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Après la mort de ses parens, elle pourvut aux besoins d'une sœur infirme qui lui restoit, puis elle distribua tous ses biens aux pauvres. Rien ne pouvant plus l'attacher au monde, elle se retira dans un sépulcre, afin de s'appliquer uniquement à la contemplation des choses célestes. Son premier soin fut de faire venir un prêtre qui lui coupa les cheveux. Le dépouillement extérieur de sa tête étoit un signe de son entière renonciation au siècle, et un renouvellement du vœu de virginité qu'elle avoit fait autrefois. Depuis ce temps-là, elle se regarda comme une personne consacrée par état aux austérités de la pénitence, et aux exercices de la prière et de la méditation. Dieu seul fut pendant quelque temps le témoin de la vie toute angélique que menoit sa servante; mais il permit enfin que l'éclat de ses vertus perçât l'obscurité des ténèbres auxquelles elle s'étoit condamnée.

Il se fit bientôt à la demeure de la sainte un grand concours de femmes chrétiennes, qui venoient la’ consulter sur des matières de piété. Si elle en eût cru son humilité, elle ne se seroit point mêlée de l'instruction des autres; mais la charité l'emporta. On ne pouvoit l'écouter sans être attendri, parce que ses discours étoient dictés par le zèle le plus pur, et que les larmes abondantes qui couloient de ses yeux leur donnoientune force singulière. «O que nous >> serions heureuses, disoit-elle, si nous faisions pour >> plaire à Dieu et pour gagner le ciel, ce que font les >> mondains pour amasser des biens périssables! Sur » terre, ils s'exposent à l'avidité des voleurs; sur mer, » ils affrontent la fureur des vents et des tempêtes: » les périls, les naufrages ne les rebutent point; » ils tentent, ils hasardent tout; et nous, quand il » s'agit de servir un si grand maître qui nous promet » des biens incompréhensibles, nous nous laissons » effrayer par la plus petite contradiction. » Une autre fois elle parloit ainsi des dangers de cette vie : «Nous devons être sur nos gardes, parce que nous » avons une guerre continuelle à soutenir; sans cette

» vigilance, l'ennemi nous surprendra lorsque nous » y penserons le moins. Un vaisseau échappe quel» quefois à une violente tempête ; mais si le pilote » ne veille, même pendant le calme, une vague » soulevée par un coup de vent imprévu, suffira pour » le submerger. Pourvu que l'ennemi vienne à bout >> de détruire la maison, il se soucie peu des moyens » qu'il met en œuvre. Pendant cette vie, nous vo» guons sur une mer inconnue et semée d'écueils, où » le calme et l'orage se succèdent continuellement. » Toujours nous sommes en danger, et si nous » avons l'imprudence de nous endormir, notre perte » est assurée. Jesus-Christ lui-même veut bien être » le pilote de notre vaisseau, et il nous conduira au » port du salut, à moins que nous ne nous perdions » par notre négligence. » Elle inculquoit la vertu d'humilité en ces termes : « Un trésor est en sûreté, >> tant qu'il reste caché; mais s'il est découvert et » abandonné à tout venant, on l'enlève aussitôt : il » en est de même par rapport à la vertu ; elle est >> hors de danger tant qu'elle reste secrète. L'expose» t-on témérairement au grand jour, elle s'évapore » comme une fumée légère. Par l'humilité et le » mépris du monde, nous foulons aux pieds les » lions et les dragons; notre ame, semblable à un » aigle, prend l'essor, et s'élève au-dessus de toutes » les choses terrestres. » Elle s'exprimoit avec la même force sur les autres vertus chrétiennes.

Dieu permit que le démon, jaloux de tout bien, exerçât par les tribulations celle qui faisoit échouer toutes ses ruses. Ce cruel ennemi lui porta les coups les plus sensibles, et renouvela dans sa personne les souffrances de Job. A l'âge de quatre-vingts ans, Synclétique fut prise d'une fièvre violente et continuelle qui la minoit peu à peu. Un abcès se forma en même temps à ses poumons. Un cancer qui exhaloit une puanteur insupportable lui rongea encore les gencives et la bouche, et lui ôta l'usage de la parole. On peut imaginer quelles douleurs toutes ces diffé

rentes

rentes maladies causèrent à la sainte. Elle les souffrit avec une patience héroïque, et avec les sentimens d'une entière résignation à la volonté de Dieu. Elle alloit même jusqu'à désirer l'augmentation de sés douleurs, et jusqu'à craindre que les médecins n'en diminuassent la vivacité. Elle leur permettoit à peine de couper ou d'embaumer les parties de son corps qui étoient déjà mortes. Il ne lui fut pas possible, durant les trois derniers mois de sa vie, de goûter un seul instant les douceurs du repos. Le cancer, comme nous l'avons dit, lui avoit ôté l'usage de la parole: mais sa patience admirable instruisoit bien plus efficacement que n'auroient pu faire tous ses discours. Trois jours avant sa mort, elle prédit le moment où son ame seroit délivrée de la prison de son corps. L'heure étant venue, elle parut environnée d'une lumière éblouissante, et remit son esprit entre les mains de son Créateur. Elle étoit âgée de quatre-vingt-quatre ans. Les Grecs font sa fête le 4 Janvier. Le martyrologe romain n'en fait mémoire que le lendemain (a).

