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Rome.

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dev.

J. C.

précédens, de plusieurs célestes visions où il vit passer devant lui en figures si manifestes tant de rois et tant d'empires, apprit, par une nouvelle révélation, ces septante fameuses semaines, où les temps du Christ et la destinée du peuple Juif sont expliqués. C'étoit des semaines d'années, si bien qu'elles contenoient quatre cent quatre-vingtdix ans ; et cette manière de compter étoit ordinaire aux Juifs, qui observoient la septième année aussi bien que le septième jour avec un repos 536 religieux. Quelque temps après cette vision, Cyaxare mourut, aussi bien que Cambyse père de Cyrus; et ce grand homme, qui leur succéda, joignit le royaume de Perse, obscur jusqu'alors, au royaume des Mèdes si fort augmenté par ses conquêtes. Ainsi il fut maître paisible de tout l'Orient, et fonda le plus grand empire qui eût été dans le monde. Mais ce qu'il faut le plus remarquer, pour la suite de nos époques, c'est que ce grand conquérant, dès la première année de son règne, donna son décret pour rétablir le temple de Dieu en Jérusalem, et les Juifs dans la Judée.

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Il faut un peu s'arrêter en cet endroit, qui est le plus embrouillé de toute la chronologie ancienne, par la difficulté de concilier l'histoire profane avec l'histoire sainte. Vous aurez sans doute, Monseigneur, déjà remarqué, que ce que je raconte de Cyrus est fort différent de ce que vous en avez lu dans Justin; qu'il ne parle point du second royaume des Assyriens, ni de ces fameux rois d'Assyrie et de Babylone, si célèbres

dans l'histoire sainte; et qu'enfin mon récit ne s'accorde guère avec ce que nous raconte cet auteur des trois premières monarchies, de celle des Assyriens finie en la personne de Sardanapale, de celle des Mèdes finie en la personne d'Astyage grand-père de Cyrus, et de celle des Perses commencée par Cyrus et détruite par Alexandre.

Vous pouvez joindre à Justin, Diodore avec la plupart des auteurs grecs et latins, dont les écrits nous sont restés, qui racontent ces histoires d'une autre manière que celle que j'ai suivie, comme plus conforme à l'Ecriture.

Mais ceux qui s'étonnent de trouver l'histoire profane en quelques endroits peu conforme à l'histoire sainte, devoient remarquer en même temps qu'elle s'accorde encore moins avec ellemême. Les Grecs nous ont raconté les actions de Cyrus en plusieurs manières différentes. Hérodote en remarque trois, outre celle qu'il a suivie (1), et il ne dit pas qu'elle soit écrite par des auteurs plus anciens ni plus recevables que les autres. Il remarque encore lui-même (2) que la mort de Cyrus est racontée diversement, et qu'il a choisi la manière qui lui a paru la plus vraisemblable, sans l'autoriser davantage. Xénophon, qui a été en Perse au service du jeune Cyrus frère d'Artaxerxès nommé Mnémon, a pu s'instruire de plus près de la vie et de la mort de l'ancien Cyrus, dans les annales des Perses et dans la tradition de ce pays; et pour peu qu'on soit instruit de l'antiquité, on n'hésitera pas

(1) Herod. lib. 1, c. 95. — (2) Ibid. c. 214.

préférer, avec saint Jérôme (1), Xénophon, un si sage philosophe, aussi bien qu'un si habile capitaine, à Ctésias auteur fabuleux, que la plupart des Grecs ont copié, comme Justin et les Latins ont fait les Grecs; et plutôt même qu'Hérodote, quoiqu'il soit très-judicieux. Ce qui me détermine à ce choix, c'est que l'histoire de Xénophon, plus suivie et plus vraisemblable en elle-même, a encore cet avantage qu'elle est plus conforme à l'Ecriture, qui par son antiquité, et par le rapport des affaires du peuple Juif avec celles de l'Orient, mériteroit d'être préférée à toutes les histoires grecques, quand d'ailleurs on ne sauroit pas qu'elle a été dictée par le Saint-Esprit..

