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Le portrait qu'un célèbre abbé du dernier siècle a tracé d'un vrai solitaire, paraît avoir été copié JANV. 2 d'après la vie du grand Macaire. Quand une ame, dit-il, cherche Dieu dans la solitude, elle ne pense plus qu'aux choses célestes; elle oublie la terre où nul objet ne peut mériter ses affections. Embrasée du feu de l'amour divin, elle ne voit dans la mort que l'heureux moment où elle sera réunie au souverain bien après lequel elle soupire. Il est pourtant une erreur que doivent éviter ceux qui ont abandonné le monde; c'est de s'imaginer qu'en vivant dans la solitude, ils iront à Dieu par une route facile et semée de roses; qu'ils ne trouveront point d'obstacles à vaincre, et que la main du Seigneur sera attentive à écarter tout ce qui pourrait les peiner, et troubler la douceur de leur retraite. Ils doivent au contraire se persuader que les tentations les suivront par-tout; qu'on y est exposé en tout état, en tout lieu, et que la paix promise par le Sauveur se trouve parmi les tribulations, comme les roses parmi les épines. Dieu n'a pas dit à ses serviteurs qu'ils ne rencontreraient point d'épreuves, mais seulement qu'il leur ferait tirer avantage de la tentation (7). Voilà les conditions auxquelles le ciel nous est offert. Quoi de plus propre à ranimer notre courage! Y a-t-il la moindre proportion entre des tribulations d'un moment, et la gloire d'une couronne immortelle ?

LE MÊME JOUR

SAINT CONCORD e,
SOUS-DIACRE ET MARTYR.

CE

E saint fut arrêté dans un désert sous le règne de Marc-Antonin, et conduit, vers l'an 178, devant Torquatus, gouverneur d'Ombrie, qui faisait alors

silence rigoureux avec les étran- les hôtes. Concord. Regul. c. gers, la liberté de parler n'étant 60, p. 809, edit. Menardi. accordée qu'à celui qui reçoit (7) 1. Cor X, 13.

sa résidence à Spolette. Les promesses et les meJANY. 2. naces ayant été inutiles, on le battit à

coups de bâton dans le premier interrogatoire, et on l'étendit sur le chevalet dans le second. Il souffrait avec une patience héroïque, et disait avec joie, dans le fort de ses tourmens: Soyez glorifié, Seigneur Jesus. Trois jours après, Torquatus envoya deux soldats pour le décapiter en prison, s'il refusait de sacrifier à une idole que portait un prêtre qui les accompagnait. Concorde ayant craché sur l'idole, pour marquer l'horreur qu'il avait d'un tel sacrifice, un des soldats lui trancha aussitôt la tête. Son nom se trouve au premier de Janvier dans le martyrologe romain; mais dans quelques autres, il est au 2 du même mois.

Voyez les actes du saint dans Bollandus, p. 9, et Tillemont, tom. II, p. 439.

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'EMPEREUR Dioclétien publia en 303 un édit, par lequel il était ordonné de brûler tout ce que pourrait trouver d'exemplaires de nos divines. écritures. Les magistrats des diverses provinces de l'empire romain eurent recours aux supplices pour forcer les Chrétiens à les leur livrer; mais il s'en trouva un grand nombre qui aimèrent mieux exposer leurs corps aux tourmens et à la mort, que de contribuer à la destruction sacrilége de ces monumens de notre religion. L'église les honore en ce jour, sous le titre de Martyrs des Livres saints.

Voyez Baronius, Annal. et Annot. in Martyrol. rom. Eusèbe, 1. 8, c. 2. Vales. not. ibid. p. 163. Lactance, de Mort. Persec. c. 15 et 18, cum notis Baluz, etc. Ruinart, in Act. SS. Saturn. etc. et S. Felicis. Fleury, Moeurs des Chrét. Tillemont, Pers. de Diocl. art. 10, t. V.

SAINT ADÉLARD,

ABBÉ DE CORBIE EN PICARDIE,

ADÉLAR
ÉLARD (a) était issu du sang le plus illustre
puisqu'il avait pour père le comte Bernard, fils de
Charles Martel, et frère du roi Pepin. Charle-
magne, dont il était cousin-germain, le fit venir à
la cour, et le créa comte du palais. Quoiqu'il fût
jeune encore, il ne laissa pas de craindre l'air em-
pesté qu'on respire dans le monde. De là cette
attention à conserver la grâce que Dieu avait libé-
ralement versée dans son ame. Les abus dont il
était témoin alarmaient de plus en plus sa cons-
cience; et comme il ne pouvait y remédier, il ré-
solut de s'en dérober au moins la vue. Il s'éloigna
donc de la cour et du commerce des hommes >
pour aller vivre dans la retraite : son sacrifice fut
d'autant plus édifiant et plus méritoire, qu'il possé-
dait les plus brillantes qualités de l'esprit et du
corps, et qu'il était à la fleur de son âge; car il
n'avait que vingt ans lorsqu'il prit l'habit monas-
tique à Corbie (b) en Pircadie. Il fit ses voeux après
une année de noviciat passée dans la plus grande
ferveur.

