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de l'église, et y mena toujours depuis une vie trèsédifiante (g)

S'il nous restait encore des doutes sur ce sujet, nous n'aurions qu'à consulter no:re propre expérience. Pouvons-nous, en considérant la ferveur et le courage des saints, ne pas nous confondre à la vue de notre engourdissement et de notre lâcheté? Nos prétextes frivoles ne peuvent tenir contre l'exemple; et comme nous voyons les plus sublimes maximes de l'évangile réduites en pratique, nous sommes forcés d'avouer qu'elles ne sont point impraticables. Quand nous lisons que des jeuns gens distingués par leur naissance, que des vierges délicates ont généreusement méprisé le monde, pour se charger de leur croix, et pour embrasser les austérités de la mortification, un feu secret s'allume dans notre cœur ; nous nous animons à souffrir patiemment les épreuves que Dieu nous envoie, nous nous assujettissons sans murmurè à des pénitences proportionnées à nos fautes. Quand nous envisageons qu'un grand nombre de Chrétiens se sont sanctifiés dans toutes les conditions, sur le trône, au milieu du tumulte des armes, dans le mariage comme dans les déserts, nous nous persuadons alors que la perfection ne nous est point impossible; que nous pouvons devenir des saints sans quitter le monde, et qu'il nous suffit pour cela d'ennoblir nos actions ordinaires par des actes fervens de religion. Enfin, quand nous voyons que des hommes pétris du même limon que nous, et placés dans des circonstances peutêtre plus critiques, ont triomphe de tous les obstacles et de toutes les contradictions qu'ils rencontrèrent dans le chemin de la vertu, nous nous reprochons l'inaction volontaire qui nous tient dans une espèce de léthargie, et nous nous écrions avec S. Augustin: Pourquoi ne pas faire ce que tels et tels ont fait ?

Il est vrai que la vie de quelques saints nous offre des vertus que nous ne pouvons imiter; mais il y a

(g) Ce trait est rapporté lettres de sainte Thérèse. On dans la préface que M. Pala-peut ajouter à la conversion du fox, évêque d'Osma a mise ministre luthérien, celle du à la tête du quatrième tome des célèbre Woodhead.

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toujours quelque chose qui peut et qui doit être l'objet de notre imitation. En effet, tous les saints ont été humbles, patiens dans les épreuves, détachés du mondė, unis à Dieu par un amour sans partage. Or, est-il un Chrétien qui, sous ces divers rapports, ne puisse et ne doive les prendre pour modèles ?

Concluons. La raison, l'autorité et l'expérience déposent donc en faveur des Vies des Saints, et leur assurent le second rang dans la classe des livres écrits pour nous instruire et nous sanctifier.

Observons toutefois, avant de finir, que la lecture des Vies des Saints ne peut nous être profitable, si elle n'a pour but que la satisfaction d'une vaine curiosité. Nous devons y apporter un vrai désir de faire des progrès dans la vertu. Ne la commençons qu'après avoir imploré le secours de celui qui est l'auteur de toute grace. Ayons soin de nous appliquer à nousmêmes ce que nous lisons, d'en faire notre profit, et de prendre une ferme résolution de pratiquer le bien : ear, dit un grand serviteur de Dieu, «ce serait en vain » que nous lirions les meilleures instructions, si nous » ne nous proposions d'y conformer notre conduite. » La connaissance de nos devoirs sans les œuvres, ne » servirait qu'à nous rendre plus coupables, et de» viendrait pour nous la matière d'un jugement plus rigoureux (3). » Ce serait ressembler à un homme qui, jetant les yeux sur un miroir, y voit son » image, et qui à peine l'y a vue, qu'il s'en va » oubliant à l'heure même quel il était (4). »

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(3) Lanspergius, Enchir.c. 11. (4) Jacob. I, 23 et 24.

DISCOURS

PRÉLIMINAIRE.

Nous ous donnons au public les Vies des Pères, des Martyrs, et des autres principaux Saints dont l'église révère la mémoire. Il serait inutile de vouloir justifier une pareille entreprise. Les avantages de l'histoire sont trop connus et trop frappans. La force de ses charmes va si loin, qu'indépendamment du choix du sujet, et des ornemens dont on le pare, elle est presque toujours sûre de plaire ; elle l'est du moins de trouver des lecteurs.

Mais de toutes les parties de l'histoire, il n'y en a pas de plus attrayante et de plus instructive que celle qui embrasse les vies des grands hommes. En nous présentant un détail judicieux de leurs actions particulières, elle nous offre une image vivante de ces héros qui furent l'admiration des siècles passés ; elle nous trace un tableau fidèle de leurs qualités intérieures, de leurs vertus, et, pour ainsi dire, de l'esprit qui les animait : par-là nous nous trouvons initiés sans effort dans la connaissance des hommes, la plus utile de toutes pour la conduite de notre vie. Les sages maximes f'expérience, les fautes même de ceux qui nous forcent encore à les admirer, quoiqu'ils n'existent plus, tournent à notre profit. La narration n'étant pas interrompue, l'attention du lecteur ne se partage point; son esprit et son cœur en sont plus disposés à se laisser toucher.