Quant aux trois premières monarchies, ce qu'en ont écrit la plupart des Grecs a paru douteux aux plus sages de la Grèce. Platon fait voir en général, sous le nom des prêtres d'Egypte, que les Grecs ignoroient profondément les antiquités (2); et Aristote a rangé parmi les conteurs de fables (3), ceux qui ont écrit les Assyriaques.

C'est que les Grecs ont écrit tard; et que voulant divertir par les histoires anciennes la Grèce toujours curieuse, ils les ont composées sur des mémoires confus, qu'ils se sont contentés de mettre dans un ordre agréable, sans se trop soucier de la vérité.

Et certainement la manière dont on arrange ordinairement les trois premières monarchies est visiblement fabuleuse. Car après qu'on a fait périr

(1) Hier. in Dan. cap. v: tom. 11, col. 1091.—(2) Plat. in Tim. (3) Aristot. Polit. lib. v, cap. 10.

sous Sardanapale l'empire des Assyriens, on fait paroître sur le théâtre les Mèdes, et puis les Perses; comme si les Mèdes avoient succédé à toute la puissance des Assyriens, et que les Perses se fussent établis en ruinant les Mèdes.

Mais, au contraire, il paroît certain que lorsqu'Arbace révolta les Mèdes contre Sardanapale, il ne fit que les affranchir, sans leur soumettre l'empire d'Assyrie. Hérodote distingue le temps de leur affranchissement d'avec celui de leur premier roi Déjocès (1), et selon la supputation des plus habiles chronologistes, l'intervalle entre ces deux temps doit avoir été environ de quarante ans. Il est d'ailleurs constant, par le témoignage -uniforme de ce grand historien et de Xénophon (2), pour ne point ici parler des autres, que durant les temps qu'on attribue à l'empire des Mèdes, il y avoit en Assyrie des rois trèspuissans que tout l'Orient redoutoit, et dont Cyrus abattit l'empire par la prise de Babylone.

Si donc la plupart des Grecs, et les Latins qui les ont suivis, ne parlent point de ces rois Babyloniens; s'ils ne donnent aucun rang à ce grand royaume parmi les premières monarchies dont ils racontent la suite; enfin si nous ne voyons presque rien, dans leurs ouvrages, de ces fameux rois Teglathphalasar, Salmanasar, Sennacherib, Nabuchodonosor, et de tant d'autres si renommés dans l'Ecriture et dans les histoires orientales; il le faut attribuer, ou à l'ignorance des

(1) Herod. lib. 1, c. 96.- (2) Herod. lib. 1. Xenoph. Cyrop. lib. v, vi, etc.

"

Grecs plus éloquens dans leurs narrations que curieux dans leurs recherches, ou à la perte que nous avons faite de ce qu'il y avoit de plus recherché et de plus exact dans leurs histoires.

En effet, Hérodote avoit promis une histoire particulière des Assyriens (1), que nous n'avons pas, soit qu'elle ait été perdue, ou qu'il n'ait pas eu le temps de la faire; et on peut croire d'un historien si judicieux, qu'il n'y auroit pas oublié les rois du second empire des Assyriens, puisque même Sennachérib, qui en étoit l'un, se trouve encore nommé dans les livres que nous avons de ce grand auteur (2), comme roi des Assyriens et des Arabes.

Strabon, qui vivoit du temps d'Auguste, rapporte (3) ce que Mégasthène, auteur ancien et voisin des temps d'Alexandre, avoit laissé par écrit sur les fameuses conquêtes de Nabuchodonosor roi des Chaldéens, à qui il fait traverser l'Europe, pénétrer l'Espagne, et porter ses armes jusqu'aux Colonnes d'Hercule. Elien nomme Tilgamus roi d'Assyrie (4), c'est-à-dire sans difficulté le Tilgath ou le Teglath de l'histoire sainte ; et nous avons dans Ptolomée un dénombrement des princes qui ont tenu les grands empires, parmi lesquels se voit une longue suite de rois d'Assyrie inconnus aux Grecs, et qu'il est aisé d'accorder avec l'histoire sacrée.

Si je voulois rapporter ce que nous racontent les annales des Syriens, un Bérose, un Abydénus, (2) Herod. lib. 11, c. 141. (3) Strab. lib. XV, init.. (4) Elian. Hist. Anim. lib. x11, c. 2.1.

(1) Herod. lib. 1, c. 106, 184.

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