Images de page
PDF
ePub

nick, Hengstenberg, est aussi inadmissible que de l'abaisser avec Hitzig jusqu'au moment de la dévastation de la Palestine par Ptolémée Lagus (312 av. J.-C.). Cette dernière hypothèse est fondée principalement sur la grande ressemblance qui existe entre Abdias, 1-9, et Jérémie XLIX, 7-22, qui lui aurait servi de modèle. Mais une étude attentive du texte montre qu'aucun des deux n'a copié l'autre, et qu'ils auraient plutôt suivi l'un et l'autre un texte plus ancien (Ewald, Kuenen). Abdias du reste n'est point un écrivain très-original, et, malgré le peu d'étendue de son livre, on y relève plusieurs autres traces d'imitation. - Caspari, der Prophet Obadja, Leipz., 1842; Jæger, Ueber das Zeitalter Obadja's, Tub., 1837; Krahmer, Observationes in Obadiam, Marb., 1833; Hendewerk, Obadja oraculum in Idumæos, Regiom., 1836; W. Seydel, Vaticinium Obadja, Lips., 1869, et les ouvrages généraux sur la critique et l'exégèse de l'Ancien Testament.

A. CARRIÈRE,

ABDIAS (voyez Apocryphes du Nouveau Testament).

ABDON ['Abdon], l'une des villes des Lévites, située sur le territoire de la tribu d'Ascer (1 Chron. VI, 59). Dans une autre liste des villes assignées aux Lévites (Jos. XIX, 28), on lit à la place de ce nom celui celui d'Abrôn; mais ce dernier mot doit être corrigé en 'Abdôn, comme le prouvent du reste vingt manuscrits.

ABDON ['Abdon, 'Abcov, Abdon], fils de Hillel, de Pirathon, dans le pays d'Ephraïm, fut juge en Israël pendant huit ans (Juges XII, 43-45). Aucun détail ne nous a été transmis sur sa judicature. Le seul renseignement que nous possédions à son sujet, savoir qu'il avait « quarante fils et trente petits-fils montant soixante et dix ânons, » tendrait seulement à nous le représenter comme un personnage riche et considérable. Mais son nom, selon toute vraisemblance, doit être identifié avec celui de Bedan (1 Sam. XII, 11), et alors Abdon, à côté de Gédéon, de Jephté et de Samson, aurait joué un rôle important dans les guerres que soutint Israël pour son indépendance avant l'établissement de la royauté (voyez Bedan).

ABEL ['Abél]. Ce nom, qui devait signifier autrefois « prairie, » d'après Gesenius (voy. pour l'opinion contraire, Hengstenberg, Pentateuque II, 319), a servi à former un certain nombre de noms de lieux. Les principaux sont: 'Abél-Béth-Ma'akâh. Cette ancienne ville, « métropole en Israël, » était située tout au nord de la Palestine, sur la route des invasions des rois de Syrie (1 Rois XV, 20) et d'Assyrie (2 Rois XV, 29). Un passage des Chroniques (1 Chron. XVI, 4) lui donne le nom d'AbélMayim. La sagesse de ses habitants était proverbiale (2 Sam. XX). II est probable qu'il faut la chercher dans l'Ard-el-Huleh, au nord du lac Mérom, soit à Abil (Robinson, III, 347) soit plus au sud (Stanley, Sinaï dan Pal., p. 390, note). 'Abél-Keramim, «le pâturage des vignes, >> à l'est du Jourdain, non loin d'Aroer (Juges XI, 33). C'est l'Abila dans la Décapole (Ptolémée, Géogr., V, 15, 22, Eusèbe, Onomast., s. v. "A6λ, et Josèphe, Ant., XIX, 5. 4). On a trouvé à cette place des ruines portant le nom d'Abila (Ritter, Pal., 1058). 'Abél-Mekhôlâh, dans la vallée du Jourdain, non loin de Béth-Chean (1 Rois IV, 12), nommée dans l'histoire de Gédéon (Juges VII, 22) et patrie d'Elisée (1 Rois XIX, 16-19)

'Abél-Chitthim, ou hachchitthim (voyez Chitthim). 'AbélMiçrayim (voyez Atad)..

