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la romaine; et ce qui vous étoit plus important, on vous a montré avec soin l'histoire de ce grand royaume, que vous êtes obligé de rendre heureux. Mais de peur que ces histoires et celles que vous avez encore à apprendre ne se confondent dans votre esprit, il n'y a rien de plus nécessaire que de vous représenter distinctement, mais en raccourci, toute la suite des siècles.

Cette manière d'histoire universelle est à l'égard des histoires de chaque pays et de chaque peuple, ce qu'est une carte générale à l'égard des cartes particulières. Dans les cartes particulières vous voyez tout le détail d'un royaume, ou d'une province en elle-même : dans les cartes universelles vous apprenez à situer ces parties du monde dans leur tout; vous voyez ce que Paris ou l'Ile de France est dans le royaume, ce que le royaume est dans l'Europe, et ce que l'Europe est dans l'univers.

Ainsi les histoires particulières représentent la suite des choses qui sont arrivées à un peuple dans tout leur détail : mais afin de tout entendre, il faut savoir le rapport que chaque histoire peut avoir avec les autres; ce qui se fait par un abrégé, où l'on voie, comme d'un coup d'œil, tout l'ordre des temps.

Un tel abrégé, Monseigneur, vous propose un grand spectacle. Vous voyez tous les siècles précédens se développer, pour ainsi dire, en peu d'heures devant vous: vous voyez comme les empires se succèdent les uns aux autres; et comme la religion, dans ses différens états, se soutient

également depuis le commencement du monde jusqu'à notre temps.

C'est la suite de ces deux choses, je veux dire celle de la religion et celle des empires, que vous devez imprimer dans votre mémoire; et comme la religion et le gouvernement politique sont les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses renferme dans un abrégé, et en découvrir par ce moyen tout l'ordre et toute la suite, c'est comprendre dans sa pensée tout ce qu'il y a de grand parmi les hommes, et tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires de l'univers.

Comme donc, en considérant une carte universelle, vous sortez du pays où vous êtes né, et du lieu qui vous renferme, pour parcourir toute la terre habitable, que vous embrassez par la pensée avec toutes ses mers et tous ses pays; ainsi, en considérant l'abrégé chronologique, vous sortez des bornes étroites de votre âge, et vous vous étendez dans tous les siècles.

Mais de même que, pour aider sa mémoire dans la connoissance des lieux, on retient certaines villes principales, autour desquelles on place les autres, chacune selon sa distance ; ainsi, dans l'ordre des siècles, il faut avoir certains temps marqués par quelque grand événement auquel on rapporte tout le reste.

C'est ce qui s'appelle EPOQUE, d'un mot grec qui signifie s'arrêter, parce qu'on s'arrête là, pour considérer comme d'un lieu de repos tout ce qui est arrivé devant ou après, et éviter par

ce moyen les anachronismes, c'est-à-dire cette sorte d'erreur qui fait confondre les temps.

Il faut d'abord s'attacher à un petit nombred'époques, telles que sont, dans les temps de l'histoire ancienne, Adam, ou la création; Noé, ou le déluge; la vocation d'Abraham, ou le commencement de l'alliance de Dieu avec les hommes; Moïse, ou la loi écrite; la prise de Troie; Salomon, ou la fondation du temple; Romulus, ou Rome bâtie; Cyrus, ou le peuple de Dieu délivré de la captivité de Babylone; Scipion, ou Carthage vaincue; la naissance de Jésus-Christ; Constantin, ou la paix de l'Eglise; Charlemagne, ou l'établissement du nouvel Empire.

Je vous donne cet établissement du nouvel Empire sous Charlemagne, comme la fin de l'histoire ancienne, parce que c'est là que vous verrez finir tout-à-fait l'ancien Empire romain. C'est pourquoi je vous arrête à un point si considérable de l'histoire universelle. La suite vous en sera proposée dans une seconde partie, qui vous menera jusqu'au siècle que nous voyons illustré par les actions immortelles du Roi votre père, et auquel l'ardeur que vous témoignez à suivre un si grand exemple, fait encore espérer un nouveau lustre.

Après vous avoir expliqué en général le dessein de cet ouvrage, j'ai trois choses à faire pour en tirer toute l'utilité que j'en espère.

Il faut, premièrement, que je parcoure avec vous les époques que je vous propose; et que vous marquant en peu de mots les principaux événe

mens qui doivent être attachés à chacune d'elles, j'accoutume votre esprit à mettre ces événemens dans leur place, sans y regarder autre chose que l'ordre des temps. Mais comme mon intention principale est de vous faire observer, dans cette suite des temps, celle de la religion et celle des grands empires: après avoir fait aller ensemble, selon le cours des années, les faits qui regardent ces deux choses, je reprendrai en particulier avec les réflexions nécessaires, premièrement ceux qui nous font entendre la durée perpétuelle de la religion, et enfin ceux qui nous découvrent les causes des grands changemens arrivés dans les empires.

Après cela, quelque partie de l'histoire ancienne que vous lisiez, tout vous tournera à profit. Il ne passera aucun fait dont vous n'aperceviez les conséquences. Vous admirerez la suite des conseils de Dieu dans les affaires de la religion : vous verrez aussi l'enchaînement des affaires humaines; et par-là vous connoîtrez avec combien de réflexion et de prévoyance elles doivent être gouvernées.

PREMIÈRE PARTIE.

LES ÉPOQUES, OU LA SUITE DES TEMPS.

PREMIÈRE ÉPOQUE.

Adam, ou la Création.

Premier age du monde.

Ans

du

Ans dev.

J. C.
I 4004

La première époque vous présente d'abord un grand spectacle: Dieu qui crée le ciel et la terre monde. par sa parole, et qui fait l'homme à son image. C'est par où commence Moïse, le plus ancien des historiens, le plus sublime des philosophes, et le plus sage des législateurs.

Il pose ce fondement tant de son histoire que de sa doctrine, et de ses lois. Après il nous fait voir tous les hommes renfermés en un seul homme, et sa femme même tirée de lui; la concorde des mariages et la société du genre humain établie sur ce fondement; la perfection et la puissance de l'homme, tant qu'il porte l'image de Dieu en son entier; son empire sur les animaux; son innocence tout ensemble et sa félicité dans le Paradis, dont la mémoire s'est conservée dans l'âge d'or des poètes; le précepte divin donné à nos premiers parens; la malice de l'esprit tentateur, et son apparition sous la forme du serpent; la chute d'Adam et d'Eve, funeste à toute leur postérité; le premier homme justement puni dans tous ses enfans, et le genre

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