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Adélard qui se croyait déplacé à la cour, et qui JANY. 2. n'y restait que malgré lui, demanda avec instance la permission de retourner à Corbie. Elle lui fut enfin accordée en 823. Il ne fut pas plutôt rentré dans son monastère, qu'il en reprit les exercices avec une nouvelle ferveur. Souvent on le voyait, malgré sa dignité d'abbé, s'assujettir aux plus humiliantes fonctions de la communauté. Quoique avancé en âge, il écoutait avec docilité les avis du dernier de ses moines. Lorsque quelqu'un d'entr'eux l'exhortait à modérer ses austérités : « J'aurai » soin de votre serviteur,» répondait-il en parlant de lui-même, « afin qu'il puisse vous servir plus long-temps. » Il ne négligeait rien pour porter ses frères à la perfection: chaque jour il leur faisait des discours tendres et pathétiques, et il ne se passait aucune semaine qu'il ne leur parlât à chacun en particulier. Mais comme l'instruction sert peu si elle n'est soutenue par l'exemple, il pratiquait le premier ce qu'il enseignait aux autres. Sa sollicitude s'étendait encore à tous ceux qui habitaient dans le voisinage du monastère. Les pauvres étaient sûrs de trouver en lui un père compatissant: il leur distribuait des aumônes si abondantes, que les revenus de l'abbaye ne pouvaient y suffire; aussi quelques personnes qui ne comptaient pas autant que lui sur les bontés de la Providence, l'accusèrent-elles de prodigalité. Sa charité lui inspira encore le dessein de bâtir plusieurs hôpitaux. Il avait conçu le projet de fonder en Saxe un monastère, où l'on formerait des ouvriers évangéliques pour travailler à la conversion et à l'instruction des peuples du nord. Il communiqua son plan à un de ses disciples, nommé aussi Adélard, qu'il avait choisi pour le remplacer durant son absence. Celui-ci jeta les fondemens du nouveau monastère (ƒ), qui ne fut entièrement achevé

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(f) La nouvelle Corbie fle diocèse de Paderborn. Le connue sous le nom de Corvey. territoire de cette abbaye a enElle est située sur le Weser, au viron trois milles en longueur cercle de Westphalie, et dans et deux en largeur. L'abbé de

qu'en 823. Notre saint y alla deux fois, et y demeura assez long-temps pour donner une consis- JANV. 2. tance solide à un ouvrage que l'amour de la religion avait fait entreprendre.

Rien n'était plus exemplaire que la ferveur avec laquelle on vivait dans les deux monastères. Tous les points de la règle s'y observaient avec autant d'exactitude que de piété. Adélard qui craignait que le relâchement ne s'introduisît après sa mort, tâcha de le prévenir; il composa dans cette vue son livre des Statuts (g) pour l'usage de ses frères.

Enfin arriva le moment que Dieu avait marqué pour le retirer de cette vallée de larmes. Il tomba malade à l'ancienne Corbie, trois jours avant Noel. Hildeman son disciple, alors évêque de Beauvais lui administra l'extrême-onction; et il mourut le 2 Janvier 827, quelques heures après avoir reçu le saint viatique. Il était âgé de 73 ans. On le surnomma l'Augustin, l'Antoine (h), le Jérémie de son siècle, pour exprimer les divers traits de ressemblance qu'il avait avec ces grands hommes. Comme il avait une vaste étendue de connaissances, il était plus en état que personne de ranimer l'amour des bonnes études dans ses monastères.

Corvey, qui dépend immédiate-/vrage intitulé, de l'Ordre du ment du saint siége, est prince Palais, dont le but était d'apde l'empire. Il a à la diete la prendre aux ministres de la dernière voix parmi les abbes cour comment ils doivent se princiers. Ses revenus annuels comporter. Nous n'en avons sont de 30 à 40000 florins. plus qu'un extrait inséré dans L'abbaye de Corvey, outre l'Istruction du roi Carloman, par saint Anschaire si connu par sa Hincmar; et ce prélat doit au science et par son zèle, a pro- saint ce qu'il y a de plus estiduit un grand nombre de per-mable dans tout son livre. Le sonnages illustres, qui ont porté traité de la Lune pascale et les le flambeau de la foi dans plu- autres ouvrages de saint Adésieurs contrées barbares. lard, sont perdus.

(g) Il nous en reste encore (h) Alcuin lui a adressé une des fragmeus considérables lettre sous ce titre, ép. 107. dans le Spicilège de dom Luc Il l'y appelle son fils, ce qui a d'Achéri, t. IV, depuis la page 1 donné à plusieurs lieu de croire jusqu'àla page 20. Saint Adélard que saint Adelard avait été avait encore composé un ou-disciple de ce maître célèbre.

Da

Il s'intéressa vivement aux progrès des saintes JANY. 2. lettres; et l'on compte parmi ses disciples saint Paschase Radbert (i), saint Anschaire, sans parler de beaucoup d'autres.

