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et celle de son empire (1). Babylone n'étoit presque rien, quand ce prophète a vu sa puissance, et ún peu après, sa ruine. Ainsi les révolutions des villes et des empires qui tourmentoient le peuple de Dieu, ou profitoient de sa perte, étoient écrites dans ses prophéties. Ces oracles étoient suivis d'une prompte exécution et les Juifs, si rudement châtiés, virent tomber avant eux, ou avec eux, ou un peu après, selon les prédictions de leurs prophètes, non-seulement Samarie, Idumée, Gaza, Ascalon, Damas, les villes des Ammonites et des Moabites leurs perpétuels ennemis, mais encore les capitales des grands empires, mais Tyr la maîtresse de la mer, mais Tanis, mais Memphis, mais Thèbes à cent portes avec toutes les richesses de son Sésostris, mais Ninive même le siége des rois d'Assyrie ses persécuteurs, mais la superbe Babylone victorieuse de toutes les autres, et riche de leurs dépouilles.

Il est vrai que Jérusalem périt en même temps pour ses péchés : mais Dieu ne la laissa pas sans espérance. Isaïe, qui avoit prédit sa perte, avoit vu son glorieux rétablissement, et lui avoit même nommé Cyrus son libérateur, deux cents ans avant qu'il fût né (2). Jérémie, dont les prédictions avoient été si précises, pour marquer à ce peuple ingrat sa perte certaine, lui avoit promis son retour après soixante et dix ans de captivité (3). Durant ces années, ce peuple abattu étoit respecté dans ses prophètes : ces captifs prononçoient aux rois et aux peuples (2) Is. XLIV, XLV.

(1) Is. XIII, XIV, XXI, XLV, XLVI, XLVII, XLVIII.- (3) Jer. xxv. 11, 12. XXIX. 10.

leurs terribles destinées. Nabuchodonosor, qui vouloit se faire adorer, adore lui - même Daniel (1), étonné des secrets divins qu'il lui découvroit : il apprend de lui sa sentence bientôt suivie de l'exécution (2). Ce prince victorieux triomphoit dans Babylone, dont il fit la plus grande ville, la plus forte, et la plus belle que le soleil eût jamais vue (3). C'étoit là que Dieu l'attendoit pour foudroyer son orgueil. Heureux et invulnérable, pour ainsi parler, à la tête de ses armées, et durant tout le cours de ses conquêtes (4), il devoit périr dans sa maison, selon l'oracle d'Ezéchiel (5). Lorsqu'admirant sa grandeur, et la beauté de Babylone, il s'élève au-dessus de l'humanité, Dieu le frappe, lui ôte l'esprit, et le range parmi les bêtes. Il revient au temps marqué par Daniel (6), et reconnoît le Dieu du ciel qui lui avoit fait sentir sa puissance : mais ses successeurs ne profitent pas de son exemple. Les affaires de Babylone se brouillent, et le temps marqué par les prophéties pour le rétablissement de Juda arrive parmi tous ces troubles. Cyrus paroît à la tête des Mèdes et des Perses (: tout cède à ce redoutable conquérant. Il s'avance lentement vers les Chaldéens, et sa marche est souvent interrompue. Les nouvelles de sa venue viennent de loin à loin, comme avoit prédit Jérémie (8): enfin il se détermine. Babylone souvent menacée par les prophètes, et toujours superbe et impénitente, voit arriver son vainqueur

(1) Dan. 11. 46. (4) Jerem. XXVII. —

(2) Dan. IV. 1 et seq. ·
(5) Ezechiel. xxi. 30.

(3) Ibid. 26 et seq. (6) Dan. IV. 31.

(7) Herod. lib. 1, c. 177. Xenoph. Cyropæd. lib. 11, 111, etc.— (®) Jer.

LI. 46.

qu'elle méprise. Ses richesses, ses hautes murailles, son peuple innombrable, sa prodigieuse enceinte, qui enfermoit tout un grand pays, comme l'attestent tous les anciens (1), et ses provisions infinies lui enflent le cœur. Assiégée durant un long temps sans sentir aucune incommodité, elle se rit de ses ennemis, et des fossés que Cyrus creusoit autour d'elle: on n'y parle que de festins et de réjouissances. Son roi Baltasar petit-fils de Nabuchodonosor, aussi superbe que lui, mais moins habile, fait une fête solennelle à tous les seigneurs (2). Cette fête est célébrée avec des excès inouis. Baltasar fait apporter les vaisseaux sacrés enlevés du temple de Jérusalem, et mêle la profanation avec le luxe. La colère de Dieu se déclare : une main céleste écrit des paroles terribles sur la muraille de la salle où se faisoit le festin: Daniel en interprète le sens, et ce prophète, qui avoit prédit la chute funeste de l'aïeul, fait voir encore au petit-fils la foudre qui va partir pour l'accabler. En exécution du décret de Dieu, Cyrus se fait tout-à-coup une ouverture dans Babylone. L'Euphrate, détourné dans les fossés qu'il lui préparoit depuis si long-temps, lui découvre son lit immense : il entre par ce passage imprévu. Ainsi fut livrée en proie aux Mèdes et aux Perses, et à Cyrus, comme avoient dit les prophètes, cette superbe Babylone (3). Ainsi périt avec elle le royaume des Chaldéens, qui avoit détruit tant d'autres royaumes (4); et le marteau qui avoit brisé tout l'univers, fut brisé

