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du ciel et de la terre; le seul par conséquent qui devoit être le dépositaire des secrets divins. Il les a aussi conservés avec une religion qui n'a point d'exemple. Les livres que les Egyptiens et les autres peuples appeloient divins, sont perdus il y a longtemps, et à peine nous en reste-t-il quelque mémoire confuse dans les histoires anciennes. Les livres sacrés des Romains, où Numa auteur de leur religion en avoit écrit les mystères, ont péri par les mains des Romains mêmes, et le sénat les fit brûler comme tendans à renverser la religion (1). Ces mêmes Romains ont à la fin laissé périr les livres Sibyllins, si longtemps révérés parmi eux comme prophétiques, et. où ils vouloient qu'on crût qu'ils trouvoient les décrets des dieux immortels sur leur empire, sans pourtant en avoir jamais montré au public, je ne dis pas un seul volume, mais un seul oracle. Les Juifs ont été les seuls dont les Ecritures sacrées ont été d'autant plus en vénération, qu'elles ont été plus connues. De tous les peuples anciens, ils sont le seul qui ait conservé les monumens primitifs de sa religion, quoiqu'ils fussent pleins des témoignages de leur infidélité et de celle de leurs ancêtres. Et aujourd'hui encore ce même peuple reste sur la terre pour porter à toutes les nations où il a été dispersé, avec la suite de la religion, les miracles et les prédictions qui la rendent inébranlable.

Quand Jésus-Christ est venu, et qu'envoyé par son Père pour accomplir les promesses de la loi, il a confirmé sa mission et celle de ses disciples par

(1) Tit. Liv. lib. XL. cap. 29. Varr. lib. de cultu Deor. apud Aug. de Civ. Dei, lib. v11, cap. xxxiv ; tom. viì, col. 187.

des miracles nouveaux ; ils ont été écrits avec la même exactitude. Les actes en ont été publiés à toute la terre, les circonstances des temps, des personnes et des lieux ont rendu l'examen facile à quiconque a été soigneux de son salut. Le monde s'est informé, le monde a cru; et si peu qu'on ait considéré les anciens monumens de l'Eglise, on avouera que jamais affaire n'a été jugée avec plus de réflexion et de connoissance.

Mais dans le rapport qu'ont ensemble les livres des deux Testamens, il y a une différence à considérer; c'est que les livres de l'ancien peuple ont été composés en divers temps. Autres sont les temps de Moïse, autres ceux de Josué et des Juges, autres ceux des Rois : autres ceux où le peuple a été tiré d'Egypte, et où il a reçu la loi, autres ceux où il a conquis la Terre-promise, autres ceux où il y a été rétabli par des miracles visibles. Pour convaincre l'incrédulité d'un peuple attaché aux sens, Dieu a pris une longue étendue de siècles durant lesquels il a distribué ses miracles et ses prophètes, afin de renouveler souvent les témoignages sensibles par lesquels il attestoit ses vérités saintes. Dans le nouveau Testament il a suivi une autre conduite. Il ne veut plus rien révéler de nouveau à son Eglise après Jésus-Christ. En lui est la perfection et la plénitude; et tous les livres divins qui ont été composés dans la nouvelle alliance, l'ont été au temps des apôtres.

C'est-à-dire que le témoignage de Jésus-Christ, et de ceux que Jésus-Christ même a daigné choisir pour témoins de sa résurrection, a suffi à l'Eglise

chrétienne. Tout ce qui est venu depuis l'a édifiée; mais elle n'a regardé comme purement inspiré de Dieu que ce que les apôtres ont écrit, ou ce qu'ils ont confirmé par leur autorité.

Mais dans cette différence qui se trouve entre les livres des deux Testamens, Dieu a toujours gardé cet ordre admirable, de faire écrire les choses dans le temps qu'elles étoient arrivées, ou que la mémoire en étoit récente. Ainsi ceux qui les savoient les ont écrites; ceux qui les savoient ont reçu les livres qui en rendoient témoignage : les uns et les autres les ont laissés à leurs descendans comme un héritage précieux; et la pieuse postérité les a conservés.

C'est ainsi que s'est formé le corps des Ecritures saintes tant de l'ancien que du nouveau Testament : Ecritures qu'on a regardées, dès leur origine, comme véritables en tout, comme données de Dieu même, et qu'on a aussi conservées avec tant de religion, qu'on n'a pas cru pouvoir sans impiété y altérer une seule lettre.

