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comme les prophètes l'avoient clairement prédite; et leurs promesses se sont vérifiées dans les temps de notre Seigneur. Il est certain qu'alors seulement, et ni plus tôt ni plus tard, ce que les philosophes n'ont osé tenter, ce que les prophètes ni le peuple Juif lorsqu'il a été le plus protégé et le plus fidèle n'ont pu faire, douze pêcheurs, envoyés par JésusChrist et témoins de sa résurrection, l'ont accompli. C'est que la conversion du monde ne devoit être l'ouvrage ni des philosophes ni même des prophètes: il étoit réservé au Christ, et c'étoit le fruit de sa croix.

Il falloit à la vérité que ce Christ et ses apôtres sortissent des Juifs, et que la prédication de l'Evangile commençât à Jérusalem. « Une montagne élevée >> devoit paroître dans les derniers temps », selon Isaïe (1): c'étoit l'Eglise chrétienne. « Tous les Gen>>tils y devoient venir, et plusieurs peuples devoient » s'y assembler. En ce jour le Seigneur devoit seul » être élevé, ét les idoles devoient être tout à fait » brisées (2) ». Mais Isaïe, qui a vu ces choses, a vu aussi en même temps que « la loi, qui devoit juger les Gentils sortiroit de Sion, et que la » parole du Seigneur, qui devoit corriger les peu»ples, sortiroit de Jérusalem (3) »; ce qui a fait dire au Sauveur que « le salut devoit venir des » Juifs (4) ». Et il étoit convenable que la nouvelle. lumière dont les peuples plongés dans l'idolâtrie, devoient un jour être éclairés, se répandît par tout l'univers, du lieu où elle avoit toujours été. C'étoit

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(1) Is. 11. 2. (3) Ibid. 2, 3, 17, 18. (3) Ibid. 3,

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IV, 22.

en Jésus-Christ, fils de David et d'Abraham, que toutes les nations devoient être bénies et sanctifiées. Nous l'avons souvent remarqué. Mais nous n'avons pas encore observé la cause pour laquelle ce Jésus souffrant, ce Jésus crucifié et anéanti, devoit être le seul auteur de la conversion des Gentils, et le seul vainqueur de l'idolâtrie.

Saint Paul nous a expliqué ce grand mystère au premier chapitre de la première Epître aux Corinthiens; et il est bon de considérer ce bel endroit dans toute sa suite. « Le Seigneur, dit-il (1), m'a » envoyé prêcher l'Evangile, non par la sagesse et >> par le raisonnement humain, de peur de rendre >> inutile la croix de Jésus-Christ; car la prédication » du mystère de la croix est folie à ceux qui pé» rissent, et ne paroît un effet de la puissance de » Dieu qu'à ceux qui se sauvent, c'est-à-dire, à nous. » En effet, il est écrit (2) : Je détruirai la sagesse des »sages, et je rejeterai la science des savans. Où sont » maintenant les sages? où sont les docteurs? que » sont devenus ceux qui recherchoient les sciences » de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie » la sagesse de ce monde »? Sans doute, puisqu'elle n'a pu tirer les hommes de leur ignorance. Mais voici la raison que saint Paul en donne. C'est que << Dieu voyant que le monde avec la le monde avec la sagesse humaine >> ne l'avoit point reconnu par les ouvrages de sa »sagesse », c'est-à-dire, par les créatures qu'il avoit si bien ordonnées, il a pris une autre voie, et « a résolu de sauver ses fidèles par la folie de la

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>>

prédication (1) », c'est-à-dire, par le mystère de la croix, où la sagesse humaine ne peut rien comprendre.

Nouveau et admirable dessein de la divine providence Dieu avoit introduit l'homme dans le monde, où, de quelque côté qu'il tournât les yeux, la sagesse du Créateur reluisoit dans la grandeur, dans la richesse et dans la disposition d'un si bel ouvrage. L'homme cependant l'a méconnu : les créatures, qui se présentoient pour élever notre esprit plus haut, l'ont arrêté : l'homme aveugle et abruti les a servies; et non content d'adorer l'œuvre des mains de Dieu, il a adoré l'œuvre de ses propres mains. Des fables, plus ridicules que celles que l'on conte aux enfans, ont fait sa religion : il a oublié la raison; Dieu la lui veut faire oublier d'une autre sorte. Un ouvrage dont il entendoit la sagesse ne l'a point touché; un autre ouvrage lui est présenté, où son raisonnement se perd, et où tout lui paroît folie : c'est la croix de Jésus-Christ. Ce n'est point en raisonnant qu'on entend ce mystère; c'est «< en » captivant son intelligence sous l'obéissance de la >> foi » ; c'est «< en détruisant les raisonnemens hu>> mains, et toute hauteur qui s'élève contre la science » de Dieu (2) ».