L'ancienne vie de sainte Synclétique est citée dans les vies des pères, publiées par Rosweide, 1. 6, et dans les anciennes notes sur celle de saint Jean Climaque. On ne peut douter qu'elle ne soit l'ouvrage d'un homme qui avoit connu particulièrement la sainte. L'opinion de ceux qui attribuent cette vie à saint Athanase, n'est point appuyée sur des preuves solides. M. d'Andilly en a donné une traduction dans ses Vies des saints Pères des déserts, t. III, p. 91. sans toutefois s'astreindre à une exactitude scrupuleuse. Le père Monfaucon se déclare aussi pour l'antiquité de la même vie, Catal. Biblioth. Coislianæ, p. 417.

(a) Sainte Synclétique doit avoir fleuri dans le quatrième siè• cle, puisque sa vie est citée dans le cinquième et dans le sixième; et comme on lui donne 84 ans, il suit de là qu'elle ne peut avoir été beaucoup plus jeune que S. Athanase, mort en 373. Elle fut la mère des religieuses, comine S. Antoine avoit été le père des moines. Voyez sur ce sujet l'histoire monastique du P. Helyot, et le Monasticum Anglicanum de Stephens, c. 1, p. 16. Il faut pourtant convenir que la sœur de S. Antoine, étant encore très-jeune, fonda un monastère de filles avant le règne de Constantin le Grand.

Tome I.

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L'EPIPHANIE (a).

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LE principal objet de cette fête est d'honorer la manifestation de JESUS CHRIST aux mages, qui conduits par une inspiration surnaturelle, vinrent en Judée, après sa naissance, pour l'adorer et lui offrir des présens. L'église, dans son office, célèbre encore la mémoire de deux autres manifestations du Sauveur. La première se fit à son baptême, lorsque le Saint-Esprit descendit visiblement sur lui sous la forme d'une colombe, et que l'on entendit une voix du ciel qui disoit: Celui-ci est mon fils bienaimé en qui j'ai mis mes complaisances (1). La seconde se fit aux noces de Cana (2), où J. C. opéra son premier miracle en changeant l'eau en vin: miracle par lequel il manifesta sa gloire, et en conséquence duquel ses disciples crurent en lui (b).

Toutes ces raisons assurent à cette fête des droits particuliers sur la vénération publique. Mais qui dut

(a) Epiphanie est un mot grec qui signifie apparition ou manifestation. L'usage où est l'église d'occident d'honorer par deux différentes fêtes la naissance de Jesus-Christ et sa manifestation aux mages, remonte, selon le P. Papebroch, au quatrième siècle, et a pour auteur le pape Jules I. Les Grecs ont toujours honoré ces deux mystères le même jour ( le 25 Décembre ), et ils appellent cette fête Théophanie, ou manifestation de Dieu. C'est sous cet ancien nom que l'Epiphanie est désignée par saint Isidore de Peluse, par saint Grégoire de Nazianze, par Eusèbe, etc. Voyez le Traité des Fêtes, par le P. Thomassin, l. 1, c. 4, et l. 2, c. 7, et le P. Martène, Anecd. t. V, p. 106. B. et in not. ibid. et de ant. Eccles. discipl. c. 14. Gretser, p. 4, c. de Festis, l. 1, c. 3o. Bened. XIV, de Festis Dom. c. 2, p. 17, 59.

(1) Matth. III, 17.

(2) Joan. II, 11.

(b) Bollandus, Præf. gen. c. 4, §. 3, et Ruinart, in calend. ad calcem Act. Mart., citent un fragment de Polémeus Sylvius, qui écrivoit en 448, où il est dit que ces trois manifestations de J. C. arrivèrent à pareil jour. Ceci n'a point paru certain à S. Maxime de Turin, hom. 1, de Epiph.

jamais la célébrer avec plus de ferveur que nous, puisqu'elle nous rappelle l'époque de notre vocation à la foi et à la connoissance du vrai Dieu, dans la personne des mages, les prémices des Gentils? II nous suffira, pour sentir toute l'étendue de la miséricorde divine, de considérer l'effroyable corruption où les Gentils étoient alors plongés. Dans ces temps d'ignorance (3), on rendoit les honneurs divins aux plus viles créatures, et l'on ne rougissoit pas de consacrer par la religion les crimes les plus affreux. On trouvera dans l'épître aux Romains un long détail des excès horribles auxquels se portèrent les Païens livrés à leur propre corruption. Ils étoient dit le grand apôtre, remplis de toute sorte d'injustice, de fornication, d'avarice; de malignité; ils étoient envieux, meurtriers, querelleurs, trompeurs, semeurs de faux rapports, calomniateurs, superbes, altiers, désobéissans, sans affection, sans foi, sans miséricorde, etc. (4). Tels furent nos pères; tels nous serions nous-mêmes, si Dieu, par une bonté toute gratuite, ne nous eût appelés à la vraie foi.

David, Isaïe et les autres prophètes avoient prédit clairement la vocation des Gentils plusieurs siècles avant l'événement; mais ces prédictions ne pouvoient avoir leur accomplissement qu'après la venue du Messie. Il lui étoit réservé d'être le Sauveur de tous les hommes (5), et d'assujettir à l'empire de sa grâce toutes les nations que son père lui avoit données en héritage (6). Et voilà pourquoi il se manifesta en paroissant sur la terre, et à ceux qui étoient proches, et à ceux qui étoient éloignés (7), c'est-à-dire, aux Juifs et aux Gentils; car en même temps que des anges annoncèrent sa naissance aux (3) Act. XVII, 30.

(4) Rom. I, 29, 30, 31.

(5) 1. Tim. II, 4.

(6) Ps. II, 8.

(7) Eph. II, 17. .

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