C'est ainsi qu'elles sont venues jusqu'à nous, toujours saintes, toujours sacrées, toujours inviolables; conservées les unes par la tradition constante du peuple Juif, et les autres par la tradition du peuple Chrétien, d'autant plus certaine, qu'elle a été confirmée par le sang et par le martyre tant de ceux qui ont écrit ces livres divins, que de ceux qui les ont reçus.

Saint Augustin et les autres Pères demandent sur la foi de qui nous attribuons les livres pro

fanes à des temps et à des auteurs certains (1). Chacun répond aussitôt que les livres sont distingués par les différens rapports qu'ils ont aux lois, aux coutumes, aux histoires d'un certain temps, par le style même qui porte imprimé le caractère des âges et des auteurs particuliers; plus que tout cela par la foi publique, et par une tradition constante. Toutes ces choses concourent à établir les livres divins, à en distinguer les temps, à en marquer les auteurs; et plus il y a eu de religion à les conserver dans leur entier, plus la tradition qui nous les conserve est incontestable (2).

Aussi a-t-elle toujours été reconnue, non-seulement par les orthodoxes, mais encore par les hérétiques, et même par les infidèles. Moïse a toujours passé dans tout l'Orient, et ensuite dans tout l'univers pour le législateur des Juifs, et pour l'auteur des livres qu'ils lui attribuent. Les Samaritains, qui les ont reçus des dix tribus séparées, les ont conservés aussi religieusement que les Juifs leur tradition et leur histoire est constante, et il ne faut que repasser sur quelques endroits de la première partie (3) pour en voir toute la suite.

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Deux peuples si opposés n'ont pas pris l'un de

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(1) Aug. cont. Faust. lib. x1, cap. 2. XXXII. 21. XXXIII. 6; tom. vIII, col. 218, 462, et seq.2) Iren. adv. Hæres. lib. 111, c. 1, 2, p. 173, etc. Tertul. adv. Marc. lib. iv, c. 1, 4, 5. Aug. de utilit. cred. cap. 111, XVII, n. 5, 35; tom. vin, col. 48, 68. Cont. Faustum Manichæum, lib. xx11, cap. 79. xxviii. 4. xxxii, xxxш; ibid. col. 409, 439 et seq. Cont. adv. Leg. et Proph. lib. 1, cap. xx, n. 39, etc. ibid. col. 570.

(3) Voyez ci-dessus, I.re part. Epoque VII, VIII, IX; an du monde 3000, et de Romc 218, 305, 604, 624, etc.

l'autre ces livres divins; tous les deux les ont reçus de leur origine commune dès les temps de Salomon et de David. Les anciens caractères hébreux, que les Samaritains retiennent encore, montrent assez qu'ils n'ont pas suivi Esdras qui les a changés. Ainsi le Pentateuque des Samaritains et celui des Juifs sont deux originaux complets, indépendans l'un de l'autre. La parfaite conformité qu'on y voit dans la substance du texte, justifie la bonne foi des deux peuples. Ce sont des témoins fidèles qui conviennent sans s'être entendus, ou, pour mieux dire, qui conviennent malgré leurs inimitiés, et que la seule tradition immémoriale de part et d'autre a unis dans la même pensée.

Ceux donc qui ont voulu dire, quoique sans aucune raison, que ces livres étant perdus, ou n'ayant jamais été, ont été ou rétablis, ou composés de nouveau, ou altérés par Esdras; outre qu'ils sont démentis par Esdras même, le sont aussi par le Pentateuque qu'on trouve encore aujourd'hui entre les mains des Samaritains tel que l'avoient lu, dans les premiers siècles, Eusèbe de Césarée, saint Jérôme, et les autres auteurs ecclésiastiques; tel que ces peuples l'avoient conservé dès leur origine : et une secte si foible semble ne durer si long-temps que pour rendre ce témoignage à l'antiquité de Moïse.

Les auteurs qui ont écrit les quatre Evangiles ne reçoivent pas un témoignage moins assuré du consentement unanime des fidèles, des païens, et des hérétiques. Ce grand nombre de peuples divers, qui ont reçu et traduit ces livres divins aussitôt qu'ils ont été faits, conviennent tous de leur date et de

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