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marquant simplement la suite du peuple de Dieu, vous verrez le sens de l'oracle se développer de lui-même, et que les seuls événemens en seront les interprètes.

CHAPITRE III.

Moïse, la loi écrite, et l'introduction du peuple dans la Terre-promise.

APRÈS la mort de Jacob, le peuple de Dieu demeura en Egypte, jusqu'au temps de la mission de Moïse, c'est-à-dire environ deux cents ans.

Ainsi il se passa quatre cent trente ans avant que Dieu donnât à son peuple la terre qu'il lui avoit promise.

Il vouloit accoutumer ses élus à se fier à sa promesse, assurés qu'elle s'accomplit tôt ou tard, et toujours dans les temps marqués par son éternelle providence.

Les iniquités des Amorrhéens, dont il leur vouloit donner et la terre et les dépouilles, n'étoient pas encore, comme il le déclare à Abraham (1), au comble où il les attendoit pour les livrer à la dure et impitoyable vengeance qu'il vouloit exercer sur eux par les mains de son peuple élu.

Il falloit donner à ce peuple le temps de se multiplier, afin qu'il fût en état de remplir la terre qui lui étoit destinée (2), et de l'occuper par force, en exterminant ses habitans maudits de Dieu.

Il vouloit qu'ils éprouvassent en Egypte une dure et insupportable captivité, afin qu'étant délivrés par des prodiges inouis, ils aimassent leur libé(1) Gen. xv. 16. - (2) Ibid.

rateur, et célébrassent éternellement ses miséricordes.

Voilà l'ordre des conseils de Dieu, tels que luimême nous les a révélés, pour nous apprendre à le craindre, à l'adorer, à l'aimer, à l'attendre avec foi et patience.

Le temps étant arrivé, il écoute les cris de son peuple cruellement affligé par les Egyptiens, et il envoye Moïse pour délivrer ses enfans de leur tyrannie.

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Il se fait connoître à ce grand homme plus qu'il n'avoit jamais fait à aucun homme vivant. Il lui roît d'une manière également magnifique et consolante (1): il lui déclare qu'il est celui qui est. Tout ce qui est devant lui n'est qu'une ombre. Je suis dit-il, celui qui suis (2) : l'être et la perfection m'appartiennent à moi seul. Il prend un nouveau nom, qui désigne l'être et la vie en lui comme dans leur source; et c'est ce grand nom de Dieu, terrible, mystérieux, incommunicable, sous lequel il veut dorénavant être servi.

Je ne vous raconterai pas en particulier les plaies de l'Egypte, ni l'endurcissement de Pharaon, ni le passage de la mer Rouge, ni la fumée, les éclairs, la trompette résonnante, le bruit effroyable qui parut au peuple sur le mont Sinaï. Dieu y gravoit de sa main, sur deux tables de pierre, les préceptes fondamentaux de la religion et de la société : il dictoit le reste à Moïse à haute voix. Pour maintenir cette loi dans sa vigueur, il eut ordre de former une assemblée vénérable de septante con(2) Ibid. 14.

(1) Exod. III.

seillers (1), qui pouvoit être appelée le sénat du peuple de Dieu, et le conseil perpétuel de la nation. Dieu parut publiquement, et fit publier sa loi en sa présence avec une démonstration étonnante de sa majesté et de sa puissance.

Jusque-là Dieu n'avoit rien donné par écrit qui pût servir de règle aux hommes. Les enfans d'Abraham avoient seulement la circoncision, et les cérémonies qui l'accompagnoient, pour marque de l'alliance que Dieu avoit contractée avec cette race élue. Ils étoient séparés, par cette marque, des peuples qui adoroient les fausses divinités : au reste, ils se conservoient dans l'alliance de Dieu par le souvenir qu'ils avoient des promesses faites à leurs pères, et ils étoient connus comme un peuple qui servoit le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Dieu étoit si fort oublié, qu'il falloit le discerner par le nom de ceux qui avoient été ses adorateurs, et dont il étoit aussi le protecteur déclaré.

Il ne voulut point abandonner plus long-temps à la seule mémoire des hommes le mystère de la religion et de son alliance. Il étoit temps de donner de plus fortes barrières à l'idolâtrie, qui inondoit tout le genre humain, et achevoit d'y éteindre les restes de la lumière naturelle.

