Images de page
PDF
ePub

nature humaine nous la montrent plus belle dans son essence, plus riche et plus variée dans ses manifestations, plus puissante dans son action sur le monde. Que ses adversaires, comme aussi certains de ses défenseurs, mieux informés les uns et les autres, cessent donc de la confondre avec les formes et les systèmes parasites qui, trop longtemps, ont voilé sa splendeur ! Ce sont ces enveloppes poétiques et pittoresques parfois dans leur grâce naïve, mais devenues gênantes à la longue, que le travail du temps emporte; ce sont ces scories que le minerai en fusion dépose au fond du creuset. L'or pur s'en est dégagé, et il n'y a pas de risque qu'il se perde.

Dirons-nous toute notre pensée ? Notre pays nous paraît plus particulièrement bien placé pour opérer ce triage, devenu nécessaire, entre ce qui dans la religion est destiné à périr et ce qui doit demeurer. L'Angleterre, conservatrice par tempérament et par tradition, a compris le christianisme surtout par son côté pratique : elle réalise d'une manière merveilleuse l'activité charitable et missionnaire à laquelle l'Evangile nous convie. Moins ferme et moins libre sur le terrain ecclésiastique, mais plus hardie dans le domaine de la pensée, l'Allemagne, avec son génie spéculatif et critique, a porté plus avant le flambeau des recherches en ce qui concerne les origines des religions, les documents authentiques et la physionomie propre du christianisme. Mieux équilibrée et admirablement pondérée dans les dons qu'elle a reçus en partage, la France, lorsqu'elle suit ses meilleures inspirations, semble destinée à veiller sur le foyer religieux où s'embrase et se réchauffe la foi de l'humanité. Unissant la vaillance à la douceur, l'amour de la règle à la passion généreuse, elle a produit quelques-uns des plus beaux types de la piété chrétienne.

C'est en vain, croyons-nous, que l'on essaye aujourd'hui de la détourner de l'accomplissement de sa véritable mission. Elle n'écoutera pas les conseils de ceux qui lui disent de jeter par-dessus bord toutes ses croyances; elle suivra moins encore la voix de

ceux qui voudraient lui persuader que le dernier mot de la religion a été prononcé au récent concile du Vatican. Elle réagira aussi contre cette doctrine fataliste d'après laquelle la direction religieuse de l'humanité aurait passé, avec l'hégémonie politique et sociale, des peuples de race latine aux peuples de race germanique ou anglo-saxonne. Certes, nous ne demandons pas à la France de se faire protestante, et nous laissons à d'autres le soin de lui rappeler ce qu'elle a perdu en repoussant la Réforme au seizième siècle et en proscrivant ses fils au dixseptième. Qu'elle renoue simplement avec les propres traditions de son passé et que, appliquant à son ancienne foi les méthodes nouvelles, elle redevienne ce qu'elle a été jadis dans la fleur de ses héros le pays des fortes études, des mœurs austères et de la propagande enthousiaste de l'Evangile !

:

ENCYCLOPEDIE

DES

SCIENCES RELIGIEUSES

A

AARON (Aharon, "Aapov], frère aîné de Moïse et, par conséquent, fils d'Amram et de Yokèbèd, de la tribu de Lévi (Nomb. XXVI,59). Nous ne savons rien de sa jeunesse. La première fois qu'il est question de lui dans le Pentateuque (Exode IV, 44), il semble qu'il avait déjà la répulation d'être un homme habile à manier la parole. Il ne fut guère que l'interprète, la « bouche » (Exode IV, 16) de son frère dont il subit le puissant ascendant. Nous le trouvons toujours à côté de Moïse, dont il soutenait le bras à la bataille de Rephidim contre les Amalécites (Exode XVII, 12). Une fois il est laissé à lui-même, et il autorise le peuple à se faire un taureau d'or qui rappelait les idoles égyptiennes Exode XXXII, 1-6). Dans une autre circonstance, cédant à l'influence de sa sœur Miryam, il cherche querelle à son frère parce qu'il a épousé une femme Kouchite (Nomb. XII, 1 et ss.). Aaron paraît donc avoir été d'un caractère faible et peu consistant. Il n'en fut pas moins, selon la tradition consacré prêtre en même temps que ses fils (Exode XXIX, ↓ et ss.; Nomb. VIII), et la prêtrise déclarée héréditaire dans sa famille. Coupable, ainsi que Moïse, d'avoir douté de Jéhova aux eaux de Meribah (Nomb. XX, 6-12), il ne put traverser le Jourdain et entrer dans le pays de Canaan à la tête des Israélites. Il mourut sur le mont Hôr, dans le voisinage de Pétra, et Moïse revêtit Eleâzâr, son fils, du costume sacerdotal (Nomb. XX, 28).- La femme d'Aaron s'appelait Elisabeth (Elichèba). Des quatre fils qu'il eut d'elle, Nâdâb, Abihou, Eleâzâr et Ithâmâr, les deux derniers seuls lui survécurent; les deux premiers étaient morts pour avoir apporté devant Jéhova « un feu étranger » (Lév. X, 1, 2). — Pour la critique de la vie d'Aaron, voir l'article Moïse.

