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Qu'ai-je à faire de ta lumière, disait-il au soleil ———————— » lorsqu'il commençait à paraître pourquoi JANV. 17. » viens-tu me distraire? pourquoi ne te lèves-tu » que pour m'arracher à la clarté de la véritable » lumière ? » Cassien, qui rapporte ce trait, ajoute que, parlant de l'oraison, il disait que celle d'un religieux n'était pas parfaite, lorsqu'en priant il s'apercevait lui-même qu'il priait; ce qui fait voir combien son oraison était sublime.

Les visions dont nous avons déjà parlé ne furent pas les seules dont Dieu favorisa son serviteur. Il lui découvrit, sous la figure de mulets qui renversaient l'autel à coups de pied, les horribles ravages que les Ariens causèrent deux ans après dans la ville d'Alexandrie; et de graves auteurs (10) nous assurent qu'il prédit clairement les excès auxquels la fureur de ces hérétiques se porta. Il détestait en général tous les ennemis de l'église ; il les chassait de sa montagne, en les traitant de serpens venimeux (11); et jamais il ne leur parlait, à moins qu'il ne fût question de les exhorter à rentrer dans l'unité.

Plusieurs évêques, persuadés que personne ne serait plus propre que notre saint à confondre les Ariens, l'engagèrent, vers l'an 355, à faire un voyage à Alexandrie: il se rendit à leurs sollicitations. A peine fut-il arrivé dans cette ville, qu'on l'entendit prêcher hautement la foi catholique. Il enseignait que le fils de Dieu n'était point une simple créature, mais qu'il était consubstantiel au père. « Il n'appartient, disait-il, qu'aux sectateurs impies d'Arius de le traiter de créature; aussi » ne diffèrent-ils pas des Païens, qui rendaient un » culte sacrilége à la créature, au lieu d'adorer le Créa»teur.» Tout le monde s'empressait d'aller le voir et de l'entendre. Les idolâtres partageaient cet empressement avec les Chrétiens. « Nous voulons

>>

(10) S. Athan. n. 82, p.857;16, c. 5.

S. Chrysost. hom. 8 in Matth.; (11) S. Athan. n. 68, 69,
S. Jérôme, ep. 16; Sozom. l.p. 847•

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>> voir l'homme de Dieu, disaient-ils. » Il y en eut JANV. 17. plusieurs d'entr'eux qui, frappés de ses discours et de ses miracles, demanderent le baptême. Antoine vit à Alexandrie le célèbre Didyme qui quoiqu'aveugle depuis l'âge de quarante ans, s'était néanmoins rendu très-habile dans toutes sortes de sciences, et qui, à cause de son zèle à défendre la foi de Nicée, était fort estimé de saint Athanase et de tous les évêques catholiques. Il lui dit un jour qu'ils s'entretenaient ensemble : « Pourriez-vous. » regretter la perte de la vue? Les yeux vous » étaient communs avec les mouches, les fourmis. >> et les animaux les plus méprisables. Vous devez plutôt vous réjouir de posséder une lumière qui » ne se trouve que dans les apôtres, les saints et les » anges; lumière par laquelle nous voyons Dieu » même, et qui allume dans nous le feu d'une » science toute céleste, La lumière de l'esprit est >> infiniment préférable à celle du corps. Il ne fauț qu'un regard impudique pour que les yeux >> charnels nous précipitent dans l'enfer. » Le saint ayant passé quelques jours à Alexandrie, ne pensa plus qu'à retourner dans sa cellule. En vain le gouverneur d'Egypte voulut le retenir plus longtemps; il ne répondit à ses invitations que par ces paroles: « Il en est d'un moine comme d'un poisson; » l'un meurt s'il quitte l'eau, et l'autre s'il quitte la » solitude (12). » Saint Athanase le reconduisit par respect jusqu'aux portes de la ville, où il le vit guérir une fille possédée du démon.

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Plusieurs philosophes païens, curieux de voir un solitaire dont la renommée publiait tant de merveilles, visitèrent souvent Antoine, dans le dessein de disputer avec lui. Il leur prouvait d'une maniere invincible que la religion chrétienne est la seule vraie, la seule qu'on puisse professer avec sûreté. « Nous autres chrétiens, leur disait-il, en » prononçant seulement le nom de Jesus crucifié, »> nous mettons en fuite ces démons que vous ado

(12) S. Athan. n. 85, p. 859.

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rez comme des dieux. Leurs prestiges et leurs >> charmes perdent toutes leurs forces où le signe JANV.17. » de la croix est formé. » Il confirmait ce qu'il avait avancé, en invoquant le nom de Jesus, et en faisant le signe de la croix sur des possédés, qui, se trouvant tout-à-coup délivrés, se levaient pour témoigner à Dieu leur reconnaissance (13). Quelques-uns de ces philosophes lui demandèrent un jour à quoi il pouvait s'occuper dans son désert, puisqu'il était privé du plaisir que l'on goûte dans la lecture. « La nature, répondit-il, est pour » moiun livre qui me tient lieu de tous les autres. »> Quand il y en avait qui voulaient tourner en ridicule son ignorance dans les sciences profanes, il leur demandait avec une simplicité admirable, qui, de la raison ou de la science, était la première et laquelle des deux avait produit l'autre ? « C'est » sans doute la raison, répondirent-ils. La raison » suffit donc, reprenait le saint. » C'était ainsi qu'îl confondait ces prétendus savans, et qu'il prévenait toutes leurs objections. Ils s'en allaient si frappés de la sagesse de ses discours, qu'ils ne pouvaient lui refuser leur admiration, D'autres, dans le dessein de le trouver en défaut, l'interrogèrent sur les raisons qu'il avait de croire en Jesus-Christ: mais il leur ferma la bouche, en leur montrant que d'attribuer, comme eux, les vices les plus infames à la Divinité, c'était la dégrader; que le mystère humiliant de la croix était la preuve la plus sensible de la bonté divine, et que les humiliations passagères de Jesus-Christ avaient été amplement effacées par la gloire de sa résurrection, et par les miracles sans nombre qu'il avait opérés, en rendant la vie aux morts, la vue aux aveugles, la santé aux malades. Il établissait ensuite que la foi en Dieu, et les oeuvres dont elle est le principe, avaient quelque chose de bien plus clair et de bien plus satisfaisant que toutes les rêveries des Grecs (k).

