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ils oublient précisément en ce temps la succession des familles, jusques alors si soigneusement et si religieusement retenue.

N'omettons pas une des marques de la venue du Messie, et peut-être la principale si nous la savons bien entendre, quoiqu'elle fasse le scandale et l'horreur des Juifs. C'est la rémission des péchés annoncée au nom d'un Sauveur souffrant, d'un Sauveur humilié et obéissant jusqu'à la mort. Daniel avoit marqué, parmi ses semaines (1), la semaine mystérieuse que nous avons observée, où le Christ devoit être immolé, où l'alliance devoit être confirmée par sa mort, où les anciens sacrifices devoient perdre leur vertu. Joignons Daniel avec Isaïe : nous trouverons tout le fond d'un si grand mystère; nous verrons « l'homme de douleurs, qui est chargé des iniquités de tout le peuple, qui donne sa vie pour » le péché, et le guérit par ses plaies (2) ». Ouvrez les yeux, incrédules n'est-il pas vrai que la rémission des péchés vous a été prêchée au nom de Jésus-Christ crucifié? S'étoit-on jamais avisé d'un tel mystère ? Quelque autre que Jésus-Christ, ou devant lui, ou après, s'est-il glorifié de laver les péchés par son sang? Se sera-t-il fait crucifier exprès pour acquérir un vain honneur, et accomplir en lui-même une si funeste prophétie? Il faut se taire, et adorer dans l'Evangile une doctrine qui ne pourpas même venir dans la pensée d'aucun homme, si elle n'étoit véritable.

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L'embarras des Juifs est extrême dans cet endroit : ils trouvent dans leurs Ecritures trop de passages

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où il est parlé des humiliations de leur Messie. Que deviendront donc ceux où il est parlé de sa gloire et de ses triomphes? Le dénouement naturel est, qu'il viendra aux triomphes par les combats, et à la gloire par les souffrances. Chose incroyable! les Juifs ont mieux aimé mettre deux Messies. Nous voyons dans leur Talmud, et dans d'autres livres d'une pareille antiquité ('), qu'ils attendent un Messie souffrant, et un Messie plein de gloire; l'un mort et ressuscité, l'autre toujours heureux et toujours vainqueur; l'un à qui conviennent tous les passages où il est parlé de foiblesse, l'autre à qui conviennent tous ceux où il est parlé de grandeur; l'un enfin fils de Joseph, car on n'a pu lui dénier un des caractères de Jésus-Christ qui a été réputé fils de Joseph, et l'autre fils de David: sans jamais vouloir entendre que ce Messie fils de David devoit, selon David, boire du torrent avant que de lever la tête (2); c'est-à-dire, être affligé avant que d'être triomphant, comme le dit lui-même le fils de David. «< O insensés et pesans de cœur, qui » ne pouvez croire ce qu'ont dit les prophètes, >> ne falloit-il pas que le Christ souffrît ces choses, » et qu'il entrât dans sa gloire par ce moyen (3) »?

Au reste, si nous entendons du Messie ce grand passage où Isaïe nous représente si vivement l'homme de douleurs frappé pour nos péchés, et défiguré comme un lépreux (4), nous sommes encore soutenus dans cette explication, aussi bien que dans toutes les autres, par l'ancienne tradition des Juifs; (1) Tr. Succa, et Comm. sive Paraphr. sup. Cant. c. vii, v. 3. — (2) Ps. CIX. (3) Luc. XXIV. 25, 26. (4) 1s. LIII.

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et malgré leurs préventions, le chapitre tant de fois cité de leur Talmud (1) nous enseigne que ce lépreux chargé des péchés du peuple sera le Messie. Les douleurs du Messie, qui lui seront causées par nos péchés, sont célèbres dans le même endroit et dans les autres livres des Juifs. Il y est souvent parlé de l'entrée aussi humble que glorieuse qu'il devoit faire dans Jérusalem monté sur un âne; et cette célèbre prophétie de Zacharie lui est appliquée. De quoi les Juifs ont-ils à se plaindre? Tout leur étoit marqué en termes précis dans leurs.prophètes: leur ancienne tradition avoit conservé l'explication naturelle de ces célèbres prophéties; et il n'y a rien de plus juste que ce reproche que leur fait le Sauveur du monde (2): « Hypocrites, vous savez juger par les vents, et par ce qui vous paroît » dans le ciel, si le temps sera serein ou pluvieux; » et vous ne savez pas connoître, à tant de signes » qui vous sont donnés, le temps où vous êtes » !

