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sérieuse. Ce n'est pas que beaucoup d'amendements n'eussent encore été produits, sur la nécessité de répandre l'instruction primaire, par M. Cormenin; d'assurer l'aisance des classes ouvrières, par M. Voyer d'Argenson; d'aller les charges qui pèsent sur elles, par M. Dulong; mais aucun de ces amendements ne fut sanctionné par la majorité, et l'adresse, soumise à l'épreuve du scrutin secret, réunit en sa faveur 233 boules blanches, contre 119, noires.

·Elle fut présentée le lendemain (4 décembre): le roi exprima à la députation de la Chambre élective, comme il l'avait fait à celle de la Chambre des pairs, combien il était touché des sentiments qu'elle manifestait pour sa personne, et la remercia de l'appui qu'elle accordait à son gouvernement pour l'aider à remplir les voeux de la France, et consolider ses destinées.

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CHAPITRE XII.

Loi qui accorde trois douzièmes provisoires sur 1833. Loi sur les sommes laissées dans les bureaux de poste. Budget définitif de 1829. Lois diverses. Modification au règlement de la Chambre élective. Proposition pour l'abolition de l'anniversaire du 21 janvier. -Loi sur le monument de la place de la Bastille.—Pétitions.→ Proposition pour le rétablissement du divorce, -- Proposition en faveur de la liberté individuelle. Colonies. — Alger. Rapport sur les gardes nationales du royaume. Siége et prise de la citadelle d'Anvers.

Tant de matières graves restaient à régler législativement, tant de lois importantes à la prospérité et à la tranquillité dé la France étaient impatiemment attendues, que cette session devait être l'une des plus laborieuses, à considérer seulement le programme que le public et l'administration lui traçaient d'avance. Déjà même, avant que la discussion de l'adresse ne fût terminée, plusieurs de ces lois avaient été communiquées aux Chambres; les autres le furent successivement dans le mois de décembre; mais le retard qu'avait éprouvé l'ouverture de la session empêchait qu'elles pussent être discutées avant la fin de l'année. De là aussi la nécessité de demeurer, quant aux finances, dans un provisoire dont les nombreux inconvé nients n'échappaient à personne.

Pour atténuer le mal dans ses effets les plus fâcheux, sauf 1 à le couper ensuite dans sa racine au moyen de deux sessions consécutives, le ministre des finances, M. Humann, en venant, le 28 novembre, demander à la Chambre des députés les crédits qu'exigeait le premier trimestre de 1833, crédits évalués à 340 millions pour les dépenses ordinaires et extraordinaires, proposait en même temps, à l'exemple de la loi du 18 avril 1831, de voter les contributions directes pour toute l'année, afin que les rôles se trouvassent prêts au moment où le budget pourrait être promulgué. Après cette disposition, la plus im

portante était celle qui autorisait le ministre à maintenir en circulation les bons du trésor jusqu'à concurrence de 250 millions.

Ce projet, renvoyé à une commission, dont M. Lepelletierd'Aulnay présenta le rapport le 5 décembre, ne subit pas de sa part de modifications essentielles. Mais il devait essuyer dans la Chambre de sérieuses contradictions.

7 décembre. Cette fixation définitive des contributions directes de 1833, que le ministre réclamait de la Chambre, sans examen approfondi des besoins, sans connaissance des ressources que le passé pouvait léguer à l'avenir, ne semblait pas à beaucoup d'orateurs de nature à être consentie pour le seul avantage d'achever, à peu près trois mois plus tôt, la confection des rôles de 1833 (MM. Dumeylet, Salverte, Audry de Puyraveau, Thouvenel, Larabit, Beauséjour). Ces honorables membres, dont le ministère n'avait pas la confiance, n'étaient pas même disposés à lui accorder trois douzièmes à la fois; ils lui reprochaient de n'avoir tant retardé la convocation des Chambres que pour obtenir un budget provisoire qui rendît toute discussion impossible.

Après avoir entendu M. le ministre des finances, qui répondit aux préopinants, la Chambre rejeta tous les amendements proposés dans le but, soit de n'allouer que deux douzièmes provisoires sur les contributions directes, soit de restreindre les crédits demandés, et la loi aurait sans doute été votée dans la même séance, sans une proposition incidente qui parut assez digne d'intérêt pour que la Chambre renvoyât la discussion au lendemain.

Cette proposition, faite par M. de Mosbourg, avait pour objet de réduire les primes à l'exportation des sucres raffinés, et devait, dans l'opinion de son auteur, épargner au trésor une perte d'environ un million par mois.

