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les injures de fes raisons, mettre enfuite à part les raisons qui font mauvaises après quoi il ne restera plus rien?

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L'auteur aux chapitres du prêt à intérêt & de l'ufure chez les Romains traitant ce fujet, fans doute le plus important de leur histoire, ce fujet qui tenoit tellement à la conftitution qu'elle penfa mille fois en être renversée; parlant des lois qu'ils firent par défefpoir, de celles où ils fuivirent leur prudence, des réglemens qui n'étoient que pour un temps, de ceux qu'ils firent pour toujours, dit, vers la fin du chapitre XXII: L'an 398 de Rome, les tribuns Duellius & Ménénius firent paffer une loi qui réduifoit les intérêts à un pour cent par an..... Dix ans après, cette ufure fut réduite à la moitié; dans la fuite, on l'óta tout-à-fait.

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Il en fut de cette loi comme de toutes celles où le législateur a porté les chofes à l'excès; on trouva une infinité de moyens pour l'éluder ; il en fallut faire beaucoup. d'autres pour la confirmer, corriger, tempérer: tantôt on quitta les lois pour fuvre les ufages, tantôt on quitta les ufages pour fuivre les lois. Mais, dans ce cas, P'ufage devoit aisément prévaloir. Quand

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un homme emprunte, il trouve un obftacle dans la loi même qui eft faite en fa faveur; cette loi a contr'elle & celui qu'elle fecourt & celui qu'elle condamne. Le préteur Sempronius Afellus ayant permis aux débiteurs d'agir en conféquence des lois, fut tué par les créanciers, pour avoir voulu rappeller la mémoire d'une rigidité qu'on ne pouvoit plus foutenir.

Sous Sylla, Lucius Valérius Flaccus fit une loi qui permettoit l'intérêt à trois pour cent par an. Cette loi, la plus équitable & la plus modérée de celles que les Romains firent à cet égard, Paterculus La defapprouve. Mais fi cette loi étoit néceffaire à la république, fi elle étoit utile à tous les particuliers, fi elle formoit une communication d'aifance entre le débiteur & l'emprunteur, elle n'étoit point injufte. Celui-là paye moins, dit Ulpien, qui paye plus tard. Cela décide la queftion fi Pintérêt eft légitime; c'eft-à-dire, fi le créancier peut vendre le temps, & le débiteur l'acheter.

Voici comme le critique raisonne fur ce dernier paffage, qui fe rapporte uniquement à la loi de Flaccus & aux difpofitions politiques des Romains. L'auteur, dit-il, en réfumant tout ce qu'il Tome IV.

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a dit de l'ufure, foutient qu'il eft pera mis à un créancier de vendre le temps. On diroit, à entendre le critique, que l'auteur vient de faire un traité de théologie, ou de droit canon, & qu'il réfume enfuite ce traité de théologie & de droit canon; pendant qu'il eft clair qu'il ne parle que des difpofitions politiques des Romains, de la loi de Flac& de l'opinion de Paterculus: de forte que cette loi de Flaccus, l'opinion de Paterculus, la réflexion d'Ulpien celle de l'auteur, fe tiennent & ne peuvent pas fe féparer.

cus,

J'aurois encore bien des chofes à dire; mais j'aime mieux renvoyer aux feuilles mêmes. Croyez-moi, mes chers Pifons; elles reffemblent à un ouvrage qui, comme les fonges d'un malade, ne fait voir que des fantômes vains (a).

vana

(a) Credite, Pisones, ifti tabulæ fore librum
Perfimilem, cujus, velut ægri fomnia
Fingentur fpecies.

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Horat. de arte poëticâ, v. 6a

DÉFENSE

DE

L'ESPRIT DES LOIS.

TROISIEME PARTIE.

ON a vu, dans les deux premieres

parties, que tout ce qui résulte de tant de critiques ameres eft ceci, que l'auteur de l'efprit des lois n'a point fait fon ouvrage fuivant le plan & les vues de fes critiques; & que, fi fes critiques avoient fait un ouvrage fur le même fujet, ils y auroient mis un très grand nombre de chofes qu'ils favent. Il en résulte encore, qu'ils font théologiens, & que l'auteur cft jurifconfulte; qu'ils fe croient en état de faire fon métier, & que lui ne fe fent pas propre à faire le leur. Enfin, il en réfulte, qu'au lieu de l'attaquer avec tant d'aigreur, ils auroient mieux fait

de fentir eux-mêmes le prix des chofes qu'il a dites en faveur de la religion, qu'il a également refpectée & défendue. Il me refte à faire quelques réflexions.

CETTE maniere de raisonner n'eft pas bonne, qui, employée contre quelque bon livre que ce foit, peut le faire paroître auffi mauvais que quel que mauvais livre que ce foit; & qui, pratiquée contre quelque mauvais livre que ce foit, peut le faire paroître auffi bon que quelque bon livre que ce foit.

CETTE maniere de raisonner n'est pas bonne, qui, aux chofes dont il s'agit, en rappelle d'autres qui ne font point acceffoires & qui confond les diverses sciences & les idées de chaque fcience.

Il ne faut point argumenter fur un ouvrage fait fur une fcience, par des raifons qui pourroient attaquer la fcience même.

QUAND on critique un ouvrage, &

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