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parfois aussi une année d'épreuve (annus discretionis), et même un certificat du pasteur de la religion que le nouveau converti veut quitter, constatant qu'il a été placé, pendant un laps de temps déterminé, sous l'influence de son ministère. Le changement de religion est, dans certains pays, rendu plus difficile pour les prêtres. En France, en Autriche, comme dans la plupart des pays catholiques où l'Etat reconnaît le character indebilis du prêtre, celui-ci ne peut pas se marier, même après son abjuration. La paix de religion de 1555 stipulait en outre que la conversion d'un ecclésiastique au protestantisme entraînerait la perte de son bénéfice (reservatum ecclesiasticum). A ces exceptions près, la renonciation aux droits, comme aussi l'affranchissement des devoirs ecclésiastiques, par suite de l'abjuration, n'entraîne plus aujourd'hui la perte des droits civils et politiques. —L'admission des nouveaux convertis dans les Eglises protestantes a lieu à la suite d'une instruction plus ou moins longue, d'un acte public ou privé de profession de foi et du baptême pour les non-chrétiens : elle se marque par la réception à la sainte Cène. Dans l'Eglise romaine, la cérémonie de l'abjuration proprement dite est de rigueur pour être absous de l'excommunication, sous le coup de laquelle chaque non-catholique se trouve, et pour être réconcilié avec l'Eglise. L'évêque seul peut absoudre du crime d'hérésie dans le ressort de son diocèse; il peut néanmoins se faire remplacer par un vicaire, dûment délégué à cet effet par le saint-siége (Concil. Trident. Sessio XXIV, cap. VI de Reform.). Les canonistes distinguent quatre sortes d'abjurations : 1o de formali, lorsque celui qui la prononce est notoirement reconnu comme hérétique; 2o de vehementi, lorsqu'il y a forte présomption d'hérésie, comme par l'affirmation explicite de deux témoins; 3o de violenta suspicione, lorsque l'accusation repose sur des paroles ou des actes qui paraissent au juge entachés d'hérésie; 4o de levi, lorsque le soupçon n'est que léger.

ABLÉGAT, ab legatus, envoyé du pape, chargé en son nom de remettre la barrette aux cardinaux nouvellement nommés. Cette remise se fait d'une manière solennelle, en présence du souverain et des grands dignitaires de l'Etat. Les ablégats appartiennent d'ordinaire aux familles les plus illustres de Rome; ils sont autorisés, même s'ils n'ont pas encore reçu les ordres, à revêtir l'habit ecclésiastique : ils reçoivent alors le titre de monsignor.

ABLON, petit village au bord de la Seine, en amont, sur la rive gauche, est à quatre lieues et demie de Paris : il a dû une certaine notoriété, dans les annales du protestantisme français, au choix dont il fut l'objet lorsqu'on voulut désigner un lieu d'exercice aux réformés de la capitale, par application du 33e des articles secrets annexés à l'Edit de Nantes, le 2 mai 1598, en ces termes : « Sera baillé à ceux de la religion un lieu pour la ville, prévosté et vicomté de Paris, à cinq lieues pour le plus de ladite ville, auquel ils pourront faire l'exercice public d'icelle.» La paix, dite de Monsieur, en mai 1576 (art. 4), avait permis d'établir un prêche à Noisy-le-Sec, à quatre lieues de Paris; mais c'était le temps de la Ligue, peu commode à ceux de la religion. Depuis que Henri IV s'était mis en possession de son trône et de sa capitale, ses

