Images de page
PDF
ePub

plus que la mort pour tous ceux qui y étoient enfermés l'autre, où elle seroit seulement enceinte de l'armée (1), et plutôt investie qu'assiégée dans les formes; c'est alors qu'il falloit fuir, et se retirer dans les montagnes.`

Les Clirétiens obéirent à la parole de leur maître. Quoiqu'il y en eût des milliers dans Jérusalem et dans la Judée, nous ne lisons ni dans Josephe, ni dans les autres histoires, qu'il s'en soit trouvé aucun dans la ville quand elle fut prise. Au contraire, il est constant par l'histoire ecclésiastique, et par tous les monumens de nos ancêtres (2), qu'ils se retirèrent à la petite ville de Pella, dans un pays de montagnes auprès du désert, aux confins de la Judée et de l'Arabie.

On peut connoître par-là combien précisément ils avoient été avertis : et il n'y a rien de plus remarquable que cette séparation des Juifs incrédules d'avec les Juifs convertis au christianisme; les uns étant demeurés dans Jérusalem pour y subir la peine de leur infidélité; et les autres s'étant retirés, comme Lot sorti de Sodome, dans une petite ville, où ils considéroient avec tremblement les effets del la vengeance divine, dont Dieu avoit bien voulu les mettre à couvert.

Outre les prédictions de Jésus-Christ, il y eut des prédictions de plusieurs de ses disciples, entre autres celles de saint Pierre et de saint Paul. Comme on traînoit au supplice ces deux fidèles témoins de

(1) Luc. XXI. 20, 21.- (2) Euseb. Hist. Eccl. lib. 11, cap. 5. Epiph. lib. 1, Hær. xxix, Nazaræor. 7; tom. 1, pag. 123 : et lib. de Mens. et Ponder. c. 15; tom, 11, pag. 171.

Jésus-Christ ressuscité, ils dénoncèrent aux Juifs, qui les livroient aux Gentils, leur perte prochaine. Ils leur dirent, « que Jérusalem alloit être renversée » de fond en comble; qu'ils périroient de faim et » de désespoir; qu'ils seroient bannis à jamais de la » terre de leurs pères, et envoyés en captivité par >> toute la terre; que le terme n'étoit pas loin; et » que tous ces maux leur arriveroient pour avoir » insulté avec tant de cruelles railleries au bien» aimé Fils de Dieu qui s'étoit déclaré à eux par >> tant de miracles (1) ». La pieuse antiquité nous a conservé cette prédiction des apôtres, qui devoit être suivie d'un si prompt accomplissement. Saint Pierre en avoit fait beaucoup d'autres, soit par une inspiration particulière, soit en expliquant les paroles de son maître; et Phlégon, auteur païen, dont Origène produit le témoignage (2), a écrit que tout ce que cet apôtre avoit prédit, s'étoit accompli de point en point.

Ainsi rien n'arrive aux Juifs qui ne leur ait été prophétisé. La cause de leur malheur nous est clairement marquée dans le mépris qu'ils ont fait de Jésus-Christ et de ses disciples. Le temps des grâces étoit passé, et leur perte étoit inévitable.

C'étoit donc en vain, Monseigneur, que Tite vouloit sauver Jérusalem et le temple. La sentence étoit partie d'en haut il ne devoit plus y rester pierre sur pierre. Que si un empereur romain tenta vainement d'empêcher la ruine du temple, un autre empereur romain tenta encore plus vainement de (1) Lact. div. Instit. lib, Iv, cap. 21. (2) Phleg. lib. xii et xiv Chron. apud Orig. contra Cels. lib. 11, n. 14; tom. 1, pag. 401.

le

le rétablir. Julien l'Apostat, après avoir déclaré la guerre à Jésus-Christ, se crut assez puissant pour anéantir ses prédictions. Dans le dessein qu'il avoit de susciter de tous côtés des ennemis aux Chrétiens, il s'abaissa jusqu'à rechercher les Juifs, qui étoient le rebut du monde. Il les excita à rebâtir leur temple; il leur donna des sommes immenses, et les assista de toute la force de l'Empire (1). Ecoutez quel en fut l'événement, et voyez comme Dieu confond les princes superbes. Les saints pères et les historiens ecclésiastiques le rapportent d'un commun accord, et le justifient par des monumens qui restoient encore de leur temps. Mais il falloit que la chose fût attestée par les païens mêmes. Ammian Marcellin, Gentil de religion, et zélé défenseur de Julien, l'a racontée en ces termes (2) : « Pen» dant qu'Alypius aidé du gouverneur de la province >> avançoit l'ouvrage autant qu'il pouvoit, de terribles globes de feu sortirent des fondemens qu'ils avoient » auparavant ébranlés par des secousses violentes; les » ouvriers qui recommencèrent souvent l'ouvrage, >> furent brûlés à diverses reprises; le lieu devint >> inaccessible, et l'entreprise cessa ».

