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sate, l'empereur Aurélien n'eut pas de peine à connoître la vraie Eglise chrétienne à laquelle appartenoit la maison de l'Eglise, soit que ce fût le lieu d'oraison, ou la maison de l'évêque. Il l'adjugea à ceux «<< qui étoient en communion avec les évêques » d'Italie et celui de Rome (1) », parce qu'il voyoit de tout temps le gros des Chrétiens dans cette communion. Lorsque l'empereur Constance brouilloit tout dans l'Eglise, la confusion qu'il y mettoit en protégeant les Ariens, ne put empêcher qu'Ammian Marcellin (2), tout païen qu'il étoit, ne reconnût que cet empereur s'égaroit de la droite voie « de la >> religion chrétienne, simple et précise par elle» même », dans ses dogmes et dans sa conduite, C'est que l'Eglise véritable avoit une majesté et une droiture que les hérésies ne les hérésies ne pouvoient ni imiter ni obscurcir; au contraire, sans y penser, elles rendoient témoignage à l'Eglise catholique. Constance, qui persécutoit saint Athanase défenseur de l'ancienne foi, « souhaitoit avec ardeur, dit Ammian » Marcellin (3), de le faire condamner par l'autorité qu'avoit l'évêque de Rome au-dessus des autres ». En recherchant de s'appuyer de cette autorité, il faisoit sentir aux païens mêmes ce qui manquoit à sa secte, et honoroit l'Eglise dont les Ariens s'étoient séparés ainsi les Gentils mêmes connoissoient l'Eglise catholique. Si quelqu'un leur demandoit où elle tenoit ses assemblées, et quels étoient ses évêques, jamais ils ne s'y trompoient. Pour les hérésies, quoi qu'elles fissent, elles ne pouvoient se défaire du

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(1) Euseb. Hist. Eccl. lib. vii, cap. 30. — (2) Amm. Marc. lib. xx1, cap. 16.. (3) Id. lib. xv, cap. 7.

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nom de leurs auteurs. Les Sabelliens, les Paulianistes, les Ariens, les Pélagiens, et les autres s'offensoient en vain du titre de parti qu'on leur donnoit. Le monde, malgré qu'ils en eussent, vouloit parler naturellement, et désignoit chaque secte par celui dont elle tiroit sa naissance. Pour ce qui est de la grande Eglise, de l'Eglise catholique et apostolique, il n'a jamais été possible de lui nommer un autre auteur que Jésus-Christ même, ni de lui marquer les premiers de ses pasteurs sans remonter jusqu'aux apôtres, ni de lui donner un autre nom que celui qu'elle prenoit. Ainsi quoi que fissent les hérétiques, ils ne la pouvoient cacher aux païens. Elle leur ouvroit son sein par toute la terre : ils y accouroient en foule.. Quelques-uns d'eux se perdoient peut-être dans les sentiers détournés : mais l'Eglise catholique étoit la grande voie où entroient toujours la plupart de ceux qui cherchoient Jésus-Christ; et l'expérience a fait voir que c'étoit à elle qu'il étoit donné de rassembler les Gentils. C'étoit elle aussi que les empereurs infidèles attaquoient de toute leur force. Origène nous apprend que peu d'hérétiques ont eu à souffrir pour la foi (1). Saint Justin, plus ancien que lui, a remarqué que la persécution épargnoit les Marcionites et les autres hérétiques (2). Les païens ne persécutoient que l'Eglise qu'ils voyoient s'étendre par toute la terre, et ne connoissoient qu'elle seule pour l'Eglise de Jésus-Christ. Qu'importe qu'on lui arrachât quelques branches? sa bonne sève ne se perdoit pas pour cela : elle poussoit par d'autres en

(1) Orig. cont. Cels. lib. vii, n. 4o; tom. 1, pag. 722. (2) Just. Apol. 11, nunc 1, n. 26; pag. 59.

droits, et le retranchement du bois superflu ne faisoit que rendre ses fruits meilleurs. En effet, si on considère l'histoire de l'Eglise, on verra que toutes les fois qu'une hérésie l'a diminuée, elle a réparé ses pertes, et en s'étendant au dehors, et en augmentant au dedans la lumière et la piété, pendant qu'on a vu sécher en des coins écartés les branches coupées. Les œuvres des hommes ont péri malgré l'enfer qui les soutenoit : l'œuvre de Dieu a subsisté : l'Eglise a triomphé de l'idolâtrie et de toutes les erreurs.

CHAPITRE XXVII.