sujets réformés avaient profité de la faveur d'un prêche toléré au Louvre pour Madame, sa sœur. Enfin, en mai 1599, quand Madame, devenue duchesse de Bar, était partie pour la Lorraine, on avait transporté l'exercice à Grigny-sur-Seine, à cinq lieues de Paris (Josias Mercier, l'illustre savant huguenot, était seigneur des Bordes et de Grigny). Ce ne fut pas une petite affaire que la désignation d'un nouveau lieu d'exercice aux réformés. Après les grandes colères qu'avait soulevées la promulgation de l'Edit de Nantes, vinrent les oppositions de détail et les chicanes de toutes sortes pour en entraver l'exécution. Dans ses lettres patentes, adressées au prévôt de Paris le 14 octobre 1599, il fallut que le roi déclarât que la haute justice du fief d'Ablon lui appartenait, et l'huissier à cheval du Châtelet, qui fut chargé d'en faire la publication à Ablon le 12 novembre suivant, dut le signifier expressément à Messieurs du chapitre de l'Eglise de Paris, moyens et bas justiciers de la seigneurie de Mons-sur-Orge et Ablon-sur-Seine (Arch. nat., S. 656). L'installation du culte réformé à Ablon dut être et fort simple et très-prompte, mais les informations à ce sujet font défaut. On constate seulement, par une mention du Journal de l'Estoile, que, dès le dimanche 23 janvier 1600, « fust baptisé, au presche d'Ablon, un jeune homme, âgé de 25 à 26 ans, qui n'avoit pas encore esté baptisé, pour ce que son père et sa mère estoient anabaptistes. » Les Ephémérides de Casaubon parlent du nouveau lieu de culte, pour la première fois, au 26 mars de cette année. Le 10 avril, Casaubon s'y rend par un temps affreux de neige et de grêle : c'est à peine si le coche de terre peut accomplir le trajet. En mai, on le voit accompagner, à l'aller et au retour, les présidents Dufresne-Canaye et de Calignon, notables personnages. Ces voyages donnaient souvent lieu à des manifestations malveillantes, à des rixes, qu'il fallait parfois réprimer, comme nous l'apprend l'Estoile, au 16 juin 1601 et au 18 sept. 1605. Aller ainsi à près de cinq lieues pour assister au culte public, y aller soit à pied, soit par le coche de terre ou le coche d'eau du port Saint-Bernard, soit même, comme cela arrivait quelquefois à Casaubon et aux siens, dans le carrosse de son honorable ami M. de Thou (6 janv. 1602), c'était toujours, comme il le dit bien lui-même, une véritable expédition. Cela devenait un péril quand il s'agissait d'y porter des enfants pour les y faire baptiser (11 déc. 1600). Que d'appréhensions, de péripéties de tout genre en s'embarquant pour cette odyssée d'un jour !... Aussi n'est-il pas étonnant que, dès 1601, les députés des Eglises aient présenté itérativement au roi un Cahier de plaintes et remontrances, où se lisait cet article: « Et pource que les habitans de la ville de Paris et environs, faisant profession et ayant l'exercice de la R. P. R. au lieu d'Ablon, estans contraincts d'y faire porter leurs enfants pour estre baptisés, les exposent en apparent danger de mort, tant pour la longueur et incommodité du chemin que à cause des grandes froidures de l'hyver et chaleurs de l'été (dont il est advenu que plusieurs desdits enfants, jusques au nombre de quarante, ont été l'hyver passé misérablement esteints et suffoqués), et que d'ailleurs les hommes sexagénaires, femmes grosses, petits enfants, et les valétudinaires sont privés dudit

exercice, est Sa Majesté suppliée d'incliner paternellement aux trèshumbles remonstrances qui lui ont été faites par l'Eglise de Paris, octroyant ledit exercice en quelque lieu plus proche et commode aux dites personnes. » Mais la réponse du roi, en son conseil, fut, le 18 septembre: «Ne peut être rien changé en l'Edit. » Le dimanche 29 sept. 1602, eut lieu à Ablon le baptême d'un fils de Sully: la princesse d'Orange (Louise de Coligny) était marraine. Le 26 janv. 1603, un carme y « jeta son froc aux orties et fit profession de la religion. » (C'était Etienne Lebrun, du couvent de Valenciennes. Son discours fut imprimé.) L'Estoile mentionne encore le baptême d'un juif (20 juillet. 1603); d'un Turc, tenu sur les fonts par Sully, qui lui donna son nom de Maximilien (26 janv. 1604); ainsi que plusieurs autres conversions de moines, parmi lesquelles il faut noter celle de Bertrand Davignon, cordelier, dont la profession de foi (29 mai 1605), qui fut publiée, est remarquable. Il était seigneur de Souvigné et devint pasteur de l'Eglise de Rennes. Les Mémoires de Sully et la correspondance du duc de CaumontLaforce nous montrent ces seigneurs se rendant fréquemment à Ablon et y faisant la cène avec leur famille. Là fut célébré (13 févr. 1605) le mariage du duc de Rohan avec la fille de Sully, en présence de « bon nombre de seigneurs et gentilshommes, que M. de Rosni traita au chasteau d'Ablon. » Le 16 mars 1605, eut lieu à Ablon un synode provincial, présidé par un ministre de Paris, François de Lauberan, sieur de Montigny. Dans un rapport qui se trouve au British Museum (Mss. Cotton), il est dit que « les ministres et anciens, secrétaires et adjoints, ont employé une grande partie du temps à se censurer les uns les autres en la doctrine, vie et mœurs, et ce avec beaucoup de liberté : qui est une forme de convention mutuelle qu'ils observent en tous les synodes provinciaux, surtout en la dissolution de vie et en la négligence des pasteurs. » Le président de ce synode avait acquis, le 10 juin 1603, la propriété du fief et seigneurie du chastel d'Ablon. Une sorte de cantique ou complainte (rarissime) en 51 distiques, intitulée : Les louanges d'Ablon,

