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règne de Josias (1), et peut-être étoit-ce l'original même que Moïse avoit fait mettre auprès de l'Arche, excita la piété de ce saint roi, et lui fut une occasion de porter ce peuple à la pénitence. Les grands effets qu'a opérés dans tous les temps la lecture publique de cette loi sont innombrables. En un mot, c'étoit un livre parfait, qui, étant joint par Moïse à l'histoire du peuple de Dieu, lui apprenoit tout ensemble son origine, sa religion, sa police, ses mœurs, sa philosophie, tout ce qui sert à régler la vie, tout ce qui unit et forme la société, les bons et les mauvais exemples, la récompense des uns, et les châtimens rigoureux qui avoient suivi les autres.

Par cette admirable discipline, un peuple sorti d'esclavage, et tenu quarante ans dans un désert, arrive tout formé à la terre qu'il doit occuper. Moïse le mène à la porte, et averti de sa fin prochaine, il commet ce qui reste à faire à Josué (2). Mais avant que de mourir, il composa ce long et admirable cantique, qui commence par ces paroles (3): « O cieux, écoutez ma voix ; que la terre » prête l'oreille aux paroles de ma bouche ». Dans ce silence de toute la nature, il parle d'abord au peuple avec une force inimitable, et prévoyant ses infidélités, il lui en découvre l'horreur. Tout d'un coup, il sort de lui-même, comme trouvant tout discours humain au-dessous d'un sujet si grand : il rapporte ce que Dieu dit, et le fait parler avec tant de hauteur et tant de bonté, qu'on ne sait

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(1) IV. Reg. xx11. 8, etc. II. Par. xxxiv. 14, etc. — (2) Deut. XXXI. (3) Deut. XXXII.

ce qu'il inspire le plus, ou la crainte et la confusion, ou l'amour et la confiance.

Tout le peuple apprit par cœur ce divin cantique, par ordre de Dieu et de Moïse (1). Ce grand homme après cela mourut content, comme un homme qui n'avoit rien oublié pour conserver parmi les siens la mémoire des bienfaits et des préceptes de Dieu. Il laissa ses enfans au milieu de leurs citoyens, sans aucune distinction, et sans aucun établissement extraordinaire. Il a été admiré non - seulement de son peuple, mais encore de tous les peuples du monde; et aucun législateur n'a jamais eu un si grand nom parmi les hommes.

Tous les prophètes qui ont suivi dans l'ancienne loi, et tout ce qu'il y a eu d'écrivains sacrés, ont tenu à gloire d'être ses disciples. En effet, il parle en maître : on remarque dans ses écrits un caractère tout particulier, et je ne sais quoi d'original qu'on ne trouve en nul autre écrit : il a dans sa simplicité un sublime si majestueux, que rien ne le peut égaler; et si en entendant les autres prophètes on croit entendre des hommes inspirés de Dieu, c'est pour ainsi dire Dieu même en personne qu'on croit entendre dans la voix et dans les écrits de Moïse.

On tient qu'il a écrit le livre de Job. La sublimité des pensées, et la majesté du style rendent cette histoire digne de Moïse. De peur que les Hébreux ne s'enorgueillissent, en s'attribuant à eux seuls la grâce de Dieu, il étoit bon de leur faire entendre qu'il avoit eu ses élus, même dans la race d'Esau. Quelle doctrine étoit plus importante? et quel entretien plus utile pouvoit donner Moïse au peuple

(1) Deui. XXXI. 19, 22.

affligé dans le désert, que celui de la patience de Job, qui, livré entre les mains de Satan pour être exercé par toute sorte de peines, se voit privé de ses biens, de ses enfans, et de toute consolation sur la terre; incontinent après frappé d'une horrible maladie, et agité au dedans par la tentation du blasphême et du désespoir; qui néanmoins, en demeurant ferme, fait voir qu'une ame fidèle soutenue du secours divin, au milieu des épreuves les plus effroyables, et malgré les plus noires pensées que l'esprit malin puisse suggérer, sait non- seulement conserver une confiance invincible, mais encore s'élever par ses propres maux à la plus haute contemplation, et reconnoître, dans les peines qu'elle endure, avec le néant de l'homme, le suprême empire de Dieu, et sa sagesse infinie? Voilà ce qu'enseigne le livre de Job (1). Pour garder le caractère du temps, on voit la foi du saint homme couronnée par des prospérités temporelles : mais cependant le peuple de Dieu apprend à connoître quelle est la vertu des souffrances, et à goûter la grâce qui devoit un jour être attachée à la croix.