Réflexion générale sur la suite de la religion, et sur le rapport qu'il y a entre les livres de l'Ecriture.

CETTE Eglise toujours attaquée, et jamais vaincue, est un miracle perpétuel, et un témoignage éclatant de l'immutabilité des conseils de Dieu. Au milieu de l'agitation des choses humaines, elle se soutient toujours avec une force invincible, en sorte que, par une suite non interrompue depuis près de dixsept cents ans, nous la voyons remonter jusqu'à Jésus-Christ, dans lequel elle a recueilli la succession de l'ancien peuple, et se trouve réunie aux prophètes et aux patriarches.

Ainsi tant de miracles étonnans, que les anciens Hébreux ont vus de leurs yeux, servent encore aujourd'hui à confirmer notre foi. Dieu, qui les a faits pour rendre témoignage à son unité et à sa toutepuissance, que pouvoit-il faire de plus authentique pour en conserver la mémoire, que de laisser entre les mains de tout un grand peuple les actes qui

les attestent rédigés par l'ordre des temps? C'est ce que nous avons encore dans les livres de l'ancien Testament, c'est-à-dire, dans les livres les plus anciens qui soient au monde ; dans les livres qui sont les seuls de l'antiquité où la connoissance du vrai Dieu soit enseignée, et son service ordonné; dans les livres que le peuple Juif a toujours si religieusement gardés, et dont il est encore aujourd'hui l'inviolable porteur par toute la terre.

Après cela, faut-il croire les fables extravagantes des auteurs profanes sur l'origine d'un peuple si noble et si ancien? Nous avons déjà remarqué (1) que l'histoire de sa naissance et de son empire finit où commence l'histoire grecque; en sorte qu'il n'y a rien à espérer de ce côté-là pour éclaircir les affaires des Hébreux. Il est certain que les Juifs et leur religion ne furent guère connus des Grecs qu'après que leurs livres sacrés eurent été traduits en cette langue, et qu'ils furent eux-mêmes répandus dans les villes grecques, c'est-à-dire deux à trois cents ans avant Jésus-Christ. L'ignorance de la divinité étoit alors si profonde parmi les Gentils, que leurs plus habiles écrivains ne pouvoient pas même comprendre quel Dieu adoroient les Juifs. Les plus équitables leur donnoient pour Dieu les nues et le ciel, parce qu'ils y levoient souvent les yeux, comme au lieu où se déclaroit le plus hautement la toute-puissance de Dieu, et où il avoit établi son trône. Au reste, la religion judaïque étoit si singulière et si opposée à toutes les autres; les lois, les sabbats, les fêtes et toutes les mœurs de ce peuple étoient si particulières,

(1) Epoque vin, an de Rome 305. Voy. ci-dessus, pag. 59.

qu'ils s'attirèrent bientôt la jalousie et la haine de ceux parmi lesquels ils vivoient. On les regardoit comme une nation qui condamnoit toutes les autres. La défense qui leur étoit faite de communiquer avec les Gentils en tant de choses, les rendoit aussi odieux qu'ils paroissoient méprisables. L'union qu'on voyoit entre eux, la relation qu'ils entretenoient tous si soigneusement avec le chef de leur religion, c'est-à-dire, Jérusalem, son temple et ses pontifes, et les dons qu'ils y envoyoient de toutes parts, les rendoient suspects; ce qui, joint à l'ancienne haine des Egyptiens contre ce peuple si maltraité de leurs rois et délivré par tant de prodiges de leur tyrannie, fit inventer des contes inouis sur son origine, que chacun cherchoit à sa fantaisie, aussi bien que les interprétations de leurs cérémonies, qui étoient, si particulières, et qui paroissoient si bizarres lorsqu'on n'en connoissoit pas le fond et les sources. La Grèce, comme on sait, étoit ingénieuse à se tromper et à s'amuser agréablement elle-même; et de tout cela sont venues les fables que l'on trouve dans Justin, dans Tacite, dans Diodore de Sicile, et dans les autres de pareille date qui ont paru curieux dans les affaires des Juifs, quoiqu'il soit plus clair que le jour qu'ils écrivoient sur des bruits confus, après une longue suite de siècles interposés, sans connoître leurs lois, leur religion, leur philosophie, sans avoir entendu leurs livres, et peut-être sans les avoir seulement ouverts.

Cependant, malgré l'ignorance et la calomnie, il demeurera pour constant que le peuple Juif est le seul qui ait connu dès son origine le Dieu créateur

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