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́an Nicolas de Damas, je ferois un trop long discours. Joseph et Eusèbe de Césarée nous ont conservé les précieux fragmens de tous ces auteurs (1), et d'une infinité d'autres qu'on avoit entiers de leurs temps, dont le témoignage confirme ce que nous dit l'Ecriture sainte touchant les antiquités orientales, et en particulier touchant les histoires assyriennes.

Pour ce qui est de la monarchie des Mèdes, que la plupart des historiens profanes mettent la seconde dans le dénombrement des grands empires, comme séparée de celle des Perses, il est certain que l'Ecriture les unit toujours ensemble; et vous voyez, Monseigneur, qu'outre l'autorité des livres saints, le seul ordre des faits montre que c'est à cela qu'il s'en faut tenir,

Les Mèdes avant Cyrus, quoique puissans et considérables, étoient effacés par la grandeur des rois de Babylone. Mais Cyrus ayant conquis leur royaume par les forces réunies des Mèdes et des Perses, dont il est ensuite devenu le maître par une succession légitime, comme nous l'avons remarqué après Xénophon, il paroît que le grand empire dont il a été le fondateur a dû prendre son nom des deux nations: de sorte que celui des Mèdes et celui des Perses ne sont que la même chose, quoique la gloire de Cyrus y ait fait prévaloir le nom des Perses.

On peut encore penser qu'avant la guerre de Babylone, les rois des Mèdes ayant étendu leurs

(1) Joseph. Ant. lib. 1x, c. ult. et lib. x, c. 11: lib. 1 cont. Apion. Euseb. Præp. Evang. lib, 1x.

conquêtes du côté des colonies grecques de l'Asic mineure, ont été par ce moyen célèbres parmi les Grecs, qui leur ont attribué l'empire de la grande Asie, parce qu'ils ne connoissoient qu'eux de tous les rois d'Orient. Cependant les rois de Ninive et de Babylone, plus puissans, mais plus inconnus à la Grèce, ont été presque oubliés dans ce qui nous reste d'histoires grecques; et tout le temps qui s'est écoulé depuis Sardanapale jusqu'à Cyrus, a été donné aux Mèdes seuls.

Ainsi, il ne faut plus tant se donner de peine à concilier en ce point l'histoire profane avec l'histoire sacrée. Car quant à ce qui regarde le premier royaume des Assyriens, l'Ecriture n'en dit qu'un mot en passant, et ne nomme ni Ninus fondateur de cet empire, ni, à la réserve de Phul, aucun de ses successeurs, parce que leur histoire n'a rien de commun avec celle du peuple de Dieu. Pour les seconds Assyriens, la plupart des Grecs ou les ont entièrement ignorés, ou, pour ne les avoir pas assez connus, ils les ont confondus avec

les premiers.

Quand donc on objectera ceux des auteurs grecs qui arrangent à leur fantaisie les trois premières monarchies, et qui font succéder les Mèdes à l'ancien empire d'Assyrie, sans parler du nouveau, que l'Ecriture fait voir si puissant, il n'y a qu'à répondre qu'ils n'ont point connu cette partie de l'histoire, et qu'ils ne sont pas moins. contraires aux plus curieux et aux mieux instruits des auteurs de leur nation, qu'à l'Ecriture.

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Et, ce qui tranche en un mot toute la difficulté,

les auteurs sacrés, plus voisins par les temps et par les lieux, des royaumes d'Orient, écrivant d'ailleurs l'histoire d'un peuple dont les affaires sont si mêlées avec celles de ces grands empires, quand ils n'auroient que cet avantage, pourroient faire taire les Grecs, et les Latins qui les ont suivis.

Si toutefois on s'obstine à soutenir cet ordre célèbre des trois premières monarchies, et que pour garder aux Mèdes seuls le second rang qui leur est donné, on veuille leur assujettir les rois de Babylone, en avouant toutefois qu'après environ cent ans de sujétion, ceux-ci se sont affranchis par une révolte; on sauve en quelque façon la suite de l'histoire sainte, mais on ne s'accorde guère avec les meilleurs historiens profanes, auxquels l'histoire sainte est plus favorable en ce qu'elle unit toujours l'empire des Mèdes à celui des Perses.