(13) Ibid. n. 80, p. 855. le rapporte S. Athanase, n. (k) Saint Antoine, comme 77, p. 852, se servit d'un in

On ne peut douter de l'attachement de saint JANV.17. Antoine à la doctrine du concile de Nicée, après ce que nous avons dit de son voyage à Alexandrie. Ce ne fut pas cependant la seule occasion où il fit connaître ses sentimens ; car il n'eut pas plutôt été informé que le faux patriarche Grégoire, soutenu de l'autorité du duc Balac, persécutait les orthodoxes avec fureur, qu'il lui écrivit de la manière la plus pressante pour l'exhorter à ne pas déchirer le sein de l'église. Malheureusement sa lettre ne produisit aucun effet : le duc, au lieu d'y avoir égard, la mit en pièces, cracha dessus, et la fóula aux pieds; il menaça même le saint de décharger sur lui le poids de son indignation. Mais la justice de Dieu ne tarda guères à le punir. En effet, allant cinq jours après (14) sur des chevaux de sa propre écurie, avec Nestor, gouverneur d'Egypte, ces animaux se mirent à jouer ensemble, et celui que Nestor montait, quoique très-doux, se jeta sur Balac, le renversa par terre, et hennissant contre lui, le mordit plusieurs fois à la cuisse. Le duc, extraordinairement maltraité, fut porté à la ville où il mourut au bout de deux jours.

La vénération qu'on avait pour notre saint était si universelle, que le grand Constantin, et ses deux fils Constance et Constant, lui écrivirent vers l'an 337. Ces princes, dans leur lettre commune, sollicitaient le secours de ses prières, et lui témoignaient le plus vif empressement de recevoir une réponse de sa part. Les disciples d'Antoine étant surpris de l'honneur que lui faisait le maître du monde, il leur dit : « Vous ne devez pas vous » étonner de ce que je reçois une lettre de l'em» pereur ; c'est un homme qui écrit à un autre >> homme: mais étonnez-vous de ce que Dieu nous » a fait connaître ses volontés par écrit, et de ce qu'il nous a parlé par son propre. fils. » Il nevoulut pas d'abord faire de réponse, alléguant,

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contre

terprète pour disputer contre (14) Ibid. n. 86, p. 860. ces philosophes grecs.

pour raison, qu'il ne savait comment s'y prendre. A la fin pourtant il céda aux représentations réité- JANV. 17. rées de ses disciples, et écrivit à l'empereur et à ses enfans une lettre dans laquelle il les exhortait à mépriser le monde, et à ne jamais perdre de vue la pensée du jugement dernier. Elle nous a été conservée par saint Athanase.

Le saint écrivit aussi plusieurs lettres (2) à divers monastères d'Egypte, dans lesquelles on trouve le style des apôtres et la solidité de leurs maximes. Il insiste fortement dans celle qui est adressée aux moines d'Arsinoé, sur la nécessité d'opposer aux tentations la vigilance, la prière, la mortification et l'humilité ; il y observe, pour mieux faire sentir le danger de l'orgueil, que c'est ce péché qui a perdu le démon, et par conséquent celui dans lequel il s'efforce particulièrement d'entraîner les hommes. Il répète souvent que la connaissance de nous-mêmes est l'unique moyen de nous élever à la connaissance et à l'amour de Dieu (m). Il ne paraît pas que saint Antoine ait écrit de règle pour ses disciples (n); du moins les anciens auteurs

(1) S. Jérôme parle de sept.blié, Maii, t. III, p. 355, une Les originaux écrits en langue courte lettre de S. Antoine à S. égyptienne se conservent en-Théodore, abbé de Tabenne, core dans plusieurs monastères dans laquelle il dit que Dieu d'Egypte. Nous n'en avons lui avait assuré dans une révéqu'un assez mauvaise traduc-lation, que tous les pécheurs tion latine, faite sur le grec. sincèrement repentans de leurs (In Bibl. Patr. Colon. t. IV, p. fautes en obtiendraient le 26.) Voyez le livre intitulé: pardon.

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S. Antonii Magni epistole 20 (n) Celle que l'on trouve
curâ Abraham Eckellensis, im-sous son nom dans Abraham
primé à Paris en 1641. De ces Eckellensis, est de beaucoup
vingt lettres attribuées à saint postérieure au temps où il vi
Antoine, il n'y a que les sept vaít. En orient, plusieurs moi-
dont nous avons parlé ci-de-nes de S. Basile portent depuis
vant qui soient véritablement le septième siècle le nom de
de lui; on ne peut pas non moines de S. Antoine; mais
plus lui ôter les discours rap-fils suivent toujours la règle
portés dans sa vie par saint contenue dans les ouvrages
Athanase.
ascétiques de S. Basile : ils ob-
(m) Les Bollandistes ont pu- servent encore les jeûnes et les

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