L'ignorance et l'aveuglement s'étoient prodigieusement accrus depuis le temps d'Abraham. De son temps, et un peu après, la connoissance de Dieu paroissoit encore dans la Palestine et dans l'Egypte. Melchisedech roi de Salem étoit le pontife du Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre (2). Abimé(1) Exod. XXIV, et Num. XI. - (2) Gen. XIV. 18, 19.

lech

lech roi de Gérare, et son successeur de même nom, craignoient Dieu, juroient en son nom, et admiroient sa puissance (1). Les menaces de ce grand Dieu étoient redoutées par Pharaon roi d'Egypte (2): mais dans le temps de Moise, ces nations s'étoient perverties. Le vrai Dieu n'étoit plus connu en Egypte comme le Dieu de tous les peuples de l'univers, mais comme le Dieu des Hébreux (3). On adoroit jusqu'aux bêtes et jusqu'aux reptiles (4). Tout étoit Dieu, excepté Dieu même; et le monde, que Dieu avoit fait pour manifester sa puissance, sembloit être devenu un temple d'idoles. Le genre humain s'égara jusqu'à adorer ses vices et ses passions; et il ne faut pas s'en étonner. Il n'y avoit point de puissance plus inévitable.ni plus tyrannique que la leur. L'homme accoutumé à croire divin tout ce qui étoit puissant, comme il se sentoit entraîné au vice par une force invincible, crut aisément que cette force étoit hors de lui, et s'en fit bientôt un Dieu. C'est par-là que l'amour impudique eut tant d'autels, et que des impuretés qui font horreur commencèrent à être mêlées dans les sacrifices (5).

La cruauté y entra en même temps. L'homme coupable, qui étoit troublé par le sentiment de son crime, et regardoit la divinité comme ennemie, crut ne pouvoir l'appaiser par les victimes ordinaires. Il fallut verser le sang humain avec celui des bêtes une aveugle frayeur poussoit les pères à immoler leurs enfans, et à les brûler à leurs dieux au

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(1) Gen. XXI. 22, 23. XXVI. 28, 29. (2) Gen. XII. 17, 18. (3) Exod. v. 1, 3. IX. 1, etc.

XX. 2, 3.

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BOSSUET. XXXV.

(4) Exod. viii. 26.

13

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(5) Levit.

lieu d'encens. Ces sacrifices étoient communs dès le temps de Moïse, et ne faisoient qu'une partie de ces horribles iniquités des Amorrhéens, dont Dieu commit la vengeance aux Israélites.

Mais ils n'étoient pas particuliers à ces peuples. On sait que dans tous les peuples du monde, sans en excepter aucun, les hommes ont sacrifié leurs semblables (1); et il n'y a point eu d'endroit sur la terre où on n'ait servi de ces tristes et affreuses divinités, dont la haine implacable pour le genre humain exigeoit de telles victimes.

Au milieu de tant d'ignorances, l'homme vint à adorer jusqu'à l'œuvre de ses mains. Il crut pouvoir renfermer l'esprit divin dans des statues ; et il oublia si profondément que Dieu l'avoit fait, qu'il crut à son tour pouvoir faire un Dieu. Qui le pourroit croire, si l'expérience ne nous faisoit voir qu'une erreur si stupide et si brutale n'étoit pas seulement la plus universelle, mais encore la plus enracinée et la plus incorrigible parmi les hommes? Ainsi il faut reconnoître, à la confusion du genre humain, que la première des vérités, celle que le monde prêche, celle dont l'impression est la plus puissante, étoit la plus éloignée de la vue des hommes. La tradition qui la conservoit dans leurs esprits, quoique claire encore, et assez présente, si on y eût été attentif, étoit prête à s'évanouir : des fables prodigieuses, et aussi pleines d'impiété que d'extravagance, pre

(1) Herod. lib. 11, c. 107. Cæs. de Bell. Gall. lib. v1, cap. 15. Diod. lib. 1, sect. 1, n. 32. lib. v, n. 20. Plin. Hist. natur. lib. xxx, cap. 1. Athen. lib. xIII. Porph. de Abstin. lib. 11, §. 8. Jorn. de reb. Get. c. 49, etc.

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