Dieu ayant fait connaître la sainteté de son serviteur par plusieurs miracles, le pape Jean XIX, ou Jean XX selon d'autres, permit qu'on levât de terre le corps de saint Adélard, pour le mettre dans une châsse. On en fit la translation avec une grande solennité en 1040. Saint Gérard de SauveMajeure (k) nous a laissé l'histoire de cette translation (2). Il composa encore un office particulier en l'honneur du saint, à l'intercession duquel it se croyait redevable de la guérison d'un violent mal de tête. Les reliques de saint Adélard, à l'exception d'une petite partie, se conservent dans

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(i) Il nous représente Adé-fen français, en allemand, en lard comme un homme fort ha-latin en dialecte languedobile. Il dit qu'il savait également cien, en gascon, en patois arinstruire en latin, en tudesque tésien, en patois alsacien et en et en français vulgaire ; d'où patois lorrain. Voyez le recueil l'on doit conclure que la lan- des Historiens de France, par gue française faisait dès-lors Duchesne, t. II, p. 351, et l'Hist. une langue à part. La même litter. de la Fr. t. V, p. 206. chose se prouve par l'autorité (k) Saint Gérard, moine de de Nitard, qui servait dans les Corbie, fut le premier abbé du armées de Louis le Débon- monastère de Sauve-Majeure, naire, et qui a écrit l'histoire des en latin, Salva Major, situé divisions qui s'élevèrent entre en Guienne au diocèse de Borles enfans de ce prince. Dans deaux, à six lieues de cette cette histoire on trouve en ville, et fondé en 1080 par langue romance le serment Guillaume VIII, duc d'Aquioriginal de l'accord que les deux taine et comte de Poitiers. Il frères Charles le Chauve, roi de mourut le 5 Avril 1095, et fut France, et Louis, roi de Ger-canonisé par le pape Célestin manie, firent entr'eux à Stras-III en 1197. Voyez sa vie et bourg le 14 Février 842, pour l'histoire de la fondation du s'opposer aux entreprises de monastère de Sauve-Majeure l'empereux Lothaire. M. l'abbé dans le P. Mabillon, Acta SancGrandidier, Hist. de l'égl. de torum Ord. S. Ben. t. XI, p. 841. Strasbourg, t. II, piec. justific. (1) On la trouve dans Boln. 116, p. ccxvj et suiv., en a landus, avec la relation de huit donné une édition correcte, avec miracles opérés par l'interces la traduction du même serment sion du saint,

'abbaye de Corbie en Pircadie. Son nom n'a jamais été inséré dans le martyrologe romain, quoiqu'il Janv.2. soit le principal patron d'un grand nombre d'églises paroissiales, et qu'il soit honoré dans la France les pays-bas, et plusieurs villes bâties sur le bord du Rhin.

Voyez la vie de saint Adélard, par saint Paschase Radbert son disciple, laquelle est écrite avec beaucoup de fidélité, quoique le style en soit fleuri et orné de figures qui lui prêtent un air de panégyrique. Il faut préférer l'édition publiée par le père Mabillon, Acta SS. Bened. t. V, p. 30, à celle que Bollandus a donnée. La vie de saint Adélard, écrite par saint Gérard de Sauve-Majeure, n'est qu'un abrégé de la première, mais le style en est plus historique.

JANV.3.

III. JOUR DE JANVIER.

SAINT PIERRE BALSAME,
MARTYR.

Tiré de ses actes sincères, apud Ruinart, p. 501, et
Bolland. p. 128. Voyez Tillemont, t.V,et Assemani,
Act. Mart. Occid. t. II, p. 206.

L'AN 311.

PIERRE BALSAME, originaire du territoire d'Eleuthérople en Palestine, fut arrêté à Aulane durant la persécution de Maximin. On le conduisit à Sévère, gouverneur de la province, qui commença l'interrogatoire par lui demander son nom. PIERRE répondit: « Je m'appelle Balsame, du nom de mon » père, et j'ai reçu au baptême celui de Pierre. » SEVERE. De quel pays, de quelle famille êtes» vous ? PIERRE. Je suis chrétien. SÉVÈRE. Quel est >> votre emploi ? PIERRE. En puis-je avoir un plus » honorable, ou que peut-on faire de mieux dans » le monde que d'être chrétien? SÉVÈRE. Connais>> sez-vous l'ordonnance des empereurs? PIERre. » Je connais les ordonnances de mon Dieu, le >> souverain monarque du monde. SÉVÈRE. Vous » saurez bientôt qu'il y a un édit des très-clémens » empereurs, qui porte que tous les chrétiens sa>> crifieront aux dieux, ou seront punis de mort. » PIERRE. Vous saurez aussi un jour qu'il y a un » commandement du roi éternel, qui porte que si » quelqu'un sacrifie aux démons, il sera exterminé, » Auquel me conseillez-vous d'obéir? lequel des » deux croyez-vous que je doive choisir, ou de >> mourir de votre main, ou d'être condamné à un » malheur éternel par le grand roi, par le Dieu » véritable? SEVERE. Puisque vous me demandez » mon conseil, je vous dirai que vous devez obéir » à l'édit, et sacrifier aux dieux. PIERRE. Je ne puis

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