ABEL [Hèbèl, "A6λ], nom du second fils d'Adam tué par son frère Caïn (Gen. IV, 1-16). Abel, dont le nom signifie en hébreu «< un souffle, »> << une chose sans consistance, » était berger, c'est-à-dire nomade, pendant que son frère cultivait la terre et par conséquent avait une demeure fixe. Le sacrifice du premier ayant été agréé par Jéhova, et celui du second n'ayant pas été accepté, Caïn le laboureur entra dans une violente colère et tua Abel le berger, introduisant ainsi le meurtre sur la terre. Pour le sens du récit biblique, voyez l'article Histoire primitive de l'humanité d'après la Bible. Le sort tragique d'Abel a provoqué la naissance de nombreuses traditions chez les Juifs (Eisenmenger, Entdecktes Judenthum, I, 462, 832; Ersch et Gruber, Encyclop., s. v. Abel), les musulmans (Korân, sour. V; Hottinger, Hist. orient., 24) et les chrétiens (Chrysostôme, Hom. in Gen., XIX; Cedrenus, Historia, 8). On montra à Pococke; à quelque distance de Damas, l'endroit où Caïn fua son frère et l'enterra; d'après la tradition rapportée par le voyageur anglais et qui se trouve déjà dans le Korân et le Thargoum de Jonathan, <«< il le porta quelque temps sur son dos, en pleurant, sans savoir qu'en faire; mais voyant un corbeau qui creusait un trou dans la terre pour enterrer son camarade, il suivit son exemple et enterra son frère (Pococke, Voyages, éd. de Neuchâtel, t. III, p. 347). L'Eglise primitive, d'après une parole de Jésus (Matth. XXIII, 35), honora Abel comme le premier des martyrs. Il fut transformé en éon dans quelques sectes gnostiques, et les abélites au temps d'Augustin, prétendant qu'Abel avait vécu dans la continence, suivaient son exemple pour ne pas contribuer à perpétuer le péché originel.

[ocr errors]

ABÉLARD naquit en 1079 au bourg du Pallet, près de Clisson (LoireInférieure). Il reçut le nom de Pierre; Abélard est un surnom qui ne lui fut donné que plus tard, et dont le sens n'est pas encore bien expliqué. Son père, Béranger, était un noble qui aimait les lettres; il voulut que ses fils reçussent toute l'instruction qu'on pouvait donner alors. Pierre montra de bonne heure une grande ardeur pour l'étude, beaucoup d'ambition, et un esprit subtil porté à la contradiction. Vers l'âge de vingt ans il se rendit à Paris, où Guillaume de Champeaux enseignait dans l'école épiscopale le réalisme le plus absolu. Abélard suivit ses leçons, et bientôt ouvrit lui-même une école, d'abord à Melun, puis à Corbeil, enfin en 1108 à Paris même. C'est de cette année que date son influence. Il ne professa d'abord que la philosophie; combattant à la fois le nominalisme et le réalisme, il disait que les universaux ne sont ni des choses ni des mots, mais des conceptions de notre esprit, qu'il n'existe que des individus dont nul n'est en soi ni espèce ni genre, que les genres et les espèces sont des produits de notre intelligence, des conceptions. Ce système ontologique, auquel on a donné le nom de conceptualisme, n'est au fond qu'une modification du nominalisme et a dù favoriser, comme ce dernier, une critique plus indépendante. Se voyant admiré pour son talent dialectique, Abélard voulut aussi se faire un nom dans la théologie. Pour jouir du droit d'enseigner cette science, il fallait avoir suivi les