« Ce fut, disait l'orateur, une loi du 28 avril 1816, qui, , pour la première fois, encouragea par des primes l'exportation des sucres raffinés. Les caisses publiques payèrent pour cet objet, en 1817, une somme de 57,588 fr., et en 1832 elles auront payé 20 millions,

• Comment l'administration a-t-elle pu se laisser conduire à ce résultat scandaleux? Comment a-t-elle pu laisser se prolonger et grandir sans cesse un abus signalé par tous les organes de l'opinion? C'est, il faut le dire; par une coupable condescendance pour de grands spéculateurs qui semblent s'être jetés dans le mouvement des affaires publiques pour s'enrichir par des combinaisons plus sùres sur les affaires publiques; employant tour à tour, avec habileté, leur influence politique pour grossir leur fortune, et leur fortune pour agrandir leur influence politique. » (Vive rumeur. Écoutez! écoutez!)

L'orateur signalait ensuite les mauvais effets de la loi qui régissait en ce moment le système de primes sur les sucres; les représentations qu'elle avait excitées de toutes parts, et l'énorme préjudice que causaient aux finances de l'État les fraudes que ces primes provoquaient, préjudice qui n'allait pas à moins de 8 millions pour 1832.

Ces fraudes, disait-il, ont lieu sous mille formes diverses qu'il est inutile d'énumérer ici. Ne suffit-il pas, pour en constater toute l'étendue, d'un fait qu'un grand nombre d'entre vous peut attester? Ce fait, c'est que dans nos départements frontières le prix du sucre raffiné est presque inférieur de moitié à celui que paient les consommateurs du centre de la France, parce qu'on y fait rentrer en contrebande, sous la garantie d'une faible prime d'assurance, les sucres pour lesquels le trésor a payé la prime d'exportation. (Mouvement en sens divers.)

Ces révélations avaient jeté une vive agitation dans l'assemblée. Le ministre du commerce, en marchant vers la tribune, se rencontra avec M. de Mosbourg, auquel il adressa, à voix basse, un propos que celui-ci déclara hautement être de la plus forte inconvenance: il s'ensuivit de nouvelles apostrophes qui prirent, de la part du ministre, le caractère d'une provocation personnelle. Toutefois cet incident n'eut pas d'autres suites, et dès que le calme fut rétabli, M. d'Argout, après quelques considérations sur l'amendement dont il énuméra les graves inconvénients, s'exprimait ainsi :

• L'honorable député, auteur de l'amendement, a attribué à des influences qu'il n'a pas qualifiées le maintien du système actuel. Il n'a pas craint d'accuser le gouvernement d'avoir cédé à des influences criminelles, d'avoir manqué à ses devoirs, d'avoir violé les lois de la délicatesse, se laissant entraîner à des influences parlementaires ou extra-parlementaires, pour abandonner les intérêts des contribuables. Il ne suffit pas d'insinuer de pareilles inculpations, il faudrait avoir le courage de nommer ces in fluences lorsqu'on a celui de faire naître d'odieux soupçons; il n'y a rien

de plus odieux que de pareilles insinuations. Qu'on ose attaquer et qu'on nommé, nous répondrons. »

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Interrompu un moment par des cris, des exclamations confuses, le ministre reprit la parole pour donner le démenti le plus formel quant aux influences dont le préopinant avait parlé. Convenant, au resté, que le système actuel des primes était défectueux, il ajoutait que si cette question, qui intéresse notre commerce, notre industrie, notre navigation, jusqu'à l'existence de nos colonies, n'avait pas encore été résolue, c'est qu'elle présentait des difficultés immenses. Il espérait donc que la Chambre ne bouleverserait pas brusquement tant d'intérêts en adoptant à l'improviste l'amendement de M. de Mosbourg.

L'honorable membre reparut aussitôt à la tribune pour se justifier d'avoir voulu dérober par surprise à la Chambre une détermination aussi importante: quant à la sommation qu'il avait reçue de nommer les influences signalées par lui, il répliqua que c'était lui demander de se faire dénonciateur; or, ce rôle n'était ni dans ses habitudes ni dans son cœur.

Cependant le ministre avait pris l'engagement d'apporter, sous peu de jours, une loi sur la matière, ce qui semblait devoir mettre fin à la discussion. Mais M. Benjamin Delessert présenta un amendement plus large encore que celui de M. de Mosbourg, et qui suspendait les primes pour les sucres admis en douane après le 1er janvier 1833. Cet amendement, combattu vivement par plusieurs membres, dont deux appartenaient aux villes de Marseille et de Bordeaux, ne fut toutefois rejeté qu'à la seconde épreuve. La Chambre passa ensuite aur scrutin sur l'ensemble du projet de loi, qui obtint 181 voix contre 117, sur 362 votants.

Porté le 10 à la Chambre des pairs, il fut adopté le 14 par 115 voix contre 3, après avoir fourni à M. le marquis de Dreux-Brézé une occasion de s'élever avec force contre les dépenses énormes que la France avait à supporter depuis la révolution de juillet.

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