Ablon, petit hameau, que ce hel œil du monde

Voit sur le bord de l'eau, près la Seine profonde.....

racontait naïvement aux fidèles les vicissitudes de cette période, qui dura sept années. La considération du grand danger auquel étaient exposés les enfants qu'on portait à Ablon, pour le baptême, finit par l'emporter. Jusque-là, on s'était borné à tempérer par des exceptions la rigueur de l'Edit: l'Estoile nous apprend que, le dimanche 24 fév. 1603, le roi avait autorisé « que le fils de M. du Couldrai, conseiller en la Cour, fût baptisé à Paris, sur la plainte et le rapport qu'on lui avoit fait que plusieurs enfants qu'on portoit baptiser à Ablon, mouroient sans baptême, à cause du long et mauvais chemin. » Les lettres patentes qui transférèrent le lieu d'exercice à Charenton-Saint-Maurice sont du 1er août 1606.

CHARLES READ.

ABLUTION. La propreté du corps a été envisagée par tous les peuples, comme un symbole de la pureté de l'âme. De là, dans toutes les

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religions, des rites de purification (voy. cet article). Le mot d'ablution, dans l'Eglise catholique, a un sens liturgique. Il indique le vin et l'eau que le prêtre, immédiatement après la messe, verse soit dans le calice, soit sur ses doigts pour les purifier, c'est-à-dire pour en détacher les particules eucharistiques qui auraient pu y rester attachées.

ABNER ['Abnér, 'A6evip], fils de Ner, qui était le frère de Kis, père de Saül (1 Sam. XIV, 50). Abner commandait les troupes de Saul, et lui resta fidèle jusqu'à sa mort; il proclama alors roi d'Israël Isboseth, fils de Saül, dont l'autorité fut reconnue par toutes les tribus, sauf celle de Juda qui prit parti pour David (2 Sam. II, 8-10). Abner, battu par Joab, général de David, tua le jeune frère de Joab, Azaël, qui le poursuivait (2 Sam. II, 12-28). Il perdit la confiance d'Isboseth qui lui reprocha d'avoir eu des relations avec une concubine de Saül (2 Sam. III, 7 et suiv.), ce qui, dans les idées du temps, paraissait impliquer des visées à la couronne (voy. Abisag). Irrité de cette ingratitude, Abner abandonna le parti d'Isboseth pour passer du côté de David dont il reçut un accueil favorable à Hébron (2 Sam. III, 20); presque aussitôt après il fut traîtreusement assassiné par Joab qui vengeait ainsi la mort de son frère Azaël (III, 27). Ne pouvant punir le trop puissant coupable, David honora du moins la mémoire d'Abner, suivit son cercueil et composa une élégie sur sa mort (2 Sam. III, 35 et suiv.).

ABOULFARAGE (Grégoire) naquit à Mélitène (aujourd'hui Malatia), en Asie Mineure, en 1226; il eut pour père Aaron, médecin d'origine juive, d'où le nom de Bar-Hebræus (en syriaque Bar Ebrâyâ, fils de l'hébreu) sous lequel il est généralement connu. De bonne heure familier avec les trois langues arabe, syriaque et grecque, il étudia ensuite la philosophie, la théologie et la médecine. En 1244 Aboulfarage alla habiter Antioche, et mena quelque temps la vie d'anachorète dans les environs de cette ville, puis à Tripoli de Syrie. Il avait vingt ans lorsqu'il fut sacré évêque de Gouba, par le patriarche jacobite Ignace. Successivement évêque de Lacabène et d'Alep, il devint en 1264 primat (maphrian) des Jacobites d'Orient et garda cette haute dignité jusqu'à sa mort arrivée en 1286, à Maraga, dans l'Azerbidjân. Bar-Hebræus est un des écrivains les plus féconds de la littérature syriaque; le catalogue de ses œuvres ne comprend pas moins de trente et un ouvrages dont plusieurs très-importants. Il faut citer en première ligne sa grande Chronique ou Histoire universelle depuis la création du monde, divisée en trois parties; la première raconte l'histoire politique, et fut traduite en arabe par l'auteur lui-même (texte arabe publié par Pococke, Historia compendiosa dynastiarum, Oxon., 4663, 2 vol. in-4°; texte syriaque, par Bruns et Kirsch, Chronicon syriacum, Lips., 1788, 2 vol. in-4o); la seconde traite des patriarches d'Antioche; la troisième, des archevêques de Seleucie et des primats catholiques d'Orient. Ces deux dernières parties, très-importantes pour l'histoire ecclésiastique de l'Orient, sont actuellement en cours de publication (Greg. Barhebræi chronicon ecclesiasticum ediderunt J. B. Abbeloos et T. J. Lamy, Lov., 1872-1874). M. l'abbé Martin nous a donné récemment les Œuvres grammaticales