>>

ABADDON. Ce terme, qui vient du verbe hébreu 'âbad, «se perdre, signifiait primitivement la destruction; puis, dans la langue poétique, il est devenu le synonyme du séjour de la mort, du Cheol (Job XXVI, 6;

[ocr errors]

XXVIII, 22; Ps. LXXXVIII, 12; Prov. XV, 11). Dans l'Apocalypse enfin, on le retrouve appliqué à « l'ange de l'abîme » (Apoc. IX, 11) qui commande aux armées des sauterelles infernales; son nom, 'A6xèèóv, est rendu, en grec, par le mot 'Anoλλóшν, «le destructeur. »

ABAISSEMENT du Christ (Status exinanitionis). La dogmatique distingue un double état dans l'existence du Christ: l'état d'abaissement et l'état d'élévation. Elle se fonde principalement sur Phil. II, 5-9, où la Vulgate traduit exévocev par exinanivit. Dans ce passage, saint Paul oppose l'existence terrestre du Christ, humble et misérable (popph douλov), à son passé et à son avenir glorieux. Son incarnation est dès lors considérée comme un abaissement volontaire nécessité par notre salut, riche en consolations et en encouragements pour ceux qui, comme lui, portent la forme du serviteur, en attendant la gloire future qui doit être manifestée. La Divinité étant toujours égale à elle-même ne peut être ni abaissée ni élevée; c'est donc le fait de revêtir la nature humaine qui constitue l'abaissement du Fils de Dieu. Ainsi raisonnent Calvin et les théologiens réformés : « Car, que veulent dire ces mots : « Il a esté trouvé comme homme en figure, » sinon que pour un tems sa gloire divine n'a point relui, mais seulement la forme humaine en condition vile et basse » (Inst. chrest., II, 13, 2). Les théologiens luthériens qui admettaient la communication réciproque des propriétés des deux natures ne pouvaient sortir d'embarras qu'en enseignant que la nature humaine du Christ, quoique participant de la majesté divine, vécut « presque toujours » dans un état de gloire cachée et, par conséquent, d'abaissement sur la terre: «Hæc humanæ naturæ majestas in statu humiliationis majore ex parte occultata et quasi dissimulata fuit» (Form. conc., VIII, 65). Une controverse assez vive s'engagea, en 1616, sur ce point, entre les théologiens souabes et les théologiens hessois. Les premiers soutinrent qu'en vertu de la communicatio idiomatum, le Christ avait possédé la toute-présence et le gouvernement du ciel et de la terre, même dans son état d'abaissement et jusque dans sa mort. Ils distinguent entre la xos, la possession des attributs de Dieu, la pote, l'usage, et la zpút, l'usage occulte. Les Hessois, de leur côté, insistaient sur la xévwat, c'est-à-dire le dépouillement (voy. l'article Kenosis), l'abstention complète de l'usage. Les théologiens saxons, à l'arbitrage desquels la décision fut soumise, donnèrent raison à ces derniers, mais en accordant toutefois à leurs collègues de Tubingue que, pour accomplir ses miracles, Jésus-Christ s'est servi de la nature divine. Les dogmatistes ont relevé deux éléments dans l'état d'abaissement : l'élément négatif (zévwotę) qui consiste dans l'abdication de l'usage de la majesté divine, et l'élément positif (taneivwoLg) qui consiste dans le revêtement de la forme de serviteur. Ils ont, de plus, distingué jusqu'à sept degrés (gradus, modi, momenta) dans l'abaissement du Christ: la conception, la naissance, l'éducation, la fréquentation des hommes (sanctissima ipsius consuetudo cum variis, etiam contemptissimis hominibus, plena molestiis, incommodis, periculis), la passion, la mort, l'ensevelissement; quelques-uns y ajoutent encore la circoncision et la fuite en Egypte.