On le chargea d'abord de la culture du jardin, emploi dont il s'acquitta avec autant de zèle que d'humilité. Cette dernière vertu, jointe à l'amour de la solitude, lui fit demander la permission de se retirer au Mont-Cassin. Il avait choisi ce monastère, dans l'espérance d'y être totalement inconnu

(a) On l'appelait encore Clothaire, pour Lothaire. Adalard, que l'on prononçait (b) Ce monastère avait été Alárd. Il était ordinaire aux fondé, en 662, par la reine anciens Français d'ajouter à Bathilde. Saint Adélard lui doncertains mots des lettres ou des na de grands biens en fonds de syllabes qu'on ne faisait point terre; ils sont encore distingués sonner dans la prononciation. dans les titres ou archives de De là, Chrodobert ou Rigobert, Corbie, et font aujourd'hui parpour Robert; Clovis, pour Louis [tie de la mense abbatiale.

JANV.2.

aux hommes. La permission lui ayant été accordée, JANV. 2. il passa en Italie; mais il n'y trouva pas ce qu'il y était allé chercher. Son rare mérite et ses éminentes vertus le firent bientôt connaître. On l'obli

gea

même de retourner au monastère de Corbie, dont il fut élu abbé quelques années après.

Charlemague faisait un cas singulier de notre saint; aussi le contraignit-il de quitter la solitude pour venir à la cour. Nous apprenons de Hincmar (1) qui l'y avait vu, que de tous ceux qui composaient le conseil, personne ne pouvait lui être comparé. En 796, le même prince le mit, en qualité de premier ministre, auprès de Pepin son fils aîné, roi de Lombardie. Dans une place aussi importante, Adélard se proposa uniquement la gloire de Dieu et le bonheur des peuples. Un ministre qui a des intentions aussi pures, ne peut négliger son propre salut; et voilà pourquoi le saint était si attentif à conserver le recueillement intérieur de l'ame au milieu de la dissipation inséparable des cours. Il allait de temps en temps se renfermer dans sa chambre, ou dans la chapelle du palais, afin de vaquer à la prière, et de ranimer continuellement sa ferveur par des méditations profondes sur l'abîme de ses misères, et sur les grandeurs infinies de la majesté divine. Les larmes qui coulaient alors de ses yeux annonçaient la vivacité de sa ferveur. Charlemagne l'ayant rappelé de Milan, l'envoya vers le pape Léon III, pour assister à la discussion de certaines difficultés qui s'étaient élevées au sujet d'une addition faite au symbole, afin d'exprimer plus clairement que le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père. Il s'agissait du Filioque, que toutes les églises n'avaient point encore reçu. L'année suivante, c'est-à-dire, en 810, mourut Pepin, roi de Lombardie. Il laissait un fils nommé Bernard, âgé de douze ans, qu'il mit sous la conduite du saint.

Quelques années après, Bernard, qui en qualité

(1) L. Instit. Regis, c. 12.

de

de fils de Pepin l'aîné des enfans de Charlemagne, avait des prétentions à la couronne impériale, prit Janv. 2. les armes pour faire valoir ses droits: mais il fut malheureux dans cette guerre, qui lui coûta son royaume et la vie. Louis le Débonnaire, prévenu par les discours empoisonnés de quelques flatteurs, soupçonna le saint d'avoir favorisé sourdement les prétentions de Bernard son élève, et l'exila dans l'ile d'Hère en Aquitaine (c). Sa famille fut enveloppée dans la même disgrace. On bannit Wala son frère (d) et Gundrade sa sœur (e), qui tous deux profiterent de cette épreuve pour leur sanctifica tion. Quant à notre saint, il adora avec soumission les décrets de Dieu, qui se servait des hommes pour perfectionner sa vertu. Avec de tels sentimens il ne pouvait manquer de goûter dans sa nouvelle demeure une joie et une tranquillité d'ame inaltérables. Cependant l'empereur revint de ses préjugés : il reconnut l'innocence d'Adélard, et le rappela à la cour vers la fin de l'année 821; il lui fit même une espèce de réparation de l'injustice qu'il avait commise à son égard, en accumulant sur sa tête de nouvelles grâces et de nouveaux honneurs. Le serviteur de Dieu ne fut point ébloui du vain éclat des grandeurs humaines; il en connaissait trop le vide : aussi fut-il toujours le même homme à la cour et dans le cloître, dans l'adversité et dans la prospérité. Le mépris des biens terrestres, l'amour de la prière, une tendre charité envers tous les hommes, un zèle ardent à servir les malheureux, furent les traits qui le caractérisèrent dans les diverses positions où il se trouva.

(c) Au monastère de saint (et y vécut saintement. Philebert, appelé autrefois (e) Gundrade fut reléguée Hermoutier, et depuis Noir-là Poitiers dans le monastère moutier. de Sainte-Croix, où elle mena

(d) Wala était un des plus une vie très-édifiante. Adélard grands hommes de son siècle, avait une autre sœur nommée comme nous l'apprenons de sa Théodrade, qu'on laissa dans le vie, publiée par le père Mabil-monastère de Soissons où elle lon. Il se fit moine à Lerins,s'était faite religieuse.

Tome I...

D

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