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Concluons donc que les Juifs ont eu véritablement raison de dire que tous les termes de la venue du Messie sont passés. Juda n'est plus un royaume ni un peuple d'autres peuples ont reconnu le Messie qui devoit être envoyé. Jésus-Christ a été montré aux Gentils à ce signe, ils sont accourus au Dieu d'Abraham; et la bénédiction de ce patriarche s'est répandue par toute la terre. L'homme de douleurs a été prêché, et la rémission des péchés à été annoncée par sa mort. Toutes les semaines se sont écoulées; la désolation du peuple et du (2) Matt. XVI. 2, 3, 4. Luc.

(1) Gem. Tr. Sanhed. cap. xI. XII. 56.

sanctuaire, juste punition de la mort du Christ, a eu son dernier accomplissement; enfin le Christ a paru avec tous les caractères que la tradition des Juifs y reconnoissoit, et leur incrédulité n'a plus d'excuse.

Aussi voyons-nous depuis ce temps des marques indubitables de leur réprobation. Après Jésus-Christ, ils n'ont fait que s'enfoncer de plus en plus dans l'ignorance et dans la misère, d'où la seule extrémité de leurs maux, et la honte d'avoir été si souvent en proie à l'erreur les fera sortir, ou plutôt la bonté de Dieu, quand le temps arrêté par sa providence pour punir leur ingratitude et dompter leur orgueil sera accompli.

Cependant ils demeurent la risée des peuples, et l'objet de leur aversion, sans qu'une si longue captivité les fasse revenir à eux, encore qu'elle dût suffire pour les convaincre. Car enfin, comme leur dit saint Jérôme (1), « qu'attends-tu, ô Juif incré» dule? tu as commis plusieurs crimes durant le » temps des Juges: ton idolâtrie t'a rendu l'esclave » de toutes les nations voisines; mais Dieu a eu >> bientôt pitié de toi, et n'a pas tardé à t'envoyer » des sauveurs. Tu as multiplié tes idolâtries sous » tes rois; mais les abominations où tu es tombé » sous Achaz et sous Manassès n'ont été punies que >> par soixante-dix ans de captivité. Cyrus est venu, » et il t'a rendu ta patrie, ton temple et tes sacri» fices. A la fin, tu as été accablé par Vespasien et » par Tite. Cinquante ans après, Adrien a achevé » de t'exterminer, et il y a quatre cents ans que tu (1) Hier. Ep. ad Dardan. Tom. 11, col. 610.

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» demeures dans l'oppression ». C'est ce que disoit saint Jérôme. L'argument s'est fortifié depuis, et douze cents ans ont été ajoutés à la désolation du peuple Juif. Disons-lui donc, au lieu de quatre cents ans, que seize siècles ont vu durer sa captivité, sans que son joug devienne plus léger. « Qu'as-tu fait, » ô peuple ingrat? Esclave dans tous les pays, et » de tous les princes, tu ne sers point les dieux » étrangers. Comment Dieu qui t'avoit élu t'a-t-il » oublié, et que sont devenues ses anciennes misé» ricordes? Quel crime, quel attentat plus grand que » l'idolâtrie te fait sentir un châtiment que jamais >> tes idolâtries ne t'avoient attiré? Tu te tais? tu >> ne peux comprendre ce qui rend Dieu si inexo>rable? Souviens-toi de cette parole de tes pères : » Son sang soit sur nous et sur nos enfans (1) : et » encore: Nous n'avons point de roi que César (2). » Le Messie ne sera pas ton roi; garde bien ce que >> tu as choisi demeure l'esclave de César et des » rois jusqu'à ce que la plénitude des Gentils soit » entrée, et qu'enfin tout Israël soit sauvé (3) ».

CHAPITRE XXV.

Réflexions particulières sur la conversion des Gentils. Profond conseil de Dieu, qui les vouloit convertir par la croix de Jésus-Christ. Raisonnement de saint Paul sur cette manière de les convertir.

CETTE Conversion des Gentils étoit la seconde chose qui devoit arriver au temps du Messie, et la la plus assurée de sa venue. Nous avons vu

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