ABANDON. Lorsqu'il est dit, dans l'Ecriture sainte, d'un individu ou d'un peuple que Dieu l'abandonne, cela signifie que, pendant un temps plus ou moins long, il lui retire le sentiment de sa présence, l'assurance de sa sollicitude paternelle, de sa protection bienveillante et de son secours efficace, pour le laisser tomber dans le malheur et dans la misère, en butte à ses convoitises ou en proie à ses ennemis. Cet abandon s'applique aux incrédules, dans le but de les reprendre et de les corriger (Deut. XXXI, 17; Jérém. II, 19; Osée IX, 12; 2 Cor. IV, 2 Tim. II, 26), aussi bien qu'aux croyants afin de les éprouver et de les exciter à redoubler de fidélité, de vigilance et de zèle (2 Chron. XXXII, 31; Job XIII, 24; Ps. LXIX, 21; LXXXVIII, 6).-L'abandon du Christ sur la croix (Matth. XXVII, 46. Cf. Ps. XXII, 2) n'implique ni une séparation essentielle avec le Père, ni un divorce momentané entre sa nature divine et sa nature humaine, ni surtout l'action de la colère et de la malédiction divines dont le Fils eût été l'objet, alors qu'il accomplissait l'obéissance dans ce qu'elle avait de plus pénible. Vaincu par le double excès de la douleur physique causée par la crucifixion et de la douleur morale résultant de la réprobation dont il était la victime de la part des hommes, Jésus-Christ, en ce court et suprême instant de l'agonie, n'a plus senti la puissance de l'amour divin: il n'a vu que les signes de la colère, du châtiment et du jugement des hommes sous les effets desquels il succombait.

ABANDONNEMENT, terme de droit ecclésiastique qui désigne l'acte par lequel une personne déjà condamnée par le tribunal ecclésiastique est livrée entre les mains des juges laïques. Les canons ont fixé à trois les cas où le criminel devait être livré au bras séculier : l'hérésie, quand il y a impénitence de la part du coupable; le faux commis sur des lettres du pape; la calomnie portée contre son propre évêque. -On se sert aussi de ce terme pour désigner la cession d'un bénéfice, soit expresse, par acte public, lors d'un mariage, d'un vœu monastique ou d'un autre motif d'incompatibilité; soit tacite, par la non-résidence ou la non-desserte.

ABARIM, proprement har ou hàré ha abarim, «les monts du passage?» peut-être aussi «du gué?» étaient situés en face de Jéricho, de l'autre côté du Jourdain. Ils sont mentionnés parmi les étapes du peuple hébreu (Nomb. XXXIII, 47) et dans le récit de la mort de Moïse (voy. Nébo). Ils avaient pour sommet principal le mont Nébo. Suivant Winer, cette chaîne s'étendait jusqu'au sud de la mer Morte où l'on rencontre des montagnes appelées 'iyyé ha'abàrim, à l'entrée du pays de Moab (Nomb. XXI, 44; XXXIII, 44); mais cette hypothèse, qui a été adoptée par Menke dans son atlas, est contestable; deux groupes de montagnes différents ont fort bien pu porter un nom de ce

genre.

ABAUZIT (Firmin), savant genevois [1679-1767], était né à Uzès d'une famille huguenote. Au moment de la révocation de l'édit de Nantes, sa mère, femme distinguée, réussit, au travers de beaucoup de péripéties, à l'arracher aux mains de l'évêque et à le faire fuir en 1689 à Genève, où elle le rejoignit. Après des études fortes et variées, Abauzit

« PrécédentContinuer »