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revêtus de leurs circonstances les plus particulières, et avancés non-seulement comme publics, mais encore comme présens, s'ils eussent pu être démentis, auroient porté avec eux leur condamnation; et au lieu qu'ils se soutiennent de leur propre poids, ils seroient tombés par eux-mêmes il y a long-temps. Secondement, parce que leurs dates étant une fois fixées, on ne peut plus effacer la marque infaillible d'inspiration divine qu'ils portent empreinte dans le grand nombre et la longue suite des prédictions mémorables dont on les trouve remplis.

C'est pour éviter ces miracles et ces prédictions, que les impies sont tombés dans toutes les absurdités qui vous ont surpris. Mais qu'ils ne pensent pas échapper à Dieu : il a réservé à son Ecriture une marque de divinité qui ne souffre aucune atteinte. C'est le rapport des deux Testamens. On ne dispute pas du moins que tout l'ancien Testament ne soit écrit devant le nouveau. Il n'y a point ici de nouvel Esdras qui ait pu persuader aux Juifs d'inventer ou de falsifier leur Ecriture en faveur des Chrétiens qu'ils persécutoient. Il n'en faut pas davantage. Par le rapport des deux Testamens, on prouve que l'un et l'autre est divin. Ils ont tous deux le même dessein et la même suite: l'un prépare la voie à la perfection que l'autre montre à découvert; l'un pose le fondement, et l'autre achève l'édifice; en un mot, l'un prédit ce que l'autre fait voir accompli.

Ainsi tous les temps sont unis ensemble, et un dessein éternel de la divine providence nous est révélé. La tradition du peuple Juif et celle du peuple Chrétien ne font ensemble qu'une même suite de

religion, et les Ecritures des deux Testamens ne font aussi qu'un même corps et un même livre.

CHAPITRE XXIX.

Moyen facile de remonter à la source de la religion, ct d'en trouver la vérité dans son principe.

Ces choses seront évidentes à qui voudra les considérer avec attention. Mais comme tous les esprits ne sont pas également capables d'un raisonnement suivi, prenons par la main les plus infirmes, et menons-les doucement jusqu'à l'origine.

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Qu'ils considèrent d'un côté les institutions chrétiennes, et de l'autre celles des Juifs : qu'ils en recherchent la source, en commençant par les nôtres, qui leur sont plus familières, et qu'ils regardent attentivement les lois qui règlent nos mœurs : qu'ils regardent nos Ecritures, c'est-à-dire les quatre Evangiles, les Actes des Apôtres, les Epîtres apostoliques et l'Apocalypse; nos sacremens, notre sacrifice, notre culte; et parmi les sacremens, le Baptême, où ils voient la consécration du Chrétien sous l'invocation expresse de la Trinité; l'Eucharistie, c'est-àdire un sacrement établi pour conserver la mémoire de la mort de Jésus-Christ, et de la rémission des péchés qui y est attachée : qu'ils joignent à toutes ces choses le gouvernement ecclésiastique, la société de l'Eglise chrétienne en général, les églises particulières, les évêques, les prêtres, les diacres préposés pour les gouverner. Des choses si nouvelles, si singulières, si universelles, ont sans doute une origine. Mais quelle origine peut-on leur donner,

sinon Jésus-Christ et ses disciples; puisqu'en remontant par degrés et de siècle en siècle, ou pour mieux dire d'année en année, on les trouve ici et non pas plus haut, et que c'est là que commencent, non-seulement ces institutions, mais encore le nom même de Chrétien. Si nous avons un Baptême, une Eucharistie, avec les circonstances que nous avons vues, c'est Jésus-Christ qui en est l'auteur. C'est lui qui a laissé à ses disciples ces caractères de leur profession, ces mémoriaux de ses œuvres, ces instrumens de sa grâce. Nos saints livres se trouvent tous publiés dès le temps des apôtres, ni plus tôt, ni plus tard; c'est en leur personne que nous trouvons la source de l'épiscopat. Que si, parmi nos évêques, il y en a un premier, on voit aussi une primauté parmi les apôtres ; et celui qui est le premier parmi nous est reconnu dès l'origine du christianisme pour le successeur de celui qui étoit déjà le premier sous Jésus-Christ même, c'est-à-dire de Pierre. J'avance hardiment ces faits, et même le dernier comme constant, parce qu'il ne peut jamais être contesté de bonne foi, non plus que les autres, comme il seroit aisé de le faire voir par ceux mêmes qui, par ignorance ou par esprit de contradiction, ont le plus chicané là-dessus.