d'About' faradj (Paris, 1872, 2 vol.) dont nous ne connaissions qu'une partie (Grammatica metrica, ed. Bertheau. Goett., 1843). Nous avons également du même auteur des Scholies sur tous les livres de la Bible. Pour plus de détails sur Bar-Hebræus et ses ouvrages, voir Assemani, Bibliotheca orientalis, t. I, p. 244 et suiv.; Bickell, Conspectus rei Syrorum literariæ, Monast., 1871, in-8°.

A. CARRIÈRE.

ABRABANEL (R. Isaac), appelé aussi Abarbenel ou Abravanel, né à Lisbonne en 1437, d'une famille qui prétendait descendre de David, mort à Venise en 1508, fut en même temps savant rabbin et ministre d'Alphonse V, roi de Portugal. Il tomba en disgrâce sous Jean II, successeur d'Alphonse, et s'enfuit en Espagne où il travailla à rétablir les finances de Ferdinand et d'Isabelle; ce qui ne l'empêcha pas d'être compris dans le décret d'expulsion qui frappa tous ses coreligionnaires en 1492. Réfugié d'abord à Naples, il se rendit ensuite à Corfou, puis à Venise, où il contribua à aplanir des difficultés qui s'étaient élevées entre le Portugal et la République. Abrabanel mourut dans cette dernière ville et fut enterré à Padoue. Malgré le rôle politique qu'il fut appelé à remplir en diverses circonstances, Abrabanel est surtout connu par ses ouvrages, et en particulier par ses Commentaires sur les livres de l'Ancien Testament qui ont joui longtemps d'une grande autorité parmi les Juifs. Les écrits d'Abrabanel trahissent souvent une violente hostilité contre le christianisme (Wolf, Biblioth. hebr., III, 544; de Rossi, Dizionario storico degli autori Ebrei; Ersch et Gruber, Encyclopædie, art. Abrabanel).

ABRAHAM ['Abrâhâm, 'Aбpadu, Abrahamus], appelé d'abord Abram, fils de Thérach, descendant de Sem, le premier des patriarches. La vie d'Abram, si l'on s'en tient à la rédaction canonique de la Genèse et à l'interprétation qui a prévalu dans l'Eglise, se partage en quatre phases distinctes, inaugurées chacune par une intervention divine. La première période (Gen. XII-XIV) débute par la vocation d'Abram et comprend son départ de Mésopotamie avec Lot, son établissement en Canaan, son voyage en Egypte, la guerre des rois alliés, la délivrance de Lot, l'entrevue avec Melchisédec. Le fait central de cette période est la triple promesse faite par Dieu à Abram : 1o la bénédiction qui par lui s'étendra à toute la terre; 2o une postérité innombrable; 3o la possession de Canaan. A l'entrée de la seconde période (Gen. XV-XIX), la promesse se précise: Abram, malgré son grand âge, verra naître un héritier de son sang. A la foi d'Abram, qui reçoit sans hésiter le témoignage de Dieu, celui-ci répond par l'établissement de l'alliance, pacte bilatéral; mais Dieu seul a pris l'initiative, comme l'indique la cérémonie mystérieuse rapportée Gen. XV. L'union d'Abram avec Agar et la naissance d'Ismaël retardent l'accomplissement de la promesse, qui tombe dans la troisième période (Gen. XVII-XXI). Dieu ratifie l'alliance en la plaçant sous la garantie de son nom d' 'Elchaddaï, et la confirme en donnant à Abram le signe de la circoncision et en changeant son nom d'Abrâm (père élevé) en celui d'Abrâhâm (père de multitude). La naissance d'Isaac, l'héritier des promesses, précédée immédiatement par la destruction de Sodome et Gomorrhe et le séjour

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