(1) Herod. lib. 1, c. 178, etc. Xenoph. Cyropæd. lib. v11. Arist. Polit. lib. 111, cap. 3.. -- (2) Dan.v.- (3) Is. XIII. 17. XXI. 2. XLV, XLVI, XLVII. Jer. г. ĻI. 11, 28. — (4) Įs. xiv. 16, 17.

lui-même. Jérémie l'avoit prédit (1). Le Seigneur rompit la verge dont il avoit frappé tant de nations. Isaïe l'avoit prévu (2). Les peuples, accoutumés au joug des rois Chaldéens, les voient euxmêmes sous le joug: Vous voilà, dirent-ils (3), blessés comme nous; vous êtes devenus semblables à nous, vous qui disiez dans votre cœur : J'éleverai mon trône au-dessus des astres, et je serai semblable au Très-haut. C'est ce qu'avoit prononcé le même Isaïe. Elle tombe, elle tombe, comme l'avoit dit ce prophète (4), cette grande Babylone, et ses idoles sont brisées. Bel est renversé, et Nabo son grand Dieu, d'où les rois prenoient leur nom, tombe par terre (5) : car les Perses leurs ennemis, adorateurs du soleil, ne souffroient point les idoles ni les rois qu'on avoit fait dieux. Mais comment périt cette Babylone? comme les prophètes l'avoient déclaré. Ses eaux furent desséchées, comme avoit prédit Jérémie (6), pour donner passage à son vainqueur : enivrée, endormie, trahie par sa propre joie, selon le même prophète, elle se trouva au pouvoir de ses ennemis, et prise comme dans un filet sans le savoir (7). On passe tous ses habitans au fil de l'épée : car les Mèdes ses vainqueurs, comme avoit dit Isaïe (8), ne cherchoient ni l'or ni l'argent, mais la vengeance, mais à assouvir leur haine par la perte d'un peuple cruel, que son orgueil faisoit l'ennemi de tous les peuples du monde. Les courriers venoient l'un sur l'autre annoncer au Roi que l'ennemi entroit dans la ville :

(1) Jer. L. 23. (2) Is. XIV. 5, 6.

(3) Ibid. 10.

(4) Id. xxi. 9.

(5) Id. XLVI. 1. — (6) Jer. L. 38. LI. 36. — (7) Id. L. 24. LI. 39, 57.

- (8) Is. xui. 15, 16, 17, 18. Jer. L. 35, 36, 37, 42.

Jérémie l'avoit ainsi marqué (1). Ses astrologues, en qui elle croyoit, et qui lui promettoient un empire éternel, ne purent la sauver de son vainqueur. C'est Isaïe et Jérémie qui l'annoncent d'un commun accord (2). Dans cet effroyable carnage, les Juifs avertis de loin échappèrent seuls au glaive du victorieux (3). Cyrus, devenu par cette conquête le maître de tout l'Orient, reconnoît dans ce peuple, tant de fois vaincu, je ne sais quoi de divin. Ravi des oracles qui avoient prédit ses victoires, il avoue qu'il doit son empire au Dieu du ciel que les Juifs servoient, et signale la première année de son règne par le rétablissement de son temple et de son peuple (4).

CHAPITRE VII.

Diversité des jugemens de Dieu. Jugement de rigueur sur Babylone: jugement de miséricorde sur Jérusalem.

Qui n'admireroit ici la Providence divine, si évidemment déclarée sur les Juifs et sur les Chaldéens, sur Jérusalem et sur Babylone? Dieu les veut punir toutes deux; et afin qu'on n'ignore pas que c'est lui seul qui le fait, il se plaît à le déclarer par cent prophéties. Jérusalem et Babylone, toutes deux menacées dans le même temps et par les mêmes prophètes, tombent l'une après l'autre dans le temps marqué. Mais Dieu découvre ici le grand secret des deux châtimens dont il se sert un châtiment de rigueur sur les Chaldéens; un châtiment paternel

(1) Jer. LI. 31. (2) IS. XLVII. 12, 13, 14, 15. Jer. L. 36. (3) Is. XLVIII. 20. Jer. L. 8, 28. LI. 6, 10, 50, etc. (4) II. Par. xXXVI. 23,

I. Esd. 1. 2.

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