Il reste encore à vous découvrir une des causes de l'obscurité de ces anciennes histoires. C'est que comme les rois d'Orient prenoient plusieurs noms, ou si vous voulez plusieurs titres, qui ensuite leur tenoient lieu de nom propre, et que les peuples les traduisoient ou les prononçoient différemment, selon les divers idiomes de chaque langue; des histoires si anciennes, dont il reste si peu de bons mémoires, ont dû être par-là fort obscurcies. La confusion des noms en aura sans doute beaucoup mis dans les choses mêmes, et dans les personnes; et de là vient la peine qu'on a de situer dans l'histoire grecque, les rois qui ont eu le nom d'Assuérus, autant inconnu aux Grecs que connu aux Orientaux.

Qui croiroit en effet que Cyaxare fût le même nom qu'Assuérus, composé du mot Ky, c'est-àdire, Seigneur, et du mot Axare, qui revient manifestement à Axuérus, ou Assuérus? Trois ou quatre princes ont porté ce nom, quoiqu'ils en eussent encore d'autres. Ainsi il n'y a nul doute que Darius le Mède ne puisse avoir été un Assuérus ou Cyaxare: et tout cadre à lui donner un de ces deux noms. Si on n'étoit averti que Nabuchodonosor, Nabucodrosor, et Nabocolassar, ne sont que le même nom, ou que le nom du même homme, on auroit peine à le croire ; et cependant la chose est certaine. C'est un nom tiré de Nabo, un des dieux que Babylone adoroit, et qu'on inséroit dans les noms des rois en différentes manières. Sargon est Sennacherib; Ozias est Azarias; Sédécias est Mathanias; Joachas s'appeloit aussi Sellum on croit que Sous ou Sua est le même que Sabacon roi d'Ethiopie : Asaraddon, qu'on prononce indifféremment Esar-Haddon ou Asorhaddan, est nommé Asénaphar par les Cuthéens(): on croit que Sardanapale est le même que quelques historiens ont nommé Sarac et par une bizarrerie dont on ne sait point l'origine, ce même roi se trouve nommé par les Grecs Tonos-Concoléros. Nous avons déjà remarqué, que Sardanapale étoit vraisemblablement Sardan fils de Phul ou Pul. Mais qui sait si ce Pul ou Phul, dont il est parlé dans l'histoire sainte (2), n'est pas le même que Phalasar? Car

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(1) I. Esdr. 1v. 2, 10. - (2) IV. Reg. xv. 19. I. Paralip. v. 26.

une

une des manières de varier ces noms étoit de les abréger, de les alonger, de les terminer en diverses inflexions, selon le génie des langues. Ainsi Teglath-Phalasar, c'est-à-dire Teglath fils de Phalasar, pourroit être un des fils de Phul, qui, plus vigoureux que son frère Sardanapale, auroit conservé une partie de l'empire qu'on auroit ôté à sa maison. On pourroit faire une longue liste des Orientaux, dont chacun a eu, dans les histoires, plusieurs noms différens mais il suffit d'être instruit en général de cette coutume. Elle n'est pas inconnue aux Latins, parmi lesquels les titres et les adoptions ont multiplié les noms en tant de sortes. Ainsi le titre d'Auguste et celui d'Africain sont devenus les noms propres de César Octavien et des Scipions: ainsi les Nérons ont été Césars. La chose n'est pas douteuse, et une plus longue discussion d'un fait si constant est inutile.:

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Pour ceux qui s'étonneront de ce nombre infini d'années que les Egyptiens se donnent euxmêmes, je les renvoie à Hérodote, qui nous assure précisément, comme on vient de voir, que leur histoire n'a de certitude que depuis le temps de Psammitique (1); c'est-à-dire six à sept cents ans avant Jésus-Christ. Que si l'on se trouve embarrassé de la durée que le commun donne au premier empire des Assyriens, il n'y a qu'à se souvenir qu'Hérodote l'a réduite à cinq cent vingt ans (2), et qu'il est suivi par Denys d'Halicarnasse,

(1) Herod. lib. 11, c. 154. (2) Lib. 1, c. 95.

BOSSUET. XXXV.

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