œuvre savante, qui sera le digne pendant de celle que nous avons précédemment imprimée sur l'arrondissement de Coutances (1). Un tirage à part de ce dernier fut fait à cent exemplaires, qui n'ont pas été mis dans le commerce et qui sont fort recherchés des antiquaires, moins encore pour leur rareté que pour leur mérite. L'auteur n'a point voulu qu'on fit pour l'arrondissement de Valognes ce qu'on avait fait pour celui de Coutances. Nous nous en applaudissons, puisque son savant travail ne se trouvant que dans notre Annuaire, notre Annuaire en aura plus de valeur.

JULIEN TRAVERS.

Caen, le 31 janvier 1867.

(1) Voir les Annuaires de la Manche: 1852-1861 inclusivement.

AGRICULTURE.

On sait que le concours régional avait lieu à Saint-Lo en 1866. Cette grande institution est en progrès depuis sa naissance, et chaque chef-lieu rivalise d'efforts pour fêter dignement à son tour l'agriculture. Un Compte-rendu des expositions industrielle, artistique, archéologique et horticole, et du concours musical, organisés à Saint-Lo, à l'occasion du concours régional de 1866, a été publié en brochure (1). On n'y a oublié que le principal, je veux dire les rapports sur l'agriculture. La brochure ne devait être qu'une annexe de ces rapports, à la suite de chacun desquels auraient figuré convenablement les noms de tous les lauréats. Peut-être formeront-ils une publication officielle. En attendant, nous avons écrit à M. Besnard, propriétaire-exploitant à Guitry (Eure), qui avait fait, avec toutes les qualités d'un juge compétent, le Rapport sur les concurrents à la prime d'honneur dans le département de la Manche, et M. Besnard a bien voulu nous envoyer ce morceau capital que nous sommes heureux d'offrir à nos lecteurs.

RAPPORT DE M. BESNARD.

L'examen des travaux des concurrents à la prime d'honneur dans le département de la Manche ne saurait être complet s'il n'était précédé d'une rapide étude des conditions générales auxquelles est soumise l'agriculture de cette contrée. Quoiqu'elle offre dans son ensemble un caractère parfaitement dessiné, celui d'une région herbagère, bien des éléments différents varient les formes sous lesquelles elle se présente ; le voisinage de la mer, qui baigne une grande partie de son

(1) A Saint-Lo, imp. d'Elie fils, in-8° de 72 pages.

contour, lui procure un climat doux et humide, analogue à celui de l'Angleterre; seules, les parties éloignées des côtes sont exposées en hiver à des froids assez vifs; l'humidité du sol et les haies plantées d'arbres élevés, les privent de la douceur de température que, sans ces deux causes, elles devraient au voisinage de l'Océan.

Son sol, sur la plus grande partie de son étendue, repose sur les terrains de transition; le granit apparaît sur quelques points, et, dans l'ouest du département, les pâturages les plus fertiles appartiennent aux formations du calcaire jurassique et des alluvions modernes; vers le centre, de vastes prairies marécageuses recouvrent un sol de nature tourbeuse.

Voisin de la Bretagne, il est constitué par la même formation géologique : aussi offre-t-il sur beaucoup de points les aspects de cette province. Ses champs sont entourés de haies garnies d'arbres forestiers de la plus belle venue, qui, le plus souvent, forment des abris contre les vents de mer; les plantations de pommiers y sont nombreuses et donnent un cidre d'une haute valeur, que l'on exporte jusqu'en Angleterre; mais, à côté d'un commerce de peu d'importance en céréales, en colza, en chanvre et en lin, la spéculation principale est l'élevage des bestiaux.

Bien que les chevaux soient nombreux dans les herbages et que les moutons à laine longue y donnent d'excellents produits, l'espèce bovine y reste l'objet d'une préférence qu'explique suffisamment la nature du sol, celle du climat et la supériorité de la race du Cotentin, au double point de vue du laitage et de la viande de boucherie.

Ce sont là en effet les deux grandes industries agricoles de la Manche, qui rivalise avec le Bessin pour la qualité de son beurre et les soins qu'elle donne à sa fabrication.

Grâce aux conditions particulières dans lesquelles elle se trouve placée, cette contrée a peu souffert de la crise présente, et la nouvelle législation commerciale doit jouer un rôle important dans le développement de son agriculture: entourée de ports qu'une traversée de quelques heures seulement sépare de l'Angleterre, elle trouvera dans l'accroissement de ses relations avec ce pays un débouché pour ses produits, et dans un avenir prochain, lorsque le typhus aura disparu du sol britannique, les éleveurs anglais viendront demander à ses étables des sujets pour couvrir leurs pâturages et reconstituer leurs troupeaux décimés par l'épizootie.

Nulle province n'est mieux placée pour l'exportation de ses céréales, et le peu d'étendue que son climat lui permet d'accorder à cette culture est pour elle une autre garantie contre les incertitudes de l'avenir.

Favorisée par ces conditions exceptionnelles, sa prospérité n'a cessé de s'accroitre, et son agriculture, aujourd'hui l'objet