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un même corps, un même peuple, et les rendre participans de ses grâces et de ses promesses.

Ce qui arrive après cela aux Juifs incrédules, sous Vespasien et sous Tite, ne regarde plus la suite du peuple de Dieu. C'est un châtiment des rebelles, qui, par leur infidélité envers la semence promise à Abraham et à David, ne sont plus Juifs, ni fils d'Abraham que selon la chair, et renoncent à la promesse par laquelle les nations devoient être bénies.

Ainsi cette dernière et épouvantable désolation des Juifs n'est plus une transmigration, comme celle de Babylone; ce n'est pas une suspension du gouvernement et de l'état du peuple de Dieu, ni du service solennel de la religion : le nouveau peuple déjà formé et continué avec l'ancien en Jésus-Christ n'est pas transporté; il s'étend et se dilate sans interruption, depuis Jérusalem, où il devoit naître, jusqu'aux extrémités de la terre. Les Gentils agrégés aux Juifs deviennent dorénavant les vrais Juifs, le vrai royaume de Juda opposé à cet Israël schismatique et retranché du peuple de Dieu, le vrai royaume de David, par l'obéissance qu'ils rendent aux lois et à l'évangile de Jésus-Christ fils de David.

Après l'établissement de ce nouveau royaume, il ne faut pas s'étonner si tout périt dans la Judée. Le second temple ne servoit plus de rien depuis que le Messie y eut accompli ce qui étoit marqué par les prophéties. Ce temple avoit eu la gloire qui lui étoit promise, quand le Désiré des nations y étoit venu. La Jérusalem visible avoit fait ce qui lui restoit à faire, puisque l'Eglise y avoit pris sa naissance, et que de là elle étendoit tous les jours ses branches

par toute la terre. La Judée n'est plus rien à Dieu ni à la religion, non plus que les Juifs; et il est juste qu'en punition de leur endurcissement, leurs ruines soient dispersées par toute la térrë.

C'est ce qui leur devoit arriver au temps du Messie, selon Jacob, selon Daniel, selon Zacharie, et selon tous leurs prophètes (1): mais comme ils doivent revenir un jour à ce Messie qu'ils ont méconnu, et que le Dieu d'Abraham n'a pas encore épuisé ses miséricordes sur la race quoique infidèle de ce patriarche, il a trouvé un moyen, dont il n'y a dans le monde que ce seul exemple, de conserver les Juifs, hors de leur pays et dans leur ruine, plus long-temps même que les peuples qui les ont vaincus. On ne voit plus aucun reste ni des anciens Assyriens, ni des anciens Mèdes, ni des anciens Perses, ni des anciens Grecs, ni même des anciens Romains. La trace s'en est perdue, et ils se sont confondus avec d'autres peuples. Les Juifs, qui ont été la proie de ces anciennes nations si célèbres dans les histoires, leur ont survécu; et Dieu en les conservant nous tient en attente de ce qu'il veut faire encore des malheureux restes d'un peuple autrefois si favorisé. Cependant leur endurcissement sert au salut des Gentils, et leur donne cet avantage de trouver en des mains non suspectes les Ecritures qui ont prédit Jésus-Christ et ses mystères. Nous voyons entre autres choses, dans ces Ecritures (2), et l'aveuglement et les malheurs des Juifs qui les conservent

(1) Osee. 111. 4, 5. Is. LIX. 20, 21. Zach. xl. 13, 16, 17. Rom. XI. 11, etc. - (2) IS. VI, LII, LIII, LXV. Dan. ix. Matt. xIII. Joan. xi. Act. xxvIII. Rom. XI.

si soigneusement. Ainsi, nous profitons de leur disgrâce : leur infidélité fait un des fondemens de notre foi; ils nous apprennent à craindre Dieu, et nous sont un spectacle éternel des jugemens qu'il exerce sur ses enfans ingrats, afin que nous apprenìons à ne nous point glorifier des grâces faites à nos pères.

Un mystère si merveilleux, et si utile à l'instruction du genre humain, mérite bien d'être considéré. Mais nous n'avons pas besoin des discours humains pour l'entendre le Saint-Esprit a pris soin de nous l'expliquer par la bouche de saint Paul; et je vous prie d'écouter ce que cet apôtre en a écrit aux Romains (1).