Nous voilà donc à l'origine des institutions chrétiennes. Avec la même méthode remontons à l'origine de celles des Juifs. Comme là nous avons trouvé Jésus-Christ, sans qu'on puisse seulement songer à remonter plus haut; ici, par les mêmes voies et par les mêmes raisons, nous serons obligés de nous arrêBOSSUET. XXXV. 27

ter à Moïse, ou de remonter aux origines que Moïse nous a marquées.

Les Juifs avoient comme nous, et ont encore en partie, leurs lois, leurs observances, leurs sacremens, leurs Ecritures, leur gouvernement, leurs pontifes, leur sacerdoce, le service de leur temple. Le sacerdoce étoit établi dans la famille d'Aaron, frère de Moïse. D'Aaron et de ses enfans venoit la distinction des familles sacerdotales; chacun reconnoissoit sa tige, et tout venoit de la source d'Aaron, sans qu'on pût remonter plus haut. La Pâque ni les autres fêtes ne pouvoient venir de moins loin. Dans la Pâque, tout rappeloit à la nuit où le peuple avoit été affranchi de la servitude d'Egypte, et où tout se préparoit à sa sortie. La Pentecôte ramenoit aussi jour pour jour le temps où la loi avoit été donnée, c'est-à-dire la cinquantième journée après la sortie d'Egypte. Un même nombre de jours séparoit encore ces deux solennités. Les tabernacles, ou les tentes de feuillages verts, où de temps immémorial le peuple demeuroit tous les ans sept jours et sept nuits entières, étoient l'image du long campement dans le désert durant quarante ans; et il n'y avoit, parmi les Juifs, ni fête, ni sacrement, ni cérémonie qui n'eût été instituée ou confirmée par Moïse, et qui ne portât encore, pour ainsi dire, le nom et le caractère de ce grand législateur.

Ces religieuses observances n'étoient pas toutes de même antiquité. La circoncision, la défense de manger du sang, le sabbat même étoient plus anciens que

Moïse et que la loi, comme il paroît par l'Exode (1); mais le peuple savoit toutes ces dates, et Moïse les avoit marquées. La circoncision menoit à Abraham, à l'origine de la nation, à la promesse de l'alliance (2). La défense de manger du sang menoit à Noé et au déluge (3); et les révolutions du sabbat, à la création de l'univers, et au septième jour béni de Dieu, où il acheva ce grand ouvrage (4). Ainsi tous les grands événemens, qui pouvoient servir à l'instruction des fidèles, avoient leur mémorial parmi les Juifs; et ces anciennes observances, mêlées avec celles que Moïse avoit établies, réunissoient dans le peuple de Dieu toute la religion des siècles passés.

Une partie de ces observances ne paroissent plus à présent dans le peuple Juif. Le temple n'est plus, et avec lui devoient cesser les sacrifices et même le sacerdoce de la loi. On ne connoît plus parmi les Juifs d'enfans d'Aaron, et toutes les familles sont confondues. Mais puisque tout cela étoit encore en son entier lorsque Jésus-Christ est venu, et que constamment il rapportoit tout à Moïse, il n'en faudroit pas davantage pour demeurer convaincu qu'une chose si établie venoit de bien loin, et de l'origine même de la nation.

Qu'ainsi ne soit; remontons plus haut, et parcourons toutes les dates où l'on nous pourroit arrêter. D'abord on ne peut aller moins loin qu'Esdras. Jésus-Christ a paru dans le second temple, et c'est constamment du temps d'Esdras qu'il a été rebâti. Jésus-Christ n'a cité de livres que ceux que les Juifs

(1) Exod. xvi. 23. — (2) Gen. xvп. 11. — (3) Ibid. 1x. 4. — (4) Ibid.

11. 3.

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