leçons d'un maître; il partit donc pour Laon, où Anselme, doyen du chapitre de cette ville, tenait une école théologique. Revenu à Paris, il annonça des cours, qui bientôt attirèrent de nombreux élèves. Ce fut à cette époque de ses plus grands succès qu'il apprit à connaître Héloïse, la nièce d'un chanoine de Notre-Dame, nommé Foulques. Nous ne nous arrêterons pas à cet épisode romanesque, qui a popularisé les noms des deux amants; il suffira de dire que leurs relations ayant été violemment rompues, Héloïse entra au couvent d'Argenteuil, et qu'Abélard se fit moine dans l'abbaye de Saint-Denis. Il n'y resta pas longtemps; il rouvrit une école au prieuré de Maisoncelle en Champagne. A la demande de ses élèves, il rédigea ses leçons sous le titre d'Introductio ad theologiam. Dans cet ouvrage, qui traite principalement de la Trinité, Abélard démontre que celle-ci n'est pas fondée nécessairement dans l'essence même de Dieu, mais que néanmoins elle n'est pas contraire à la raison. Ces principes le rendirent suspect d'hérésie. Cité devant un concile réuni à Soissons en 1121, il n'obtint pas la permission de se défendre ; il eut la faiblesse de jeter lui-même son Introduction au feu et de réciter devant l'assemblée le symbole dit d'Athanase. Il fut remis à la garde de l'abbé de Saint-Médard près de Soissons, mais le légat du pape l'autorisa à retourner à Saint-Denis. Là il excita la colère des moines, en soutenant que le saint Denis, auquel on attribuait la fondation de l'abbaye, n'était pas Denis, le membre de l'Aréopage, converti par l'apôtre Paul. Il dut s'enfuir, se retira dans un couvent à Provins, puis se bâtit, non loin de Nogent-sur-Seine, un petit oratoire qu'il dédia à la Trinité: il s'y cacha seul avec un clerc. Bientôt toutefois les écoliers y accoururent en foule; la maison dut être reconstruite et agrandie, elle devint un couvent auquel Abélard donna le nom de Paraclet. Menacé de nouveau de persécution, il chercha un asile en Bretagne, au couvent de Saint-Gildas. Ayant été informé que les religieuses d'Argenteuil venaient d'être expulsées, il leur donna sa maison du Paraclet; Héloïse en devint abbesse, lui-même fut élu abbé de Saint-Gildas. Il voulut réformer les mœurs de ses moines bretons, lutta vainement contre leur opposition, et dut s'enfuir encore une fois. Caché quelque part en Bretagne, il écrivit cette Historia calamitatum suarum, qui donna lieu à la correspondance avec Héloïse. Il se rapprocha de Paris et vint peut-être à Paris même ; dans cette période de sa vie il composa plusieurs traités pour son ancienne amante, qui s'occupait d'études philosophiques et théologiques; en même temps il retoucha ceux qu'il avait rédigés dans les années précédentes. Vers 1136, il reprit une dernière fois à Paris son enseignement théologique. Le malheur et l'expérience n'avaient refroidi ni sa hardiesse ni sa passion pour la dispute. Son habitude de soulever sur chaque question le pour et le contre, donnait à ses leçons un caractère raisonneur, qui leur ôtait cette autorité dogmatique que réclamait l'Eglise. Il se livrait en outre à des invectives contre les moines et contre quelques prélats. Un moine cistercien, Guillaume, tira de ses ouvrages une série de propositions qui lui paraissaient scandaleuses, et les communiqua à l'évêque de Chartres et à saint Bernard; on ignore ce que répondit l'évêque, mais l'abbé de Clairvaux dénonça

Abélard comme un ennemi de Dieu et du Christ. En 1140, on tint un concile à Sens, en présence du roi Louis VII. Saint Bernard produisit dix-sept propositions tirées des livres d'Abélard; celui-ci refusa de répondre et quitta l'assemblée en déclarant qu'il ne reconnaissait d'autre juge que le pape. Malgré cet appel au saint-siége, saint Bernard fit condamner quatorze des thèses incriminées : elles portaient pour la plupart sur les droits de la raison en matière de foi, sur la Trinité et sur la rédemption. Innocent II confirma cette sentence, excommunia Abelard comme fabricateur de dogmes pervers et agresseur de la foi catholique, et ordonna de l'enfermer dans un couvent jusqu'à la fin de ses jours. Quand cet ordre arriva en France, Abélard avait trouvé un asile au monastère de Cluny, où l'abbé Pierre le Vénérable l'avait reçu avec de grands témoignages d'estime; Pierre obtint même que saint Bernard consentit à une sorte de réconciliation et que le pape, relevant le condamné de l'excommunication, lui permit de passer à Cluny le reste de sa vie. Abelard se soumit aux conditions de son existence nouvelle; mais ses forces déclinaient de jour en jour; pour les rétablir, Pierre l'engagea à se retirer au prieuré de Saint-Marcel, près de Châlons-sur-Saône; il n'y vint que pour y mourir, le 21 avril 1142. —Nous n'avons à apprécier Abelard que comme théologien; nous pouvons nous dispenser de parler de ses ouvrages philosophiques. Parmi ceux qui sont consacrés à la théologie, les plus importants sont, outre l'Introductio ad theologiam déjà citée, une Theologia christiana en cinq livres, un traité intitulé Sic et non, un commentaire sur l'Epitre aux Romains, et un traité de morale, Scito te ipsum. Le Sic et non est une espèce de préparation critique à l'étude de la théologie; c'est un recueil de passages contradictoires des Pères sur cent cinquante-sept questions, précédé d'une introduction où Abelard expose des principes par lesquels il a singulièrement devancé son temps. Il commence par dire qu'il est fort difficile d'interpréter exactement la Bible, et même d'expliquer les écrits des Pères. La difficulté est double d'abord la Bible n'a pas été écrite pour les savants, mais pour le peuple, ce qui fait que bien souvent les savants ne la comprennent pas; en second lieu, il y a des textes corrompus et un grand nombre d'ouvrages apocryphes. Il faut donc rechercher si le passage d'un Père dont on veut s'autoriser, n'a pas été rétracté par lui; il faut admettre en outre qu'on trouve chez les anciens auteurs chrétiens bien des choses qui ne sont que des réminiscences de leur érudition profane ou qu'ils ont avancées sans y attacher beaucoup d'importance; qu'ils parlent quelquefois selon le sens apparent ou d'après les opinions de ceux auxquels ils s'adressent ; que leurs contradictions s'expliquent souvent par la diversité des sens qu'ils attachent au même mot; qu'en tout état de cause, il faut s'en rapporter aux témoignages les plus accrédités, et que pour ce qui regarde les passages dont on ne peut pas du tout se rendre compte, il faut les abandonner en se disant, non que l'auteur s'est trompé, mais que le texte dont on se sert est corrompu; il faut distinguer enfin entre les écritures canoniques de la Bible et les ouvrages des Pères, ces derniers on doit les consulter, mais on n'est pas tenu de les suivre. Toutes ces règles, si hardies, sont exposées avec

