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leur loi, et y jouir des mêmes droits que les autres citoyens, comme ils faisoient dans Alexandrie et dans Antioche. Cependant leur loi est tournée en grec par les soins de Ptolomée Philadelphe, roi d'Egypte (1). La religion judaïque est connue parmi les Gentils; le temple de Jérusalem est enrichi par les dons des rois et des peuples; les Juifs vivent en paix et en liberté sous la puissance des rois de Syrie, et ils n'avoient guère goûté une telle tranquillité sous leurs propres rois.

CHAPITRE XIV.

Interruption et rétablissement de la paix : division dans ce peuple saint: persécution d'Antiochus : tout cela prédit.

ELLE sembloit devoir être éternelle, s'ils ne l'eussent eux-mêmes troublée par leurs dissensions. Il y avoit trois cents ans qu'ils jouissoient de ce repos tant prédit par leurs prophètes, quand l'ambition et les jalousies qui se mirent parmi eux les pensèrent perdre. Quelques-uns des plus puissans trahirent leur peuple pour flatter les rois ; ils voulurent se rendre illustres à la manière des Grecs, et préférèrent cette vaine pompe à la gloire solide que leur acquéroit parmi leurs citoyens l'observance des lois de leurs ancêtres. Ils célébrèrent des jeux comme les Gentils (2). Cette nouveauté éblouit les yeux du peuple, et l'idolâtrie revêtue de cette magnificence parut belle à beaucoup de Juifs. A

(1) Joseph. Præf. Ant. et lib. xII, c. 2: et lib. 11 cont. Apion. ) I. Mach. 1. 12, 13, etc. II. Mach. 11, v. 1, etc. 14, 15, 16,

etc.

ces changemens se mêlèrent les disputes pour le souverain sacerdoce, qui étoit la dignité principale de la nation. Les ambitieux s'attachoient aux rois de Syrie pour y parvenir, et cette dignité sacrée fut le prix de la flatterie de ces courtisans. Les jalousies et les divisions des particuliers ne tardèrent pas à causer, selon la coutume, de grands malheurs à tout le peuple et à la ville sainte. Alors arriva ce que nous avons remarqué qu'avoit prédit Zacharie (1): Judas même combattit contre Jérusalem, et cette ville fut trahie par ses citoyens. Antiochus l'Illustre, roi de Syrie, conçut le dessein de perdre ce peuple divisé, pour profiter de ses richesses. Ce prince parut alors avec tous les caractères que Daniel avoit marqués (2) : ambitieux, avare, artificieux, cruel, insolent, impie, insensé; enflé de ses victoires, et puis, irrité de ses pertes (3). Il entre dans Jérusalem en état de tout entreprendre les factions des Juifs, et non pas ses propres forces, l'enhardissoient; et Daniel l'avoit ainsi prévu (4). Il exerce des cruautés inouies: son orgueil l'emporte aux derniers excès, et il vomit des blasphemes contre le Très-haut, comme l'avoit prédit le même prophète (5). En exécution de ces prophéties, et à cause des péchés du peuple, la force lui est donnée contre le sacrifice perpétuel (6). Il profane le temple de Dieu, que les rois ses ancêtres avoient révéré : il le pille, et répare, par les richesses qu'il y trouve,

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(1) Zach. XIV. 14. Voy. ci-dessus, ch. x. (2) Dan. VII. 24, 25. VIII. 9, 10, 11, 12, 23, 24, 25. - (3) Polyb. lib. xxv1 et xxx1 in excerp. et apud Ath. lib. x. — . (4) Dan. v111. 24. (5) Dan. vii. 8, 11, 25. VIII. 25. (6) Dan. viu. 11, 12, 13, 14.

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les ruines de son trésor épuisé. Sous prétexte de rendre conformes les mœurs de ses sujets, et en effet, pour assouvir son avarice en pillant toute la Judée, il ordonne aux Juifs d'adorer les mêmes dieux que les Grecs surtout il veut qu'on adore Jupiter Olympien, dont il place l'idole dans le temple même (1); et plus impie que Nabuchodonosor, il entreprend de détruire les fêtes, la loi de Moïse, les sacrifices, la religion, et tout le peuple. Mais les succès de ce prince avoient leurs bornes marquées par les prophéties. Mathatias s'oppose à ses violences, et réunit les gens de bien. Judas Machabée son fils, avec une poignée de gens, fait des exploits inouis, et purifie le temple de Dieu trois ans et demi après sa profanation, comme avoit prédit Daniel (2). Il poursuit les Iduméens et tous les autres Gentils qui se joignoient à Antiochus (3); et leur ayant pris leurs meilleures places, il revient victorieux et humble, tel que l'avoit vu Isaïe (4), chantant les louanges de Dieu qui avoit livré en ses mains les ennemis de son peuple, et encore tout rouge de leur sang. Il continue ses victoires, malgré les armées prodigieuses des capitaines d'Antiochus. Daniel n'avoit donné que six ans (5) à ce prince impie pour tourmenter le peuple de Dieu; et voilà qu'au terme préfix il apprend à Ecbatane les faits héroïques de Judas (6). Il tombe dans une profonde mélancolie, et meurt, comme avoit prédit le saint

