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dire la septième année, où, comme parle Moïse (1), la terre qu'on ne semoit point devoit se reposer de son travail ordinaire. Tout manquoit dans la Judée, et le roi de Syrie pouvoit d'un seul coup perdre tout un peuple qu'on lui faisoit regarder comme toujours ennemi et toujours rebelle. Dieu, pour garantir ses enfans d'une perte si inévitable, n'envoya pas comme autrefois ses anges exterminateurs; mais ce qui n'est pas moins merveilleux, quoique d'une autre manière, il toucha le cœur du Roi, qui, admirant la piété des Israélites, que nul péril n'avoit détournés des observances les plus incommodes de leur religion, leur accorda la vie et la paix. Les prophètes avoient prédit que ce ne seroit plus par des prodiges semblables à ceux des temps passés que Dieu sauveroit son peuple, mais par la conduite d'une providence plus douce, qui toutefois ne laisseroit pas d'être également efficace et à la longue aussi sensible. Par un effet de cette conduite, Jean Hircan, dont la valeur s'étoit signalée dans les armées d'Antiochus, après la mort de ce prince, reprit l'empire de son pays.

Sous lui les Juifs s'agrandissent par des conquêtes considérables. Ils soumettent Samarie (2): (Ezéchiel et Jérémie l'avoient prédit :) ils domptent les Iduméens, les Philistins, et les Ammonites leurs perpétuels ennemis (3), et ces peuples embrassent leur religion (Zacharie l'avoit marqué (4).) Enfin, malgré la haine et la jalousie des peuples qui les

(1) Exod. xxIII. 10, 11. Levit. xxv. 4. — (2) Ezech. xvi. 53, 55, 61. Jer. xxx1. 5. I. Mach. x. 30. — (3) Joseph. Ant. lib. x111, c. 8, 17, 18, al. 4, 9, 10.- (4) Zach. IX. 1, 2 et seq.

environnent; sous l'autorité de leurs pontifes, qui deviennent enfin leurs rois, ils fondent le nouveau royaume des Asmonéens ou des Machabées, plus étendu que jamais, si on excepte les temps de David et de Salomon.

Voilà en quelle manière le peuple de Dieu subsista toujours parmi tant de changemens; et ce peuple, tantôt châtié, et tantôt consolé dans ses disgrâces, par les différens traitemens qu'il reçoit selon ses mérites, rend un témoignage public à la Providence qui régit le monde.

CHAPITRE XV.

Attente du Messie; sur quoi fondée : préparation à son règne, et à la conversion des Gentils.

MAIS en quelque état qu'il fût, il vivoit toujours en attente des temps du Messie, où il espéroit de nouvelles grâces plus grandes que toutes celles qu'il avoit reçues; et il n'y a personne qui ne voie que cette foi du Messie et de ses merveilles, qui dure encore aujourd'hui parmi les Juifs, leur est venue de leurs patriarches et de leurs prophètes dès l'origne de leur nation (1). Car dans cette longue suite d'années, où eux-mêmes reconnoissoient que par un conseil de la Providence il ne s'élevoit plus parmi eux aucun prophète, et que Dieu ne leur faisoit point de nouvelles prédictions ni de nouvelles promesses, cette foi du Messie qui devoit venir étoit plus vive que jamais. Elle se trouva si bien établie, quand le second temple fut bâti, qu'il

(1) Joseph. lib. 1 cont. Apion.

n'a

n'a plus fallu de prophète pour y confirmer le peuple. Ils vivoient sous la foi des anciennes prophéties qu'ils avoient vues s'accomplir si précisément à leurs yeux en tant de chefs : le reste, depuis ce temps, ne leur a jamais paru douteux, et ils n'avoient point de peine à croire que Dieu, si fidèle en tout, n'accomplît encore en son temps ce qui regardoit le Messie, c'està-dire la principale de ses promesses, et le fondement de toutes les autres.