s'il

une grande réservé et éntourées d'une foule d'autorités; leur but, suivant Abélard, est d'exercer les jeunes gens à la recherche de la vérité. Dans le Sic et non lui-même, il ne donne pour chaque question que les arguments affirmatifs et les arguments négatifs; il réservait les solutions à ses cours et à ses ouvrages dogmatiques. Quant au dogme, il le prend tel qu'il est fixé par l'Eglise; de même qu'Anselme, il le suppose élevé au-dessus de toute discussion; mais tandis qu'Anselme s'appuyait sur Esaïe VII, 9: sí non credideritis, non permanebitis, Abelard en appelle à l'Ecclésiastique XIX, 4 : qui crédit cito, levis est et minorabitur. Anselme disait que pour comprendre il faut d'abord croire, Abélard prétend que puisqu'on ne peut pas croire ce qu'on ne comprend pas, il faut comprendre avant de croire. Anselme partait de la foi, Abelard part du doute qui est pour lui prima sapientiæ clavis; en un mot, admet que la raison a des limites, il admet aussi que dans les matières. qui sont de son domaine, elle est seule maîtresse, in omnibus his quæ ratione discuti possunt, non est necessarium autoritatis judicium; or, ce qui peut être discuté, c'est en définitive toute la doctrine ecclésiastique. En théorie il accepte le dogme comme incontestable, mais il ne le considère pas, comme le fait Anselme, comme étant la vérité absolue, il est pour lui une sorte de problème qui peut être démontré par la raison, tout aussi bien que celle-ci en démontrerait un autre, s'il était enseigné par l'Eglise comme vérité.-Les doctrines dont il s'est le plus occupé sont celles de la Trinité et de la Rédemption. Il démontre que la Trinité est possible, qu'étant donnée elle n'a rien qui répugne à la raison; se rattachant à la conception de saint Augustin, il dit qu'en Dieu on distingue la puissance, la sagesse et la bonté; la première engendre la seconde, et des deux ensemble procède la troisième; les trois personnes sont distinguées entre elles par les trois propriétés, mais elle ne forment qu'une essence, puisqu'il n'y a qu'un Dieu indivisible, à la fois puissance, sagesse et bonté. Gela revient à dire que les trois personnes ne sont ainsi que des personnifications de trois attributs divins, et que la notion qu'Abelard se fait de la Trinité est nominaliste. Dans sa manière de concevoir la rédemption, il se rapproche du rationalisme moderne. Il soutient, il est vrai, que l'homme ne peut rien pour son salut sans la grâce, et que l'incarnation est le plus grand bienfait de Dieu; mais le but de l'incarnation n'a été que de nous instruire. Dieu a passé sur la terre pour nous enseigner, par ses discours et par son exemple, d'une manière plus précise une loi plus parfaite que l'ancienne, celle de l'amour à l'amour qu'il nous a témoigné doit s'allumer le nôtre; c'est dans cet amour de l'homme pour Dieu, provoqué surtout par le spectacle ou le souvenir de la passion du Christ, que consiste l'effet de la rédemption. La morale d'Abélard est en connexion intime avec sa manière d'envisager le christianisme; elle est originale et elle a le mérite d'être fondée sur l'étude de la conscience (scito te ipsum), mais elle est plus philosophique que religieuse, car elle est toute subjective: la valeur de nos actes ne consiste que dans l'intention; extérieurement ils peuvent être bons ou mauvais, mais s'ils sont faits sans intention bonne ou mauvaise, ils sont indifférents. Le péché ne résulte que d'un consentement formel

« PrécédentContinuer »