>>

En effet, que comprenons-nous dans ce mystère où le Seigneur de gloire est chargé d'opprobres; où la sagesse divine est traitée de folle; où celui qui assuré en lui-même de sa naturelle grandeur, « n'a » pas cru s'attribuer trop quand il s'est dit égal à (1) I. Cor. 1. 21.- · (2) II. Cor. x. 4, 5.

» Dieu, s'est anéanti lui-même jusqu'à prendre la >> forme d'esclave, et à subir la mort de la croix (1) »? Toutes nos pensées se confondent; et, comme disoit saint Paul, il n'y a rien qui paroisse plus insensé à ceux qui ne sont pas éclairés d'en haut.

Tel étoit le remède que Dieu préparoit à l'idolâtrie. Il connoissoit l'esprit de l'homme, et il savoit que ce n'étoit pas par raisonnement qu'il falloit détruire une erreur que le raisonnement n'avoit pas établie. Il y a des erreurs où nous tombons en raisonnant, car l'homme s'embrouille souvent à force de raisonner: mais l'idolâtrie étoit venue par l'extrémité opposée; c'étoit en éteignant tout raisonnement, et en laissant dominer les sens qui vouloient tout revêtir des qualités dont ils sont touchés. C'est là par la divinité étoit devenue visible et grosque sière. Les hommes lui ont donné leur figure, et ce qui étoit plus honteux encore, leurs vices et leurs passions. Le raisonnement n'avoit point de part à une erreur si brutale. C'étoit un renversement du bon sens, un délire, une frénésie. Raisonnez avec un frénétique, et contre un homme qu'une fièvre ardente fait extravaguer, vous ne faites que l'irriter et rendre le mal irrémédiable: il faut aller à la cause, redresser le tempérament, et calmer les humeurs dont la violence cause de si étranges transports. Ainsi ce ne doit pas être le raisonnement qui guérisse le délire de l'idolâtrie. Qu'ont gagné les philosophes avec leurs discours pompeux, avec leur style sublime, avec leurs raisonnemens si artificieusement arrangés ? Platon, avec son éloquence qu'on (1) Philip. 11. 7, 8.

a crue divine, a-t-il renversé un seul autel où ce monstrueuses divinités étoient adorées? Au contraire, lui et ses disciples, et tous les sages du siècle ont sacrifié au mensonge: «< ils se sont perdus dans » leurs pensées; leur cœur insensé a été rempli de » ténèbres, et sous le nom de sages, qu'ils se sont » donné, ils sont devenus plus fous que les au» tres (1) », puisque, contre leurs propres lumières, ils ont adoré les créatures,

N'est-ce donc pas avec raison que saint Paul s'est écrié dans, notre passage (2): «Où sont les sages, où » sont les docteurs? Qu'ont opéré ceux qui recher>> choient les sciences de ce siècle »? ont-ils pu seulement détruire les fables de l'idolâtrie? ont-ils seulement soupçonné qu'il fallût s'opposer ouvertement à tant de blasphêmes, et souffrir, je ne dis pas le dernier supplice, mais le moindre affront pour la vérité? Loin de le faire, « ils ont retenu la vérité cap »tive (3),», et ont posé pour maxime qu'en matière de religion il falloit suivre le peuple : le peuple, qu'ils méprisoient tant, a été leur règle dans la matière la plus importante de toutes, et où leurs lumières sembloient le plus nécessaires. Qu'as - tu donc servi, ô philosophie? « Dieu n'a-t-il pas con» vaincu de folie la sagesse de ce monde », comme nous disoit saint Paul (4)? « N'a-t-il pas détruit la >> sagesse des sages, et montré l'inutilité de la science >> des savans >> ?

C'est ainsi que Dieu a fait voir, par expérience, que la ruine de l'idolâtrie ne pouvoit pas être l'ou(2) I. Cor. 1. 20.- (3) Rom. 1. 18.- (4) 1. Cor.

(1) Rom. 1. 21: 22.

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