>>

Les auteurs ecclésiastiques, plus exacts à représenter un événement si mémorable, joignent le feu du ciel au feu de la terre. Mais enfin la parole de Jésus-Christ demeura ferme. Saint Jean Chrysostôme s'écrie: Il a bâti son église sur la pierre, rien ne l'a pu renverser : il a renversé le temple, rien ne l'a pu relever : « nul ne peut abattre ce que Dieu

(1) Amm. Marcel. lib. xx111, cap. 1. — (2) Ibid.

BOSSUET. Xxxv.

22

» élève; nul ne peut relever ce que Dieu abat (1) ».

Ne parlons plus de Jérusalem ni du temple. Jetons les yeux sur le peuple même, autrefois le temple vivant de Dieu, et maintenant l'objet de sa haine. Les Juifs sont plus abattus que leur temple et que leur ville. L'Esprit de vérité n'est plus parmi eux : la prophétie y est éteinte : les promesses sur lesquelles ils appuyoient leur espérance se sont évanouies: tout est renversé dans ce peuple, et il n'y reste plus pierre sur pierre.

Et voyez jusques à quel point ils sont livrés à l'erreur. Jésus-Christ leur avoit dit : « Je suis venu » à vous au nom de mon Père, et vous ne m'avez » pas reçu ; un autre viendra en son nom, et vous » le recevrez (2) ». Depuis ce temps, l'esprit de séduction règne tellement parmi eux, qu'ils sont prêts encore à chaque moment à s'y laisser emporter. Ce n'étoit pas assez que les faux prophètes eussent livré Jérusalem entre les mains de Tite; les Juifs n'étoient pas encore bannis de la Judée, et l'amour qu'ils avoient pour Jérusalem en avoit obligé plusieurs à choisir leur demeure parmi ses ruines. Voici un faux Christ qui va achever de les perdre. Cinquante ans après la prise de Jérusalem, dans le siècle de la mort de notre Seigneur, l'infâme Barchochébas, un voleur, un scélérat, parce que son nom signifioit le fils de l'étoile, se disoit l'étoile de Jacob prédite au livre des Nombres (3), et se porta pour le Christ (4). Akibas, le plus autorisé de tous les Rabbins, et à son exemple tous ceux que les

(1) Orat. 1 in Judæos, nunc v, n. 11: tom. 1, p. 646. — (2) Joan. v. 43.- (3) Num. xxiv. 17. - (4) Euseb. Hist. Eccl. lib. iv. cap. 6, 8.

[ocr errors]

Juifs appeloient leurs sages, entrèrent dans son parti, sans que l'imposteur leur donnât aucune autre marque de sa mission, sinon qu'Akibas disoit que le Christ ne pouvoit pas beaucoup tarder (1). Les Juifs se révoltèrent par tout l'Empire romain, sous la conduite de Barchochébas qui leur promettoit l'empire du monde. Adrien en tua six cent mille : le joug de ces malheureux s'appesantit, et ils furent bannis pour jamais de la Judée.

Qui ne voit que l'esprit de séduction s'est saisi de leur cœur? « L'amour de la vérité, qui leur » apportoit le salut, s'est éteint en eux: Dieu leur » a envoyé une efficace d'erreur qui les fait croire » au mensonge (2) ». Il n'y a point d'imposture si grossière qui ne les séduise. De nos jours, un imposteur s'est dit le Christ en Orient : tous les Juifs commençoient à s'attrouper autour de lui nous les avons vus en Italie, en Hollande, en Allemagne, et à Metz, se préparer à tout vendre et à tout quitter pour le suivre. Ils s'imaginoient déjà qu'ils alloient devenir les maîtres du monde, quand ils apprirent que leur Christ s'étoit fait Turc, et avoit abandonné la loi de Moïse.

CHAPITRE XXIII.

La suite des erreurs des Juifs, et la manière dont ils expliquent les prophéties.

Il ne faut pas s'étonner qu'ils soient tombés dans de tels égaremens, ni que la tempête les ait dis

(1) Talm. Hier. tract. de Jejun. et in vet. Comm. sup. Lam. Jerem. Maimonid. lib. de Jure Reg. c. 12. (2) II. Thess. 11. 10.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »