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celles de Rome jusqu'à Jésus-Christ, et celles de Jésus-Christ dans toute la suite.

Mais le vrai dessein de cet abrégé n'est pas de vous expliquer l'ordre des temps, quoiqu'il soit absolument nécessaire pour lier toutes les histoires, et en montrer le rapport. Je vous ai dit, Monseigneur, que mon principal objet est de vous faire considérer, dans l'ordre des temps, la suite du peuple de Dieu et celle des grands empires.

Ces deux choses roulent ensemble dans ce grand mouvement des siècles, où elles ont pour ainsi dire un même cours : mais il est besoin, pour les bien entendre, de les détacher quelquefois l'une de l'autre, et de considérer tout ce qui convient à chacune d'elles.

SECONDE PARTIE.

LA SUITE DE LA RELIGION.

CHAPITRE PREMIER.

La création, et les premiers temps.

La religion et la suite du peuple de Dieu, considérée de cette sorte, est le plus grand et le plus utile de tous les objets qu'on puisse proposer aux hommes. Il est beau de se remettre devant les yeux les états différens du peuple de Dieu, sous la loi de nature et sous les patriarches; sous Moïse et sous la loi écrite; sous David et sous les prophètes ; depuis le retour de la captivité jusqu'à Jésus-Christ, et enfin sous Jésus-Christ même, c'est-à-dire sous la loi de grâce et sous l'Evangile; dans les siècles qui ont attendu le Messie, et dans ceux où il a paru; dans ceux où le culte de Dieu a été réduit à un seul peuple, et dans ceux où, conformément aux anciennes prophéties, il a été répandu par toute la terre; dans ceux enfin où les hommes, encore infirmes et grossiers, ont eu besoin d'être soutenus par des récompenses et des châtimens temporels, et dans ceux où les fidèles mieux instruits ne doivent plus vivre que par la foi, attachés aux biens éternels, et souffrant, dans l'espérance de les posséder, tous les maux qui peuvent exercer leur patience.

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Assurément, Monseigneur, on ne peut rien concevoir qui soit plus digne de Dieu, que de s'être premièrement choisi un peuple qui fût un exemple palpable de son éternelle providence; un peuple dont la bonne ou la mauvaise fortune dépendît de la piété, et dont l'Etat rendît témoignage à la sagesse et à la justice de celui qui le gouvernoit. C'est par où Dieu a commencé, et c'est ce qu'il a fait voir dans le peuple juif. Mais après avoir établi par tant de preuves sensibles ce fondement immuable, que lui seul conduit à sa volonté tous les événemens de la vie présente, il étoit temps d'élever les hommes à de plus hautes pensées, et d'envoyer Jésus-Christ, à qui il étoit réservé de découvrir au nouveau peuple ramassé de tous les peuples du monde, les secrets de la vie future.

Vous pourrez suivre aisément l'histoire de ces deux peuples, et remarquer comme Jésus-Christ fait l'union de l'un et de l'autre, puisque, ou attendu, ou donné, il a été dans tous les temps la consolation et l'espérance des enfans de Dieu.

Voilà donc la religion toujours uniforme, ou plutôt toujours la même dès l'origine du monde : on y a toujours reconnu le même Dieu, comme auteur, et le même Christ, comme sauveur du genre humain. Ainsi vous verrez qu'il n'y a rien de plus ancien parmi les hommes que la religion que vous profeset que ce n'est pas sans raison que vos ancêtres ont mis leur plus grande gloire à en être les pro

sez,

tecteurs.

Quel témoignage n'est-ce pas de sa vérité, de voir que dans les temps où les histoires profanes

n'ont à nous conter que des fables, ou tout au plus des faits confus et à demi oubliés, l'Ecriture, c'està-dire, sans contestation, le plus ancien livre qui soit au monde, nous ramène par tant d'événemens précis, et par la suite même des choses, à leur véritable principe, c'est-à-dire à Dieu, qui a tout fait; et nous marque si distinctement la création de l'univers, celle de l'homme en particulier, le bonheur de son premier état, les causes de ses misères et de ses foiblesses, la corruption du monde et le déluge, l'origine des arts et celle des nations, la distribution des terres, enfin la propagation du genre humain, et d'autres faits de même importance dont les histoires humaines ne parlent qu'en confusion, et nous obligent à chercher ailleurs les sources certaines?

Que si l'antiquité de la religion lui donne tant d'autorité, sa suite continuée sans interruption et sans altération durant tant de siècles, et malgré tant d'obstacles survenus, fait voir manifestement que la main de Dieu la soutient.

Qu'y a-t-il de plus merveilleux que de la voir toujours subsister sur les mêmes fondemens dès les commencemens du monde, sans que ni l'idolâtrie et l'impiété qui l'environnoient de toutes parts, ni les tyrans qui l'ont persécutée, ni les hérétiques et les infidèles qui ont tâché de la corrompre, ni les lâches qui l'ont trahie, ni ses sectateurs indignes qui l'ont déshonorée par leurs crimes, ni enfin la longueur du temps, qui seule suffit pour abattre toutes les choses humaines, aient jamais été capables, je ne dis pas de l'éteindre, mais de l'altérer?

Si maintenant nous venons à considérer quelle idée cette religion, dont nous révérons l'antiquité, nous donne de son objet, c'est-à-dire du premier être, nous avouerons qu'elle est au-dessus de toutes les pensées humaines, et digne d'être regardée comme venue de Dieu même.

Le Dieu qu'ont toujours servi les Hébreux et les Chrétiens n'a rien de commun avec les divinités pleines d'imperfection, et même de vice, que le reste du monde adoroit. Notre Dieu est un, infini, parfait, seul digne de venger les crimes et de couronner la vertu, parce qu'il est seul la sainteté même.

Il est infiniment au-dessus de cette cause première, et de ce premier moteur que les philosophes ont connu, sans toutefois l'adorer. Ceux d'entre eux qui ont été le plus loin, nous ont proposé un Dieu, qui, trouvant une matière éternelle et existante par elle-même aussi bien que lui, l'a mise en œuvre, et l'a façonnée comme un artisan vulgaire, contraint dans son ouvrage par cette matière et par ses dispositions qu'il n'a pas faites; sans jamais pouvoir comprendre que si la matière est d'elle-même, elle n'a pas dû attendre sa perfection d'une main étrangère, et que si Dieu est infini et parfait, il n'a eu besoin, pour faire tout ce qu'il vouloit, que de lui-même et de sa volonté toutepuissante. Mais le Dieu de nos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu dont Moïse nous a écrit les merveilles, n'a pas seulement arrangé le monde; il l'a fait tout entier dans sa matière et dans sa forme. Avant qu'il eût donné l'être, rien ne l'avoit que lui seul. Il nous est représenté comme celui qui fait

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