Images de page
PDF
ePub

& la puiffance fe trouva encore reculée d'un degré.

Il y a plus: il paroît, par les capitulaires (a), que les comtes avoient des bénéfices attachés à leurs comtés, & des vaffaux fous eux. Quand les comtés furent héréditaires, ces vaffaux du comte ne furent plus les vaffaux immédiats du roi ; les bénéfices attachés aux comtés ne furent plus les bénéfices du roi; les comtes devinrent plus puiffans, parce que les vaffaux qu'ils avoient déjà les mirent en état de s'en procurer

d'autres.

Pour bien fentir l'affoibliffement qui en réfulta à la fin de la feconde race, il n'y a qu'à voir ce qui arriva au commencement de la troifieme, où la multiplication des arriere-fiefs mit les grands vaffaux au défefpoir.

C'étoit une coutume du royaume (b), que, quand les aînés avoient donné des partages à leurs cadets, ceux-ci en faifoient hommage à l'aîné; de maniere

(a) Le capitulaire 111, de l'an 812, art. 7 ; & celui de l'an 815, art. 6, fur les Espagnols; le recueil des capitulaires, liv. V, art. 228; & le capitul. de l'an 869, art. 2; & celui de l'an 877, art. 13, édit. de Baluze. (b) Comme il paroît par Othon de Frissfingue, des geftes de Frédéric, liv. II, chap. xXIX.

que le feigneur dominant ne les tenoit plus qu'en arriere-fief. Philippe Augufte, le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers, de Boulogne, de faint Paul, de Dampierre, & autres feigneurs, déclarerent (a) que dorénavant, foit que le fief fût divifé par fucceffion ou autrement, le tout releveroit toujours du même feigneur, fans aucun feigneur moyen. Cette ordonnance ne fut pas généralement fuivie; car, comme j'ai dit ailleurs, il étoit impoffible de faire, dans ces temps-là, des ordonnances générales mais plufieurs de nos coutumes fe réglerent là-deffus.

CHAPITRE XXIX.

De la nature des fiefs depuis le

J'AL

CHARLES LE CHAUVE.

regne

de

'AI dit que Charles le chauve voulut que, quand le poffeffeur d'un grand office ou d'un fief laifferoit en mourant un fils, l'office ou le fief lui fût donné. Il feroit difficile de fuivre le progrès des abus qui en résulterent, & de l'exten

(a) Voyez l'ordonnance de Philippe Augufte, de Fan 1209, dans le nouveau recueil,

[ocr errors]

fion qu'on donna à cette loi dans chaque pays. Je trouve, dans les livres (a) des fiefs, qu'au commencement du regne de l'empereur Conrad II, les fiefs, dans les pays de fa domination ne paffoient point aux petits-fils; ils paffoient feulement à celui des enfans (b) du dernier poffeffeur que le feigneur avoit choifi: ainfi les fiefs furent donnés par une espece d'élection, que le feigneur fit entre fes enfans.

J'ai expliqué, au chapitre XVII de ce livre, comment, dans la feconde race, la couronne fe trouvoit à certains égards élective, & à certains égards héréditaire. Elle étoit héréditaire, parce qu'on prenoit toujours les rois dans cette race; elle l'étoit encore, parce que les enfans fuccédoient : elle étoit élective, parce que le peuple choififfoit entre les enfans. Comme les chofes vont toujours de proche en proche, & qu'une loi politique a toujours du rapport à une autre loi politique, on fuivit (c), pour la fucceffion des fiefs, le même efprit que l'on avoit fuivi pour la fucceffion à la

(a) Liv. I, tit. 1.

(b) Sic progreffum eft, ut ad filios deveniret in quem dominus hoc vellet beneficium confirmare, ibid. (c) Au moins en Italie & en Allemagne,

3

couronne. Ainfi les fiefs pafferent aux enfans, & par droit de fucceffion & par droit d'élection ; & chaque fief fe trouva, comme la couronne électif & héréditaire.

Ce droit d'élection, dans la perfonne du feigneur, ne fubfiftoit (a) pas du temps des auteurs (b) des livres des fiefs, c'est-à-dire, fous le regne de l'empereur Frédéric I

(a) Quod hodiè ità ftabilitum eft, ut ad omnes æqualiter veniat, liv. I des fiefs, tit. 1. (b) Gerardus Niger, & Aubertus de Orto.

CHAPITRE XX X.
Continuation du même fujet.

I'

Left dit, dans les livres des fiefs, que, quand l'empereur Conrad (c) partit pour Rome, les fideles qui étoient à fon fervice lui demanderent de faire une loi pour que les fiefs, qui paffoient aux enfans, paffaffent auffi aux petits-enfans; & que celui dont le frere étoit mort fans héritiers légitimes, pût fuccéder au fief qui avoit appartenu à leur pere commun: cela fut accordé.

(c) Liv. I des fiefs, tit. 1.

On y ajoute, & il faut fe fouvenir que ceux qui parlent vivoient (a) du temps de l'empereur Frédéric I, que » les anciens jurifconfultes (b) avoient » toujours tenu que la fucceffion des » fiefs en ligne collatérale ne paffoit » point au-delà des. freres germains; » quoique, dans des temps modernes » on l'eût portée jufqu'au feptieme degré; comme, par le droit nouveau » on l'avoit portée en ligne directe juf» qu'à l'infini. » C'eft ainfi que la loi de Conrad reçut peu à peu des extenfions.

[ocr errors]
[ocr errors]

Toutes ces chofes fuppofées, la fimple lecture de l'hiftoire de France fera voir que la perpétuité des fiefs s'établit plutôt en France qu'en Allemagne. Lorfque l'empereur Conrad II commença à régner en 1024, les chofes fe trouverent encore en Allemagne comme elles étoient déjà en France fous le regne de Charles le chauve, qui mourut en 877. Mais en France, depuis le regne de Charles le chauve, il fe fit de tels changemens, que Charles le fimple fe trouva hors d'état de difputer à une maifon étrangere fes droits

(a) Cujas l'a très-bien prouvé. (b) Liv. I des fiefs, tit, L.

« PrécédentContinuer »