:

Après avoir parlé du petit nombre de Juifs qui avoit reçu l'Evangile, et de l'aveuglement des autres, il entre dans une profonde considération de ce que doit devenir un peuple honoré de tant de grâces, et nous découvre tout ensemble le profit que nous tirons de leur chute, et les fruits que produira un jour leur conversion. « Les Juifs sont-ils donc tom» bés, dit-il (2), pour ne se relever jamais? à Dieu >> ne plaise. Mais leur chute a donné occasion au » salut des Gentils, afin que le salut des Gentils leur » causât une émulation » qui les fît rentrer en euxmêmes. «< Que si leur chute a été la richesse des » Gentils » qui se sont convertis en si grand nombre, «< quelle grâce ne verrons-nous pas reluire quand ils retourneront avec plénitude! Si leur réprobation a été la réconciliation du monde ; » leur rappel ne sera-t-il pas une résurrection de » mort à vie? Que si les prémices tirées de ce peuple (1) Rom. XI. 1, 2, etc. . (2) Ibid. 11, etc.

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» sont saintes, la masse l'est aussi; si la racine est » sainte, les rameaux le sont aussi; et si quelques>> unes des branches ont été retranchées, et que toi, » Gentil, qui n'étois qu'un olivier sauvage, tu aies » été enté parmi les branches qui sont demeurées » sur l'olivier franc, en sorte que tu participes au » suc découlé de sa racine, garde-toi de t'élever » contre les branches naturelles. Que si tu t'élèves, » songe que ce n'est pas toi qui portes la racine, >> mais que c'est la racine qui te porte. Tu diras » peut-être : Les branches naturelles ont été coupées » afin que je fusse enté en leur place. Il est vrai, » l'incrédulité a causé ce retranchement, et c'est ta >> foi qui te soutient. Prends donc garde de ne t'en» fler pas, mais demeure dans la crainte : car si Dieu » n'a pas épargné les branches naturelles, tu dois » craindre qu'il ne t'épargne encore moins >>.

Qui ne trembleroit en écoutant ces paroles de l'apôtre? Pouvons-nous n'être pas épouvantés de la vengeance qui éclate depuis tant de siècles si terriblement sur les Juifs, puisque saint Paul nous avertit de la part de Dieu que notre ingratitude nous peut attirer un semblable traitement? Mais écoutons la suite de ce grand mystère. L'apôtre continue à parler aux Gentils convertis. « Considérez, » leur dit-il (1), la clémence et la sévérité de Dieu » sa sévérité envers ceux qui sont déchus de sa grâce, » et sa clémence envers vous, si toutefois vous de» meurez fermes en l'état où sa bonté vous a mis; » autrement vous serez retranchés comme eux. Que » s'ils cessent d'être incrédules, ils seront entés de

(1) Rom. x1. 22 et seq,

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» nouveau, parce que Dieu (qui les a retranchés ) >> est assez puissant pour les faire encore reprendre. >> Car si vous avez été détachés de l'olivier sauvage » où la nature vous avoit fait naître, pour être entés » dans l'olivier franc contre l'ordre naturel, com>> bien plus facilement les branches naturelles de >> l'olivier même seront-elles entées sur leur propre >> tronc »? Ici l'apôtre s'élève au-dessus de tout ce qu'il vient de dire, et entrant dans les profondeurs des conseils de Dieu, il poursuit ainsi son discours (1): « Je ne veux pas, mes frères, que vous » ignoriez ce mystère, afin que vous appreniez à ne >> présumer pas de vous-mêmes. C'est qu'une partie » des Juifs est tombée dans l'aveuglement, afin que » la multitude des Gentils entrât cependant dans >>> l'Eglise, et qu'ainsi tout Israël fût sauvé, selon >> qu'il est écrit (2) : Il sortira de Sion un libérateur » qui bannira l'impiété de Jacob, et voici l'alliance » que je ferai avec eux lorsque j'aurai effacé leurs » péchés ».

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Ce passage d'Isaïe, que saint Paul cite ici selon les Septante, comme il avoit accoutumé, à cause que leur version étoit connue par toute la terre, est encore plus fort dans l'original, et pris dans toute sa suite. Car le prophète y prédit avant toutes choses la conversion des Gentils par ces paroles : << Ceux d'Occident craindront le nom du Seigneur > » et ceux d'Orient verront sa gloire ». Ensuite, sous la figure d'un fleuve rapide poussé par un vent impétueux, Isaïe voit de loin les persécutions qui feront croître l'Eglise. Enfin le Saint-Esprit lui apprend ce

(1) Rom. XI. 25 et seq.

(2) Is. LIX. 20.

que

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