(1) I. Mach. 1. 43, 46, 57. II. Mach. VI. 1, 2. (2) Dan. vII. 25. XII. 7, 11. Jos. Ant. lib. x11, c. 11, al. 5. (3) Jos. de Bello Jud. Prol. et lib. 1, cap. 1. — (4) IS. LXIII. I. Mach. iv. 15. v. 3, 26, 28, 36, 54. (5) Dan. VIII. 14. · (6) I. Mach. vi. II. Mach. ix.

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prophète, misérable, mais non de main d'homme (1), après avoir reconnu, mais trop tard, la puissance du Dieu d'Israël.

Je n'ai plus besoin de vous raconter de quelle sorte ses successeurs poursuivirent la guerre contre la Judée, ni la mort de Judas, son libérateur, ni les victoires de ses deux frères Jonathas et Simon, successivement souverains pontifes, dont la valeur rétablit la gloire ancienne du peuple de Dieu. Ces trois grands hommes virent les rois de Syrie et tous les peuples voisins conjurés contre eux; et ce qui étoit de plus déplorable, ils virent à diverses fois ceux de Juda même armés contre leur patrie et contre Jérusalem: chose inouie jusqu'alors, mais comme on a dit, expressément marquée par les prophètes (2). Au milieu de tant de maux, la confiance qu'ils eurent en Dieu les rendit intrépides et invincibles. Le peuple fut toujours heureux sous leur conduite; et enfin du temps de Simon, affranchi du joug des Gentils, il se soumit à lui et à ses enfans, du consentement des rois de Syrie.

Mais l'acte par lequel le peuple de Dieu transporte à Simon toute la puissance publique, et lui accorde les droits royaux, est remarquable. Le décret porte qu'il en jouira lui et sa postérité, jusqu'à ce qu'il vienne un fidèle et véritable prophète (3).

Le peuple, accoutumé dès son origine à un gouvernement divin, et sachant que depuis le temps que David avoit été mis sur le trône par ordre

(1) Dan. vIII. 25. — (2) Zach. xiv. 14. I. Mach. 1. 12. IX, XI. 20, 21, 22. XVI. II.-Mach. 1v. 22, et seq. (3) I. Mach. xiv. 41.,

de Dieu, la souveraine puissance appartenoit à sa maison, à qui elle devoit être à la fin rendue, au temps du Messie, quoique d'une manière plus mystérieuse et plus haute qu'on ne l'attendoit, mit expressément cette restriction au pouvoir qu'il donna à ses pontifes, et continua de vivre sous eux dans l'espérance de ce Christ tant de fois promis.

C'est ainsi que ce royaume absolument libre usa de son droit, et pourvut à son gouvernement. La postérité de Jacob, par la tribu de Juda et par les restes qui se rangèrent sous ses étendards, se conserva en corps d'Etat, et jouit indépendamment et paisiblement de la terre qui lui avoit été assignée.

La religion judaïque eut un grand éclat, et reçut de nouvelles marques de la protection divine. Jérusalem, assiégée et réduite à l'extrémité par Antiochus Sidètes, roi de Syrie, fut délivrée de ce siége d'une manière admirable. Ce prince fut touché d'abord de voir un peuple affamé plus occupé de sa religion que de son malheur, et leur accorda une trève de sept jours en faveur de la semaine sacrée de la fête des Tabernacles (1). Loin d'inquiéter les assiégés durant ce saint temps, il leur envoyoit avec une magnificence royale des victimes pour les immoler dans leur temple, sans se mettre en peine que c'étoit en même temps leur fournir des vivres dans leur extrême besoin. Selon la docte remarque des chronologistes (2), les Juifs venoient alors de célébrer l'année sabbatique ou de repos, c'est-à

(1) Joseph. Antiq. lib. x111, cap. 16, al. 8. Plut. Apopht. Reg. et Imper. Diod. lib. xxxiv; in excerptis Photii, Biblioth. p. 1150. (2) Annal. tom. 11; ad an. 3870.

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