Moïse l'avoit goûtée lorsqu'il préféra les souffrances et l'ignominie qu'il falloit subir avec son peuple, aux délices et à l'abondance de la maison du roi d'Egypte (2). Dès lors Dieu lui fit goûter les opprobres de Jésus-Christ (3). Il les goûta encore davantage dans sa fuite précipitée, et dans son exil de quarante ans. Mais il avala jusqu'au fond le calice de Jésus-Christ, lorsque, choisi pour sauver ce

(1) Job. XXIII, 15. XIV. 14, 15. XVI. 21. XIX. 25, etc. (2) Exod. II. 10, 11, 15. — (3) Hebr. x1. 24, 25, 26.

peuple, il lui en fallut supporter les révoltes continuelles, où sa vie étoit en péril (1). Il apprit ce qu'il en coûte à sauver les enfans de Dieu, et fit voir de loin ce qu'une plus haute délivrance devoit un jour coûter au Sauveur du monde.

Ce grand homme n'eut pas même la consolation d'entrer dans la Terre-promise il la vit seulement du haut d'une montagne, et n'eut point de honte d'écrire qu'il en étoit exclus par une incrédulité (2), qui, toute légère qu'elle paroissoit, mérita d'être châtiée si sévèrement dans un homme dont la grâce étoit si éminente. Moïse servit d'exemple à la sévère jalousie de Dieu, et au jugement qu'il exerce avec une si terrible exactitude sur ceux que ses dons obligent à une fidélité plus parfaite.

Mais un plus haut mystère nous est montré dans l'exclusion de Moïse. Ce sage législateur, qui ne fait par tant de merveilles que de conduire les enfans de Dieu dans le voisinage de leur terre, nous sert luimême de preuve, que sa loi ne mène rien à la perfection (3); et que sans nous pouvoir donner l'accomplissement des promesses, elle nous les fait saluer de loin (4), ou nous conduit tout au plus comme à la porte de notre héritage. C'est un Josué, c'est un Jésus, car c'étoit le vrai nom de Josué, qui par ce nom et par son office représentoit le Sauveur du monde; c'est cet homme si fort au-dessous de Moïse en toutes choses, et supérieur seulement par le nom qu'il porte; c'est lui, dis-je, qui doit introduire le peuple de Dieu dans la Terre-sainte.

(1) Num. XIV. 10. — (2) Num. xx. 12. (3) Hebr. vii. 19.

(4) Ibid. XI. 13.

-

Par

Par les victoires de ce grand homme, devant qui le Jourdain retourne en arrière, les murailles de Jéricho tombent d'elles-mêmes, et le soleil s'arrête au milieu du ciel; Dieu établit ses enfans dans la terre de Chanaan, dont il chasse par même moyen des peuples abominables. Par la haine qu'il donnoit pour eux à ses fidèles, il leur inspiroit un extrême éloignement de leur impiété; et le châtiment qu'il en fit par leur ministère, les remplit eux-mêmes de crainte pour la justice divine dont ils exécutoient les décrets. Une partie de ces peuples, que Josué chassa de leur terre, s'établirent en Afrique, où l'on trouva long-temps après, dans une inscription ancienne (1), le monument de leur fuite et des victoires de Josué. Après que ces victoires miraculeuses eurent mis les Israélites en possession de la plus grande partie de la terre promise à leurs pères, Josué, et Eleazar souverain pontife, avec les chefs des douze. tribus, leur en firent le partage, selon la loi de Moïse (2), et assignèrent à la tribu de Juda le premier et le plus grand lot (3). Dès le temps de Moïse, elle s'étoit élevée au-dessus des autres en nombre, en courage, et en dignité (4). Josué mourut, et le peuple continua la conquête de la Terre - sainte. Dieu voulut que la tribu de Juda marchât à la tête, et déclara qu'il avoit livré le pays entre ses mains (5). En effet, elle défit les Chananéens, et prit Jérusalem (6), qui devoit être la cité sainte, et la capitale du peuple de Dieu. C'étoit l'ancienne Salem, où

(1) Procop. de Bell. Vand. lib. 11. — - (2) Jos. XIII, XIV et seq. Num. xxvi. 53. xxxiv. 17. — (3) Jos. XIV, XV. — (4) Num. 11. 3, 9. VII. 12. x. 14. I. Paral. v. 2. — – (5) Judic. 1. 1, 2. — (6) Ibid. 4, 8.

BOSSUET. xxxv.

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