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Outre ces avantages généraux qui résultent de toutes les vies particulières, celles des saints ont encore celui de tenir de fort près, et d'être intimement liées au récit des triomphes de l'église,

des trophées de la vertu la plus héroïque, de la conversion des peuples, ce qui lui assure incontestablement la supériorité sur toutes les histoires profanes. Que sont en effet ces histoires? Des archives de scandales. Que sont ces triomphes si vantés d'un Alexandre ou d'un César? Un tissu de brigandages, de meurtres et d'autres crimes, couronnés par le succès. Si les princes aimaient toujours la paix, s'ils étaient les pères de leurs peuples; si tous les hommes conformaient invariablement leur conduite aux règles de la religion, l'histoire profane ne serait presque plus qu'une liste de noms et de dates (a). « Elle n'est, suivant la >> remarque d'un bel esprit de notre siècle, pres» qu'autre chose qu'une vaste scène de faiblesses, » de fautes, de crimes, d'infortunes, parmi lesquelles on voit quelques vertus et quelques suc» cès, comme on voit des vallées fertiles dans une » longue suite de rochers et de précipices (b). » Il n'est personne qui ne sente la justesse de cette réflexion; mais il ne faut pas en étendre la généralité aux vies des saints qui ne présentent qu'un recueil d'actions exemplaires et de vertus toutes célestes.

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Or, tandis qu'un grand nombre de plumes s'exercent sur les différentes parties de l'histoire, serait-il pardonnable d'oublier celle qui mérite notre attention préférablement à toutes les autres? Pourrait-on laisser en friche la plus précieuse portion d'un champ que l'on s'empresse de cultiver chaque jour ?

Les saints dont nous parlerons furent et sont encore l'objet de la vénération du monde chrétien,

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(a) Cette remarque est defpoint de page qui ne renferme l'historien Socrate. des erreurs historiques. Le sa(b) Voyez les Annales de vant Schoëplin, auquel Voltaire Pempire depuis Charlemagne, par avait communiqué son manusVoltaire, imprimées en 1753 crit, en avait porté ce jugeà Colmar, sous le nom de ment. Les Annales ont été refon Bâle. C'est un ouvrage indi-dues, et ont reparu sous le titrę geste, où il n'y a presque d'Essai sur l'Histoire univers.

i.

Nous lisons le nom de la plupart d'entr'eux dans les inscriptions de nos églises, dans nos villes et sur nos édifices, dans les écrits, et dans presque tous les monumens de nos pères; et si M. Tanner (c), en publiant sa Notitia Monastica, a mérité la recon naissance de tous les amateurs de l'antiquité, que n'avons-nous pas droit d'augurer de l'accueil qu'ils feront à l'histoire de ces grands hommes, dont la mémoire doit nous être si chère, et dont les noms nous sont si souvent rappelés?

Nous avons inséré après la vie du principal saint de chaque jour, un abrégé de celle des autres saints qui sont les plus connus dans l'histoire, ou qui ont eu des rapports avec nos ancêtres. Les églises d'Angleterre et d'Ecosse, par une suite du commerce que l'on entretient avec les nations voisines, avaient une dévotion particulière envers plusieurs saints français, comme on le voit, et par leurs anciens bréviaires, et par le beau calendrier Ms. anglais, qui fut écrit sous Edouard IV (d). Les rois et les évêques normands, pour honorer plusieurs saints d'Aquitaine et de Normandie, firent de pieuses fondations qui portent encore leurs noms, malgré les fureurs de la prétendue réforme. Les reliques enfin de quelques saints français, que l'on gardait autrefois en Angleterre, les y ont rendus célèbres. On trouvera donc ici les vies de tous ces saints, quoique cependant on ne puisse les regarder que comme secondaires; mais nous éviterons les fongs détails, pour ne pas franchir les bornes que nous nous sommes prescrites. Nous aurons néanmoins l'attention de recueillir les principaux traits qui caractérisent chaque saint en particulier, afin de ne point fatiguer le lecteur par une ennuyeuse nomenclature; nous tàcherons aussi de diversifier la narration, de la soutenir, de l'animer, de la rendre enfin intéressante par la variété des ornemens. Oter ce double mérite à notre

(c) Savant évêque protes- (d) Ce calendrier Ms. était tant d'Angleterre. en la possession de l'auteur.

Te

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