En effet, toute leur histoire, tout ce qui leur arrivoit de jour en jour, n'étoit qu'un perpétuel développement des oracles que le Saint-Esprit leur avoit laissés. Si, rétablis dans leur terre après la captivité, ils jouirent durant trois cents ans d'une paix profonde; si leur temple fut révéré, et leur religion honorée dans tout l'Orient; si enfin leur paix fut troublée par leurs dissensions; si ce superbe roi de Syrie fit des efforts inouis pour les détruire; s'il prévalut quelque temps; si un peu après il fut puni; si la religion judaïque et tout le peuple de Dieu fut relevé avec un éclat plus merveilleux que jamais, et le royaume de Juda accru sur la fin des temps par de nouvelles conquêtes on a vu que tout cela se trouvoit écrit dans leurs prophètes. Oui, tout y étoit marqué, jusqu'au temps que devoient durer les persécutions, jusqu'aux lieux où se donnèrent les combats, jusqu'aux terres qui devoient être conquises.

Je vous ai rapporté en gros quelque chose de ces prophéties le détail seroit la matière d'un plus long discours : mais vous en voyez assez pour demeurer convaincu de ces fameuses prédictions qui BOSSUET. XXXV.

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font le fondement de notre croyance : plus on les approfondit, plus on y trouve de vérité, et les prophéties du peuple de Dieu ont eu durant tous ces temps un accomplissement si manifeste, que depuis, quand les païens mêmes, quand un Porphyre, quand un Julien l'Apostat (1), ennemis d'ailleurs des Ecritures, ont voulu donner des exemples de prédictions prophétiques, ils les ont été chercher parmi les Juifs.

Et je puis même vous dire avec vérité, que si durant cinq cents ans le peuple de Dieu fut sans prophète, tout l'état de ces temps étoit prophétique : l'œuvre de Dieu s'acheminoit, et les voies se préparoient insensiblement à l'entier accomplissement des anciens oracles.

Le retour de la captivité de Babylone n'étoit qu'une ombre de la liberté, et plus grande et plus nécessaire, que le Messie devoit apporter aux hommes captifs du péché. Le peuple dispersé en divers endroits dans la haute Asie, dans l'Asie mineure, dans l'Egypte, dans la Grèce même, commençoit à faire éclater parmi les Gentils le nom et la gloire du Dieu d'Israël. Les Ecritures, qui devoient un jour être la lumière du monde, furent mises dans la langue la plus connue de l'univers leur antiquité est reconnue. Pendant que le témple est révéré, et les Ecritures répandues parmi les Gentils, Dieu donne quelque idée de leur conversion future, et en jette de loin les fondemens.

Ce qui se passoit même parmi les Grecs étoit

(1) Porph. de Abstin. lib. 1v, §. 13. Id. Porph. et Jul. apud. Cyril. lib. v et vi in Julian.

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une espèce de préparation à la connoissance de la vérité. Leurs philosophes connurent que le monde étoit régi par un Dieu bien différent de ceux que le vulgaire adoroit, et qu'ils servoient eux-mêmes vec le vulgaire. Les histoires grecques font foi que cette belle philosophie venoit d'Orient, et des endroits où les Juifs avoient été dispersés: mais de quelque endroit qu'elle soit venue, une vérité si importante répandue parmi les Gentils, quoique combattue, quoique mal suivie, même par ceux qui l'enseignoient, commençoit à réveiller le genre humain, et fournissoit par avance des preuves certaines à ceux qui devoient un jour le tirer de son ignorance.

CHAPITRE XVI.

Prodigieux aveuglement de l'idolatrie avant la venue du Messie.

COMME toutefois la conversion de la gentilité étoit une œuvre réservée au Messie, et le propre caractère de sa venue, l'erreur et l'impiété prévaloient partout. Les nations les plus éclairées et les plus sages, les Chaldéens, les Egyptiens, les Phéniciens, les Grecs, les Romains, étoient les plus ignorans et les plus aveugles sur la religion: tant il est vrai qu'il y faut être élevé par une grâce particulière, et par une sagesse plus qu'humaine. Qui oseroit raconter les cérémonies des dieux immortels, et leurs mystères impurs? Leurs amours, leurs cruautés, leurs jalousies, et tous leurs autres excès étoient le sujet de leurs fêtes, de leurs sacrifices,

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