faire cette collection, connue sous le nom de Décrétales: elle est divisée en cinq livres. Grégoire ordonna, en 1234, qu'elle fût suivie dans les écoles et dans les tribunaux (c).

(b) En 1237.

et

(c) Cette collection est la partie la plus achevée de tout le corps du droit canonique, et celle sur laquelle les commentateurs ont ordinairement travaillé. Il ne faut pourtant pas négliger,

L'année suivante, le même pape nomma Raimond à l'archevêché de Tarragone, capitale du royaume d'Aragon. L'humble religieux employa les prières et les larmes pour éloigner de lui une dignité qu'il regardoit comme un fardeau redoutable; mais on n'eut point d'égard à ses prières. Cependant la charge de l'épiscopat fit sur lui une impression si vive qu'il en tomba malade. Grégoire consentit enfin d'écouter les raisons tirées du mauvais état de sa santé ; mais ce fut à condition qu'il indiqueroit une personne capable de le remplacer. Le choix du saint tomba sur un pieux et savant chanoine de Gironne. Ce ne fut pas la seule occasion où il fit éclater son éloignement pour les dignités.

Raimond retourna, avec l'agrément du pape, dans sa patrie, pour y rétablir sa santé qui étoit toujours mauvaise. On l'y reçut avec les plus grandes démonstrations de joie. On eût dit que le salut dù royaume et de chaque particulier dépendoit de sa présence. Rendu à lui-même et à la solitude, il reprit ses premiers exercices. Il voulut faire comme un second noviciat, et pria ses supérieurs de lui enseigner de nouveau les règles de la perfection monastique. Il ajouta encore aux austérités de la règle, en ne mangeant qu'une fois le jour, excepté les dimanches. Sa ferveur étoit si grande, qu'il ne pouvoit retenir ses larmes, non-seulement quand il prioit seul, mais même pendant l'office divin. Sa douceur et son humilité avoient quelque chose d'admirable. Toujours petit à ses propres yeux, il ne se laissa point éblouir par les louanges qu'on lui comme on ne le fait que trop souvent, la lecture du décret de Gratien, où, en retranchant quelques citations apocryphes, on trouvera les plus beaux préceptes sur les différens devoirs de tous les états. Il est vrai que cette belle compilation auroit un mérite de plus, s'il y régnoit une méthode plus suivie et plus raisonnée, et si l'on remarquoit dans toutes les matières cet enchaînement et cette liaison qui partent des principes généraux; mais il ne sera pas difficile, pour peu qu'on ait de jugement, de suppléer ce défaut.

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